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26/01/2004 | LUXEMBOURG | N°16631

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 janvier 2004, 16631


Tribunal administratif N° 16631 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2003 Audience publique du 26 janvier 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16631 du rôle, déposée le 26 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADE

H, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,...

Tribunal administratif N° 16631 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2003 Audience publique du 26 janvier 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16631 du rôle, déposée le 26 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Turquie), de nationalité turque, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 3 avril 2003, lui notifiée le 2 mai 2003, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre datant du 21 mai 2003, lui notifiée en date du 2 juin 2003, faisant suite à un recours gracieux formulé par le demandeur le 6 mai 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 janvier 2004.

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En date du 15 janvier 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut ensuite entendu en date du 13 mars 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 3 avril 2003, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 8 avril 2003, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs qu’il aurait lui-même reconnu n’avoir subi aucun mauvais traitement pouvant être considéré comme une persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que la crainte par lui invoquée s’analyserait surtout en un sentiment général d’insécurité, commun à la minorité kurde, non susceptible de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a relevé par ailleurs que la situation des droits de l’homme serait en train de s’améliorer considérablement en Turquie et que les autorités auraient entamé un certain nombre de réformes juridiques et administratives pour mettre la législation et les institutions du pays en conformité avec leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme, ce qui devrait empêcher de nouvelles violations de ces droits, de même que la suspension de la lutte armée avec le PKK aurait contribué à réduire le niveau de la répression exercée par l’armée et les forces de police.

Par lettre du 6 mai 2003, Monsieur … introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 3 avril 2003.

Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 21 mai 2003, il a fait introduire, par requête déposée en date du 26 juin 2003, un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 3 avril et 21 mai 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur d’appréciation de sa situation de fait, étant donné que sa situation spécifique serait telle qu’elle laisserait supposer une crainte légitime de persécution dans son pays d’origine au sens de la Convention de Genève.

Il fait exposer qu’il serait originaire de Turquie, qu’il appartiendrait à la minorité des Kurdes, et que son départ depuis son pays d’origine aurait été notamment motivé par le fait qu’il aurait personnellement fait l’objet de violences et de menaces par les autorités étatiques en raison de ses activités politiques et de son appartenance ethnique. Il fait état plus particulièrement de l’absence d’une protection efficace dans son chef de la part des autorités en place en se référant à ses déclarations actées au procès-verbal d’audition du 13 mars 2003 relatant qu’il aurait été le destinataire d’une enveloppe contenant des menaces à son égard, mais que son interlocuteur au commissariat de police aurait déchiré cette feuille en lui disant qu’il n’aurait pas de raison de s’inquiéter. Il rappelle par ailleurs que sa maison aurait été mitraillée et que malgré le fait qu’il aurait porté plainte et ainsi concrètement recherché une protection, les policiers n’auraient même pas dressé procès-verbal de cet incident. Dans la mesure où les actes de persécution ainsi relatés auraient été perpétrés en raison de ses activités politiques antérieures en faveur du parti HADEP dont il aurait été membre depuis 1998, le demandeur estime dès lors rentrer dans les prévisions de la Convention de Genève et devoir bénéficier du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib.adm. 1er octobre 1997, n° 9699 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 11, p. 591).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié (cf. Trib. adm. 27 novembre 1997, n° 10127 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Etrangers, C. Convention de Genève, n° 40, p. 186).

En l’espèce, sur base des éléments du dossier, l’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition en date du 13 mars 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, en ce qui concerne la situation du demandeur en tant que membre de la minorité kurde de la Turquie, il échet de relever que s’il est vrai que la situation générale des membres de cette minorité est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions par des groupes de la population turque, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce, les faits allégués par le demandeur relativement à des menaces anonymes, ainsi qu’au fait que sa maison aurait été mitraillée par des auteurs inconnus, à les supposer établis, constituent certainement des pratiques condamnables, mais, en l’espèce, ne dénotent pas une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle, un risque de persécution dans le chef du demandeur en raison de ses opinions politiques, tel que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Par ailleurs, les déclarations du demandeur relatives à ces faits sont trop vagues pour permettre de retenir comme cause un motif de persécution envisagé par la Convention de Genève, ceci en l’absence notamment de toute précision relative aux auteurs de ces actes.

Les craintes de persécutions invoquées par le demandeur, basées sur son appartenance à la minorité kurde se révèlent dès lors comme étant insuffisantes pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 janvier 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16631
Date de la décision : 26/01/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-01-26;16631 ?

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