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26/01/2004 | LUXEMBOURG | N°16460

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 janvier 2004, 16460


Tribunal administratif N° 16460 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2003 Audience publique du 26 janvier 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Intérieur en matière de promotion

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16460 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 mai 2003 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, premier commissaire principal affecté au service de police judiciaire, de

meurant à L-… , tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réforma...

Tribunal administratif N° 16460 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2003 Audience publique du 26 janvier 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Intérieur en matière de promotion

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16460 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 mai 2003 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, premier commissaire principal affecté au service de police judiciaire, demeurant à L-… , tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision du ministre de l’Intérieur du 13 novembre 2002 portant rejet de sa demande d’avancement et de nomination au grade P10 avec effet au … 2002 ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 26 février 2003, intervenue sur son recours gracieux du 11 février 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 juillet 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 septembre 2003 par Maître Jean KAUFFMAN au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions ministérielles déférées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean KAUFFMAN et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 novembre 2003 ;

Vu l’avis de rupture du délibéré du 9 décembre 2003 invitant les parties à prendre position par rapport au moyen soulevé d’office tenant à la compétence de l’autorité ayant statué au regard notamment des dispositions de l’article 35 de la Constitution ainsi que, le cas échéant, de son article 37, alinéa final ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 décembre 2003 par Maître Jean KAUFFMAN au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2004 :

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire ainsi que Maître Jean KAUFFMAN et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 janvier 2004.

Considérant que par courrier du 23 octobre 2002 Monsieur …, premier commissaire principal affecté au service de police judiciaire de la police grand-ducale, s’est adressé par la voie hiérarchique au ministre de l’Intérieur en sollicitant l’avancement au grade de commissaire divisionnaire adjoint en ces termes :

« Au … 2002, le soussigné a trois ans d’ancienneté dans le grade P9 de premier commissaire principal (h.c.) et six ans d’ancienneté à partir de sa nomination définitive qui remonte au … 1996. Conformément à l’article 4 de l’article 12 modifiée de la loi du 28 mars 1986 sur les conditions d’harmonisation et les modalités d’avancement dans les différentes carrières dans les administrations et services de l’Etat, l’avancement dans le grade P10 de commissaire divisionnaire adjoint se fait après six années de grade à partir de la première nomination. Par conséquent, je vous demanderais, en application de la disposition précédente, de bien vouloir aviser favorablement ma promotion dans le grade P10 avec effet au … 2002.

Je vous prie d’agréer,… » ;

Que cette demande a été avisée favorablement le 23 octobre 2002 par Monsieur … , chef de la section … dont relève le demandeur et continuée par la voie hiérarchique au ministre de l’Intérieur, lequel, par décision du 13 novembre 2002 portée à la connaissance du demandeur le 15 suivant, a refusé d’y faire droit en ces termes :

« …les conditions d’avancement des anciens membres de la carrière des commissaires-enquêteurs sont régies par les dispositions transitoires de l’article 98 de la loi modifiée du 31 mai 1999 sur la Police et l’Inspection Générale de la Police.

Il en résulte notamment que Monsieur … est placé hors cadre dans le cadre supérieur policier. Suivant l’article 26 de la loi précitée, le fonctionnaire placé hors cadre avance au moment où son collègue du cadre policier de rang égal ou immédiatement inférieur obtient une promotion.

Or, le fonctionnaire du cadre supérieur policier à qui est rattaché Monsieur … n’est pas dans les conditions pour obtenir une nomination dans le grade P10 avec effet au … 2002, de sorte qu’il ne m’est pas donné de réserver une suite favorable à la requête du réclamant.

La présente décision est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal Administratif à introduire par ministère d’avocat dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente» ;

Que sur recours gracieux introduit par le mandataire de Monsieur … en date du 11 février 2003 nouvellement communiqué le 13 suivant, le ministre de l’Intérieur, par décision du 26 février 2003 portée à la connaissance du mandataire du demandeur le 5 mars 2003, a pris position comme suit :

« Veuillez noter que les modalités d’avancement inhérentes à la carrière de Monsieur … sont régies par les dispositions transitoires de l’article 98 de la loi modifiée du 31 mai 1999 sur la Police et l’Inspection Générale de la Police. Sur base du paragraphe 5 de l’article 98 précité, un avancement en traitement correspondant au grade P10 lui a été versé à partir du mois de novembre 2002, l’intéressé ayant à partir de cette date à son actif six ans de bons et loyaux services depuis sa nomination définitive.

L’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat ne lui étant pas applicable, Monsieur … n’était pas dans les conditions pour obtenir une promotion au grade P10 avec effet au … 2002.

La présente décision est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal Administratif à introduire par ministère d’avocat dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente. » Considérant que par requête déposée en date du 26 mai 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des deux décisions ministérielles des 13 novembre 2002 et 26 février 2003 précitées ;

Considérant que bien que le recours en réformation n’ait été formulé en l’espèce qu’à titre subsidiaire, le tribunal est néanmoins amené à porter d’abord sur lui son analyse, au regard de la nécessité préalable de délimiter sa compétence d’attribution en la matière ;

Considérant que les décisions ministérielles déférées portent sur le seul refus de promotion prononcé dans le chef du demandeur, de sorte que du fait qu’aucune disposition légale ne prévoit un recours de pleine juridiction en cette matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire (cf. trib. adm. 29 octobre 1998, n° 10684 du rôle, confirmé par Cour adm. 25 février 1999, N° 11015C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Fonction Publique n° 29, p. 260 et autres décisions y citées) ;

Considérant que le recours principal en annulation ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable ;

