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18/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16761

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 décembre 2003, 16761


Tribunal administratif N° 16761 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2003 Audience publique du 18 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … (B) contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16761 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2003 par Maître Véronique DE MEESTER, avocat à la Cour, assistée de Maître Yann HILPERT, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre d

es avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à la réformation,...

Tribunal administratif N° 16761 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2003 Audience publique du 18 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … (B) contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16761 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2003 par Maître Véronique DE MEESTER, avocat à la Cour, assistée de Maître Yann HILPERT, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 5 mai 2003, confirmant sur recours gracieux le refus dudit ministre datant du 17 mars 2003 de lui accorder l’autorisation d’établissement pour la profession d’entrepreneur de constructions, sinon d’entrepreneur plafonneur cimentier, d’entrepreneur de maçonnerie et de béton et d’entrepreneur carreleur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître David MARIA, en remplacement de Maître Véronique DE MEESTER, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 décembre 2003.

Suivant demande présentée en date du 24 septembre 2002, Monsieur … sollicita auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après appelé « le ministre », une autorisation d’établissement en qualité d’entrepreneur de constructions, sinon pour l’exercice des activités suivantes : entrepreneur plafonneur-

cimentier, entrepreneur de maçonnerie et de béton, entrepreneur carreleur.

Suivant courrier datant du 23 octobre 2002, cette demande fut transmise au ministère de la Justice avec prière d’avis quant à la responsabilité de Monsieur … dans la faillite de la société C. S.A., prononcée le 30 juin 2000.

Sur base des renseignements fournis au dossier par le Parquet général, la commission prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après appelée « la loi d’établissement », émit en date du 5 mars 2003 un avis négatif en raison des agissements de Monsieur … dans le cadre de la faillite C. S.A., ceci par référence à l’avis émis à cet égard par le Parquet du tribunal d’arrondissement sur base notamment du rapport du curateur de cette faillite.

Par décision datant du 17 mars 2003, le ministre refusa de faire droit à la demande de Monsieur … aux motifs suivants :

« Le résultat m’amène à vous informer que selon l’avis de la commission y prévue Monsieur … ne présente plus la garantie nécessaire d’honorabilité professionnelle compte tenu de ses agissements dans le cadre de la faillite de la société C. S.A. suite à un avis du Parquet Général et à un rapport du curateur (l’aveu de la faillite n’a pas été effectué, la comptabilité et les comptes n’ont pas été tenus, notamment) ainsi qu’en raison d’une fausse déclaration de non-faillite faite sous serment devant un notaire.

Par ailleurs, l’activité de la société se caractérise par des dettes sociales et fiscales. Or, les dispositions de l’article 2 de la loi d’établissement prémentionnée stipulent « au cas où l’intéressé a violé ses obligations professionnelles légales, notamment au regard du droit d’établissement ou s’est soustrait aux charges sociales et fiscales que lui impose sa profession, l’autorisation peut être refusée ou révoquée » Comme je me rallie à la prise de position de cet organe de consultation, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur l’article 2 et l’article 3 de la loi susmentionnée ».

Le recours gracieux introduit par Monsieur … suivant courrier de son mandataire du 22 avril 2003 à l’encontre de la décision prévisée du 17 mars 2003 s’étant soldé par une décision confirmative datant du 5 mai 2003, il a fait déposer en date du 24 juillet 2003 un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du refus ministériel prévisé du 17 mars 2003 tel que confirmé en date du 5 mai suivant.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir que ce serait à tort que le ministre s’est rallié à l’avis négatif du Parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour retenir qu’il ne disposerait plus de l’honorabilité requise, alors que les causes de la faillite de la société C.S S.A. n’auraient résidé nullement dans ses agissements, mais seraient imputables, d’une part, à une fiduciaire qui aurait été chargée de l’intégralité de la comptabilité de cette société et qui à l’époque aurait très mal rempli sa mission tant au regard de la comptabilité de la société que vis-à-vis des autorités luxembourgeoises, ainsi que, d’autre part, dans la faillite de la société P. S.A. contre laquelle la société C. S.A. aurait eu une créance impayée de l’ordre de 6.000.000,- flux pour des travaux de sous-traitance effectués sur un chantier durant une année.

Il relève en outre qu’aucune procédure judiciaire pénale ne serait pendante à son encontre et qu’il aurait remboursé à la faillite les sommes qu’il avait empruntées à la société, en l’occurrence un montant de 100.000,- flux qui aurait été intégralement versé au curateur pour compte de la société en faillite.

Le demandeur estime ainsi avoir démontré qu’il n’aurait jamais eu la moindre volonté d’abuser des biens sociaux.

Quant à la prétendue fausse déclaration devant le notaire Jean-François BRICART, de résidence à Messancy en Belgique, évoquée dans l’avis négatif de la commission, le demandeur fait valoir qu’il apparaîtrait clairement qu’il n’aurait jamais essuyé une faillite personnelle en Belgique et qu’au Luxembourg, c’est la société C. S.A.

dont il était certes le gérant qui a été déclaré en faillite, mais non lui-même, étant donné qu’il n’aurait jamais fait le commerce en nom personnel.

Le délégué du gouvernement rétorque que même en l’absence de poursuites pénales, l’avis du Parquet économique et le rapport d’un curateur de faillite pourraient guider le ministre dans l’appréciation de l’honorabilité d’un demandeur en autorisation d’établissement. Il signale à cet égard que le rapport du curateur de la faillite de la société C. S.A. relève au titre des causes de la faillite les négligences, manquements et agissements de Monsieur … et plus particulièrement le fait que les salaires n’ont pas été payés sans que pour autant Monsieur …, en tant que dirigeant de la société, n’ait procédé à l’aveu de la cessation des paiements. Il signale en outre que la comptabilité n’a plus été effectuée depuis 1998, soit deux années avant le prononcé de la faillite, de sorte que les allégations du demandeur relatives à une déficience de la fiduciaire chargée de cette tâche ne sauraient emporter la moindre conviction.

