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31/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16459

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 décembre 2003, 16459


Tribunal administratif N° 16459 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mai 2003 Audience publique du 31 décembre 2003 Recours formé par l’entreprise des Postes et Télécommunications contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16459 du rôle, déposée le 23 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’entreprise des Postes et Téléco

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Tribunal administratif N° 16459 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mai 2003 Audience publique du 31 décembre 2003 Recours formé par l’entreprise des Postes et Télécommunications contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16459 du rôle, déposée le 23 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’entreprise des Postes et Télécommunications, entreprise publique, établie et ayant son siège social à L-2020 Luxembourg, 8A, avenue Monterey, représentée par son comité de direction actuellement en fonction, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un acte du ministre du Travail et de l’Emploi du 24 décembre 2002, par lequel elle a été sommée de suspendre toute exploitation de la station Gsm sur le site à Colmar-Berg et de démonter les installations jusqu’au 15 janvier 2003 au plus tard ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’acte critiqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Georges KRIEGER et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

Le 7 mai 2001, l’entreprise des Postes et Télécommunications, ci-après dénommée « les P&T », sollicita de la part de l’administration de l’Environnement, service des établissements classés, l’autorisation d’installer et d’exploiter une station Gsm à Colmar-Berg, section BB de Berg, rue de Mertzig, sur la toiture du « Power House » du château grand-ducal.

En date des 21 juin et 27 juillet 2001, les ministres de l’Environnement et du Travail et l’Emploi délivrèrent les autorisations d’exploitation exigées par les dispositions de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés.

A la suite de recours contentieux déposés en date des 23 juillet et 21 août 2001 par l’administration communale de Colmar-Berg, ci-après dénommée « la commune », à l’encontre des décisions précitées des 21 juin et 27 juillet 2001, le tribunal administratif rendit un jugement en date du 16 mai 2002, par lequel les deux recours ont, à la suite de leur jonction, été déclarés non justifiés, au motif notamment qu’en autorisant les installations litigieuses, les ministres concernés n’ont pas violé l’article 17.2 de la loi précitée du 10 juin 1999, en ce que, « eu égard au développement de la culture du téléphone mobile, l’absence de réseau Gsm à certains endroits étant ressentie par une majorité de la population comme une nuisance plutôt qu’un bienfait, un aménagement garantissant la couverture locale par le réseau satisfait désormais les besoins propres des différents quartiers d’habitation et autres », étant entendu qu’en l’espèce suivant les constatations faites par le tribunal, l’immeuble litigieux est situé dans un secteur d’habitation à faible densité réservé aux maisons d’habitation isolées ou jumelées et aux édifices et aménagements servant les besoins propres du quartier, suivant les indications figurant dans le plan d’aménagement général provisoirement adopté par le conseil communal de Colmar-Berg le 11 février 1993, cet acte étant le dernier de la procédure administrative tendant à déterminer un plan d’aménagement général pour l’ensemble des territoires de ladite commune.

Sur appel formé à l’encontre du jugement précité du 16 mai 2002, la Cour administrative rendit un arrêt le 26 novembre 2002, par lequel elle a déclaré ledit appel recevable et justifié quant au fond, en annulant, par réformation du jugement précité du 16 mai 2002, les autorisations ministérielles des 21 juin et 27 juillet 2001 des ministres de l’Environnement et du Travail et de l’Emploi, au motif que contrairement aux conclusions retenues par le tribunal, « ni la partie graphique ni la partie écrite du plan d’aménagement général ne permettent la construction d’antennes Gsm dans la zone d’habitation de faible densité, de sorte à ce que les ministres concernés ont violé l’article 17.2 de la loi précitée du 10 juin 1999 en délivrant les autorisations litigieuses, qui encourent partant l’annulation ».

Par courrier du 24 décembre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, en se référant à l’arrêt précité du 26 novembre 2002, somma les P&T, conformément à l’article 27 de la loi précitée du 10 juin 1999, « de suspendre toute exploitation de la station Gsm sur le site à Colmar-Berg et de démonter les installations jusqu’au 15 janvier 2003 au plus tard », en lui rappelant qu’à défaut de se conformer à la mise en demeure en question, le dossier serait transmis au Parquet aux fins de poursuites sur base de l’article 25 de la loi précitée de 1999. A l’encontre de cette lettre, les P&T ont fait introduire par leur mandataire, par lettre du 14 janvier 2003, un recours gracieux auprès du ministre du Travail et de l’Emploi, dans lequel ils informèrent ce dernier notamment qu’à la suite de l’arrêt précité du 26 novembre 2002, les P&T auraient réduit « la station de façon qu’elle n’émette qu’à une puissance inférieure à 100 Watts », et que plus particulièrement la puissance maximale de la station aurait été réduite à partir du 10 décembre 2002 à une puissance de 67,6 Watts, de sorte que la station Gsm actuellement exploitée sur le site à Colmar-Berg ne tomberait plus dans le champ d’application de la loi précitée du 10 juin 1999, en ce qu’elle ne serait pas visée par la nomenclature retenue dans le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés, et qu’elle ne nécessiterait partant plus aucune autorisation ministérielle.