Considérant que la question de la compétence de l’organe administratif ayant statué constitue une question de fond touchant à l’ordre public et devant être soulevée d’office par le juge (trib. adm. 11 février 1998, n° 9746 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Compétence, n° 1, page 93 et autres décisions y citées) ;

Considérant que le tribunal a soulevé d’office la question de la compétence de l’autorité ministérielle ayant statué en l’espèce au regard notamment des dispositions de l’article 35 de la Constitution ainsi que, le cas échéant, de son article 37, alinéa final ;

Considérant que le demandeur d’estimer que conformément au dispositif de son recours les décisions déférées sont à annuler, ne fût-ce qu’en ordre subsidiaire et par référence à l’article 35 de la Constitution ;

Que suivant le demandeur l’article 37, alinéa final de la Constitution est inapplicable au cas d’espèce, lequel ne rentrerait pas dans les prévisions y contenues, relatives au pouvoir de commandement de la force armée ;

Que le délégué du Gouvernement d’estimer que les conditions légales n’étant pas remplies dans le chef du demandeur concernant une promotion au grade P10, celles-ci ne pouvant intervenir au plus tôt que le 1er août 2005, la question soulevée ne se poserait point à l’heure actuelle pour ne jouer qu’à partir de ladite date butoir du 1er août 2005 ;

Que l’article 37 final de la Constitution concernerait le corps de l’armée et non la police grand-ducale et serait dès lors étranger à la présente affaire ;

Qu’en termes de plaidoiries le mandataire du demandeur et le délégué du Gouvernement se rejoignent pour dire qu’ils préféreraient aboutir à une solution toisant directement le fond, plutôt que de voir prononcer une annulation des décisions déférées pour incompétence de l’autorité ayant statué ;

Que le délégué du Gouvernement de préciser que l’intention du constituant aurait été de conférer aux nominations visées par l’article 35 de la Constitution une certaine solennité ainsi que de garder le chef d’Etat en dehors des applications quotidiennes de la loi concernant notamment les promotions, de sorte à ne pas lui attribuer la compétence pour prononcer des refus de nomination ou de promotion, le Grand-Duc étant à maintenir en dehors de pareils terrains conflictuels ;

Que par ailleurs une saisine du Grand-Duc en cas de non-promotion serait non conforme à la pratique administrative constante et soulèverait un surplus de travail administratif pratiquement inutile ;

Qu’enfin, le désaccord du ministre, fût-ce pour des motifs légaux invoqués, équivaudrait à un refus de contre-seing, de sorte qu’une saisine du Grand-Duc serait de toute façon sans objet en pareille circonstance ;

Considérant que suivant l’article 35, alinéa 1er de la Constitution « le Grand-Duc nomme aux emplois civils et militaires, conformément à la loi, et sauf les exceptions établies par elle » ;

Que l’article 45 de la Constitution porte que « les dispositions du Grand-Duc doivent être contresignées par un membre du Gouvernement responsable » ;

Considérant que suivant les dispositions de l’article 25, alinéa 1er de la loi modifiée du 31 mai 1999 portant création d’un corps de police grand-ducale et d’une inspection générale de la police, « les membres du cadre supérieur de la police sont nommés et promus par le Grand-Duc qui les affecte aux emplois ou les en désaffecte » ;

Que le même article 25 prévoit en son alinéa 4 que « les membres des autres carrières sont nommés et promus par le ministre qui les affecte aux emplois ou les en désaffecte » ;

Considérant que le grade P10 convoité par le demandeur, actuellement 1er commissaire principal affecté au service de police judiciaire, rentre dans le cadre supérieur de la police et relève, dès lors, de l’article 25, alinéa 1er, pour ce qui est de la promotion sollicitée ;

Considérant qu’en vertu de l’article 35 de la Constitution et conformément aux dispositions légales applicables dont plus particulièrement l’article 25, alinéa 1er de la loi modifiée du 31 mai 1999 précitée, la demande de promotion de Monsieur … a relevé de façon éminente de la compétence du Grand-Duc (cf. trib. adm. 12 juin 2002, numéros 13915 et 14592 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Fonction publique, n° 40 page 263 et autres décision y citées), quel que soit le bien-fondé de la demande, la compétence de nomination et de promotion englobant nécessairement celle du refus à prononcer y relativement (cf. trib. adm. 17 janvier 2001, n° 12215a du rôle, Pas. adm. 2003, V° Fonction publique, n° 9 page 256) ;

Considérant qu’une pratique administrative, fût-elle constante, ne saurait tenir en échec les termes clairs de la loi, ni a fortiori ceux de la Constitution ;

Que le fait de ne pas soumettre une demande de promotion au Grand-Duc, compétent pour statuer y relativement d’après les dispositions de l’article 35 de la Constitution et de l’article 25, alinéa 1er de la loi modifiée du 31 mai 1999 précitée, revient à ôter au chef d’Etat une compétence expressément prévue dans son chef ;

Que la position du ministre, fût-elle justifiée au fond, ne saurait dès lors anticipativement se substituer à celle du chef d’Etat, compétent en la matière ;

Qu’en tout état de cause le contre-seing ministériel prévu par l’article 45 de la Constitution intervient par essence après que le Grand-Duc ait statué ;

Qu’il s’ensuit que les décisions déférées encourent l’annulation pour incompétence de l’autorité ayant statué.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

le dit également fondé ;

annule les décisions ministérielles déférées pour incompétence de l’autorité ayant statué ;

renvoie l’affaire devant le ministre de l’Intérieur en vue de la transmission utile du dossier au Grand-Duc ;

condamne l’Etat aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 janvier 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16460
Date de la décision : 26/01/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-01-26;16460 ?

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