La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2004 | LUXEMBOURG | N°16640

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 janvier 2004, 16640


Tribunal administratif N° 16640 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2003 Audience publique du 26 janvier 2004 Recours formé par les époux … et …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16640 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Zavidovici (Bosnie), et de son épouse …,

née le … à Miljevici (Bosnie), tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemb...

Tribunal administratif N° 16640 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2003 Audience publique du 26 janvier 2004 Recours formé par les époux … et …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16640 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Zavidovici (Bosnie), et de son épouse …, née le … à Miljevici (Bosnie), tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 9 avril 2003, notifiée par lettre recommandée du 14 avril 2003, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du 22 mai 2003 prise par ledit ministre suite à un recours gracieux introduit par les demandeurs ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 novembre 2003 ;

Vu la lettre télécopiée du 18 décembre 2003 de Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, informant le tribunal de ce qu’il a repris le mandat de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Stéphanie JACQUET, en remplacement de Maître François MOYSE, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

Le 27 décembre 2002, Monsieur … et son épouse Madame … introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, les époux …-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 28 février 2003, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié. Madame … fit une déclaration par écrit en date du 17 mars 2003.

Par décision du 9 avril 2003, leur notifiée par lettre recommandée le 14 avril 2003, le ministre de la Justice les informa que leur demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté la Bosnie en date du 26 décembre 2002 à bord d’une voiture appartenant à un passeur qui vous aurait emmenés au Luxembourg, où vous seriez arrivés le 27 décembre 2002.

Vous avez déposé vos demandes en obtention du statut de réfugié ce même jour.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous seriez venus au Luxembourg pour faire soigner votre femme souffrante d’un cancer du larynx. En Bosnie, il n’y aurait pas eu les moyens médicaux suffisants pour traiter votre femme et les médecins vous auraient conseillé d’aller en Europe. Vous dites ne pas avoir d’autres problèmes, vous n’auriez peur de personne. Vous ne faites pas état de persécutions.

Madame, il résulte de votre déclaration écrite que vous auriez déposé une demande d’asile au Luxembourg pour vous y faire soigner. Vous ne faites pas état d’autres problèmes ou de persécutions.

Selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Par ailleurs, l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée, dispose que « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Je vous informe qu’une demande d’asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Madame, Monsieur, en effet, force est de constater que vous n’invoquez pas de craintes de persécutions. Le fait que vous seriez venus au Luxembourg pour des raisons médicales ne saurait fonder une demande en obtention du statut de réfugié alors qu’il ne rentre pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951. Votre demande en obtention du statut de réfugié est en outre à considérer comme abusive.

Par conséquent vous n’alléguez tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par lettre du 15 mai 2003, les époux …-… introduisirent, par le biais de leur mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 9 avril 2003. Ledit recours tend principalement à l’obtention d’un titre de séjour pour raisons humanitaires sur base de l’article 3 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et de l’article 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers, 2. le contrôle médical des étrangers, 3. l’emploi de la main d’œuvre étrangère et, en ordre subsidiaire, à l’admission au statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. A titre encore plus subsidiaire un statut de tolérance sur base de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire est sollicité au motif que la situation dans le pays d’origine s’opposerait à un retour en dignité des demandeurs.

Le 22 mai 2003, le ministre de la Justice confirma simplement sa décision négative antérieure du 9 avril 2003 sans prendre position quant à la demande en obtention d’un titre de séjour pour raisons humanitaires formulée à titre principal par les demandeurs dans leur recours gracieux.

Le 30 juin 2003, les époux …-… ont introduit un recours tendant à la réformation des décisions précitées des 9 avril et 22 mai 2003.

L’article 12 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est par conséquent recevable.

Au fond, les demandeurs font exposer qu’ils seraient originaires de la région de Zavidovici en Bosnie et qu’ils auraient quitté leur pays d’origine pour faire soigner Madame … laquelle souffrirait d’un cancer du larynx nécessitant un traitement médical au Luxembourg, étant donné que les soins médicaux appropriés ne pourraient lui être administrés en Bosnie. Ils soutiennent qu’ils n’auraient pas eu d’autre choix que de quitter la Bosnie qui serait incapable de protéger ses citoyens.

En droit, les demandeurs concluent à la réformation de la décision ministérielle pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte qu’ils seraient à débouter de leur recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur … et son épouse Madame … lors de l’audition de Monsieur … le 28 février 2003 et résultant de la déclaration écrite de Madame … du 17 mars 2003, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les demandeurs, interrogés sur les motifs de leur demande d’asile, ont répondu qu’ils avaient quitté la Bosnie pour faire soigner Madame …, laquelle souffrirait d’un cancer du larynx, au motif que le traitement médical approprié ferait défaut en Bosnie. Les demandeurs ont par ailleurs affirmé ne pas avoir subi de persécutions ni avoir peur d’en subir.

Ainsi, les demandeurs se réfèrent essentiellement aux problèmes de santé de Madame …, lesquels ne sont non seulement pas documentés par une quelconque pièce, mais même à les supposer établis, ne sauraient justifier la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, étant donné que ni les problèmes de santé en question ni encore la qualité des soins que peuvent assurer les médecins dans leur pays d’origine, ne sont de nature à justifier dans le chef des demandeurs une crainte de persécution au sens de ladite Convention (cf. trib.adm. du 12 juillet 2001 n° 12812 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 80 et autres références y citées).

Il ressort de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Quant à la demande soulevée par le mandataire des demandeurs au cours des plaidoiries et tendant à l’annulation de la décision ministérielle implicite de refus d’un titre de séjour pour raisons humanitaires, il échet de la déclarer irrecevable pour ne pas avoir été libellée par écrit dans la requête introductive d’instance qui, dans son dispositif ne tend qu’à la reconnaissance du statut de réfugié.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare la demande orale tendant à l’annulation d’une décision implicite de rejet de leur demande en obtention d’un permis de séjour irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 26 janvier 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16640
Date de la décision : 26/01/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-01-26;16640 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award