Il ressort encore du dossier administratif tel que soumis au tribunal qu’en date du 11 avril 2003, le procureur d’Etat auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, en se référant également à l’arrêt précité du 26 novembre 2002 de la Cour administrative, somma les P&T « de démonter cette station Gsm installée sur le site du « Power House » du château grand-ducal jusqu’au 15 mai 2003 au plus tard, alors qu’elle s’y trouve en violation de la loi [précitée] du 10 juin 1999 (…) et de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes », à défaut de quoi des poursuites judiciaires à son encontre s’imposeraient.

Il se dégage encore d’un premier courrier de réponse adressé par les P&T au procureur d’Etat en date du 2 mai 2003, qu’elles estimaient se trouver en conformité avec les législations précitées des 10 juin 1999 et 12 juin 1937, en ce que l’installation litigieuse aurait été modifiée à la suite de l’arrêt précité de la Cour administrative et qu’elle ne serait exploitée qu’à une puissance inférieure à 100 Watts, tombant ainsi en dehors du champ d’application de la loi précitée de 1999.

Toutefois, par un deuxième courrier adressé par les P&T au procureur d’Etat en date du 19 mai 2003, elles informèrent le procureur qu’elles avaient eu l’intention, en date du 14 mai 2003, de procéder à la mise hors service et au démontage matériel de la station de base LuxGsm litigieuse, mais qu’à leur arrivée « à la porte d’entrée du château de la Cour Grand-Ducale », l’accès à l’enceinte de la Cour Grand-Ducale leur aurait été refusé par le responsable technique du château, qui aurait informé les agents concernés des P&T que le Maréchal de la Cour aurait ordonné de ne pas autoriser le démontage de la station de base LuxGsm en cause, en estimant « que le fait de démonter la station de base sans alternative fonctionnelle risquerait de priver Son Altesse Royale, le Grand-

Duc, de la possibilité de contacter le Gouvernement en cas de nécessité et constituerait dès lors une atteinte à la sécurité de l’Etat ».

Par requête, inscrite sous le numéro 16459 du rôle, déposée le 23 mai 2003 au greffe du tribunal administratif, les P&T ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la lettre précitée du ministre du Travail et de l’Emploi du 24 décembre 2002.

L’article 19 de la loi précitée du 10 juin 1999 ouvrant un recours au fond devant le juge administratif pour statuer en la présente matière, seul un recours en réformation a pu être introduit à l’encontre de la lettre précitée, faisant l’objet du présent litige, du 24 décembre 2002. – Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Le délégué du gouvernement conclut toutefois à l’irrecevabilité du recours en réformation, en ce que la lettre litigieuse du 24 décembre 2002 ne constituerait pas une décision administrative de nature à faire grief « par elle-même », étant donné qu’elle serait à situer dans le cadre de l’exécution, par le ministre du Travail et de l’Emploi, de l’arrêt précité de la Cour administrative du 26 novembre 2002.

La lettre en question constituerait en réalité une lettre d’information, en ce qu’elle renvoie à l’article 25 de la loi précitée du 10 juin 1999 fixant les sanctions pénales en cas d’infraction à certains articles de cette loi, et que le courrier en question ne contiendrait dans le chef du ministre aucune expression de volonté quant à une décision à prendre à l’encontre des P&T, en ce qu’il n’aurait pas agi « de sa propre initiative », mais seulement à la suite de la décision de la Cour administrative précitée. Ainsi, ce ne serait pas la lettre querellée qui ferait grief, mais la décision juridictionnelle en question.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse se rapporte à prudence de justice quant à la qualification du courrier querellé du 24 décembre 2002 en tant qu’acte administratif de nature à faire grief, en estimant néanmoins qu’au cas où le tribunal arriverait à la conclusion que la lettre en question n’aurait qu’un simple caractère informatif, il ne pourrait en découler aucune conséquence dommageable pour elle.

En ce qui concerne ce premier moyen d’irrecevabilité du recours en réformation, il échet de rappeler que l’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l’acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l’objet d’un recours, la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief (trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Actes administratifs, n° 3, page 14 et autres références y citées).