A côté de ces irrégularités qu’il estime suffisantes pour compromettre, à elles seules, l’honorabilité professionnelle du demandeur, le représentant étatique fait valoir que ce dernier aurait encore commis personnellement des irrégularités caractérisées en ce qu’il aurait vendu à prix de complaisance le matériel roulant de la société peu avant le prononcé de la faillite et largement après la date de cessation des paiements, de sorte que le curateur a considéré qu’il y a eu dans son chef détournement d’une partie de l’actif de la société. Il signale à cet égard que la plainte du curateur pour abus de biens sociaux aurait échoué uniquement pour des considérations de délai raisonnable. Il reproche en outre à Monsieur … un défaut de collaboration avec le curateur, ainsi que d’avoir violé ses obligations professionnelles légales en se soustrayant aux charges sociales et fiscales que lui impose sa profession en ce que la société C. S.A. aurait accusé un passif considérable, dont des salaires non payés de l’ordre de 1.145.140,- flux, des dettes fiscales et sociales s’élevant à 3.144.886,- flux au titre de la TVA, à 224.483,- flux aux Contributions et à 60.000,- flux à la Caisse de maladie des ouvriers.

Il estime qu’au vu de l’ensemble des éléments ainsi établis en cause, la décision ministérielle serait justifiée et ne saurait encourir l’annulation.

Aux termes des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi d’établissement « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles ». Au vœu de l’alinéa final du même article 3 « l’honorabilité s’apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative ».

Ainsi, toutes les circonstances révélées par l’enquête administrative et pouvant avoir une incidence sur la manière de l’exercice de la profession faisant l’objet de la demande d’autorisation, doivent être prises en compte par le ministre pour admettre, sinon récuser l’honorabilité dans le chef du demandeur en autorisation.

Si le seul fait d’avoir été impliqué dans une faillite n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef du demandeur, toujours est-il que des faits permettant de conclure dans le chef du dirigeant d’une société à l’existence d’actes personnels portant atteinte à l’honorabilité professionnelle, constituent des indices suffisants pour refuser l’autorisation sollicitée (cf. trib. adm. 5 mars 1997, n° 9196 du rôle, Pas. adm. 2003, v° autorisation d’établissement, n° 94 et autres références y citées, page 77).

En l’espèce, l’autorisation d’établissement est refusée à Monsieur … au motif qu’il ne possèderait pas l’honorabilité professionnelle requise à la suite de son implication dans la faillite de la société C. S.A. prononcée par jugement du 30 juin 2000.

Il se dégage des pièces versées au dossier que dans le cadre de l’instruction administrative de la demande d’autorisation d’établissement litigieuse, le substitut du procureur d’Etat a retenu, dans son avis du 28 novembre 2002, que Monsieur …, en tant que seul bénéficiaire économique de la société, a commis certaines irrégularités par le fait notamment d’avoir vendu à vil prix quatre véhicules appartenant à la société en faillite ceci peu avant la date du prononcé de la faillite, mais en tout cas largement après la date de la cessation des paiements et que l’entier bénéfice de cette vente lui serait revenu. Il a relevé que parallèlement aucun salaire aux ouvriers n’a été payé à partir du mois de novembre 1999 sans que pour autant Monsieur …, en sa qualité de dirigeant de la société, n’ait fait l’aveu de la cessation des paiements, de même que la tenue de la comptabilité a cessé en 1998, pour conclure que face à ces fautes caractérisées, il y aurait lieu de s’opposer à l’octroi d’une nouvelle autorisation d’établissement dans le chef du demandeur.

Dans la mesure où il est de l’essence même de la procédure d’autorisation préalable d’assurer la sécurité du commerce et de protéger les citoyens contre des agissements de commerçants susceptibles de mener à de nouvelles faillites, le fait relevé par l’instruction administrative pour une personne d’avoir, en tant que dirigeant, déjà méconnu dans le passé son obligation de surveiller le bon déroulement des affaires d’une société, constitue une raison suffisante pour conclure au défaut des garanties requises d’honorabilité professionnelle dans son chef en vue de remplir à nouveau les fonctions de gestion ou de direction d’une entreprise.

En l’espèce, l’ampleur du passif accumulé de la société C. S.A., ainsi que le défaut de faire l’aveu de la cessation des paiements en temps utile, imputable à Monsieur …, ensemble le défaut de collaboration avec le curateur de faillite relevé par celui-ci et non autrement contesté par le demandeur, constituent des éléments suffisants pour justifier la décision de refus sur base des implications de Monsieur … dans la survenance de la faillite de la société C. S.A., ceci au-delà même de ses agissements, par ailleurs non contestés non plus en fait, ayant consisté à vendre à vil prix le capital roulant ayant appartenu à la société en faillite peu avant la date du prononcé de la faillite, mais largement après la date de la cessation des paiements.

Dans la mesure où la conclusion ci-avant dégagée ne saurait être utilement énervée ni par le fait que Monsieur … a remboursé à la faillite un montant de 100.000,-

flux, ni encore par d’éventuelles négligences professionnelles commises au niveau de la fiduciaire s’étant occupée à l’époque des affaires de la société en faillite, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 décembre 2003 :

M. Ravarani, président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16761
Date de la décision : 18/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-18;16761 ?

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