S’il est vrai que le ministre du Travail et de l’Emploi s’est expressément référé à l’article 27 de la loi précitée du 10 juin 1999, en application duquel il a expressément indiqué avoir pris sa lettre querellée du 24 décembre 2002, il n’empêche que la disposition légale en question ne saurait trouver application en l’espèce, étant donné qu’elle vise exclusivement les cas dans lesquels ledit ministre constate par lui-même, et de sa propre initiative, une violation par un établissement classé de certaines dispositions de la loi en question, lesdites constatations l’autorisant le cas échéant à « impartir à l’exploitant d’un établissement un délai dans lequel ce dernier doit se conformer à ces dispositions, délai qui ne peut être supérieur à deux ans » ou à « faire suspendre, après une mise en demeure, en tout ou en partie l’exploitation ou les travaux de chantier par mesure provisoire ou fermer l’établissement ou le chantier en tout ou en partie et apposer des scellés ».

Or, en l’espèce, ce n’est pas le ministre du Travail et de l’Emploi qui a procédé à une quelconque constatation quant à des illégalités commises par l’exploitant d’un établissement classé, alors que c’est lui qui a, au contraire, autorisé ledit établissement par son autorisation précitée du 27 juillet 2001, mais c’est la Cour administrative qui, dans son arrêt précité du 26 novembre 2002, a annulé par réformation du jugement également précité du tribunal administratif du 16 mai 2002, notamment l’autorisation précitée du ministre du Travail et de l’Emploi du 27 juillet 2001.

Ceci dit, et à part le fait que le ministre s’est référé à la mauvaise disposition légale sur laquelle il a déclaré baser son acte, ce qui ne saurait toutefois prêter à conséquence, il ressort sans aucun doute possible, tel que cela ressort d’ailleurs du premier alinéa de la lettre en question, que le ministre a entendu agir en exécution de l’arrêt précité de la Cour administrative du 26 novembre 2002, arrêt auquel il se réfère de manière précise, pour informer les P&T que l’arrêt en question avait déclaré que « la station Gsm en question n’est pas autorisable conformément à l’article 17.2 de la loi [précitée] du 10 juin 1999 (…) » .

En dernier lieu, le ministre a encore « rappelé » aux P&T le contenu de l’article 25 de la loi précitée du 10 juin 1999, contenant les sanctions pénales qu’elles risqueraient d’encourir en cas de défaut de se conformer à sa « mise en demeure ».

Il échet de constater tout d’abord que le ministre du Travail et de l’Emploi n’a pas procédé lui-même à des constatations portant sur l’installation et l’exploitation de la station Gsm litigieuse, mais qu’il a simplement entendu intervenir auprès des P&T afin qu’elle respecte l’arrêt de la Cour administrative, arrêt avec lequel il n’a d’ailleurs pas nécessairement dû être d’accord, puisqu’il a défendu nécessairement une position contraire à celui-ci en ayant autorisé, par sa décision du 27 juillet 2001, l’établissement classé en question. Il y a lieu de conclure de ce comportement du ministre qu’il n’a pas eu l’intention de prendre une décision, qui serait forcément contraire à celle qu’il avait prise le 27 juillet 2001, mais de faire respecter le droit tel qu’il a été constaté par la Cour administrative.

En outre, l’acte querellé du 24 décembre 2002 n’est pas par lui-même de nature à faire grief et de produire des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale des P&T, puisque le seul acte de nature à produire de tels effets en l’espèce constitue l’arrêt de la Cour administrative.

Il suit des développements qui précèdent que la lettre du 24 décembre 2002 ne constitue pas un acte administratif de nature à faire grief mais il constitue au contraire une simple lettre d’information non susceptible d’un recours contentieux devant les juridictions administratives, de sorte que le recours contentieux sous examen doit être déclaré irrecevable, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments développés par les parties en cause.

Il y a enfin lieu d’ajouter, pour être complet, que de toute façon la lettre en question ne portait pas sur l’installation et l’exploitation d’une station Gsm telle que les P&T entendent exploiter à l’heure actuelle, mais sur une station Gsm faisant l’objet de la demande initiale des P&T du 7 mai 2001, introduite auprès de l’administration de l’Environnement, service des établissements classés, le 10 mai 2001, et qui portait sur une station Gsm d’une puissance isotrope rayonnée de 1380 Watts. Ainsi, le tribunal administratif n’était pas saisi d’un recours dirigé contre une éventuelle décision administrative portant sur une installation telle qu’actuellement envisagée par les P&T, ayant une puissance isotrope rayonnée inférieure à 100 Watts.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance;

déclare le recours irrecevable ;

condamne la demanderesse aux frais .

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 31 décembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16459
Date de la décision : 31/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-31;16459 ?

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