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18/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16592

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 décembre 2003, 16592


Tribunal administratif N° 16592 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2003 Audience publique du 18 décembre 2003

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Recours formé par Monsieur … et Madame … … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16592 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Kotor (Kosovo), et de sa mère, Madame … … …, née le … à … (...

Tribunal administratif N° 16592 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2003 Audience publique du 18 décembre 2003

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Recours formé par Monsieur … et Madame … … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16592 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Kotor (Kosovo), et de sa mère, Madame … … …, née le … à … (Kosovo), tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 16 mai 2003, leur notifiée le 27 mai 2003, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2003 par Maître François MOYSE pour compte des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 décembre 2003.

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Le 6 janvier 2003, Monsieur … et sa mère, Madame … … … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les consorts …-… furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié lors d’auditions ayant eu lieu en dates des 25 février et 23 avril 2003.

Par décision du 16 mai 2003, leur notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 26 mai 2003, le ministre de la Justice informa les consorts …-… de ce que leur demande avait été refusée aux motifs qu’ils ne feraient ni l’un ni l’autre état de mauvais traitements, eu de persécutions et que par ailleurs le Kosovo, pour des Albanais, ne saurait être considéré comme un territoire où des risques de persécution seraient à craindre. Quant au désir de Madame … de faire soigner son fils au Luxembourg, le ministre a retenu qu’il ne s’agirait pas d’une considération rentrant dans le cadre de la Convention de Genève, de sorte que la demande d’asile des consorts …-… ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis dans le cadre de l’article 1er, A, 2) de la Convention de Genève.

Par requête déposée en date du 19 juin 2003, les consorts …-… ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 16 mai 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

Quant au fond, les demandeurs font exposer que Monsieur … aurait été en conflit avec la police serbe, qu’il aurait été torturé et que ce serait la raison pour laquelle il aurait dû quitter son pays une première fois en 1993. Dans la mesure où la famille des demandeurs aurait complètement disparu pendant la guerre et qu’au moment de leur départ réitéré du Kosovo le 2 janvier 2003, ils auraient été dans un état d’esprit de crainte particulièrement aigu, résultant de ce qu’ils ont vécu au Kosovo, ils reprochent au ministre de ne pas avoir tenu compte à suffisance de leur situation individuelle. Les demandeurs font relever en outre que si Monsieur … est retourné à un moment donné au Kosovo, cela aurait été en raison uniquement de l’état de santé déficitaire de sa mère qu’il aurait souhaité aller soigner. Dans la mesure où il aurait cependant subi par le passé des traumatismes très profonds lors de ses arrestations par la police serbe au point d’avoir dû se soigner à l’étranger et d’être encore à l’heurte actuelle sujet à des problèmes psychologiques, aggravés par la prise de conscience du massacre de sa famille, il éprouverait toujours une crainte justifiée de persécution de la part des Serbes.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Force est de rappeler qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de leur départ, voire antérieurement. En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

En l’espèce, force est de constater que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer leur protection.

En effet, il se dégage du récit tel que soutenu en cause que la crainte qu’éprouve encore à l’heure actuelle Monsieur … par rapport aux Serbes trouve ses origines au niveau de faits qui se sont passés au début des années 90 et s’explique non pas par la situation actuelle dans le pays d’origine des demandeurs, mais surtout en raison des troubles psychologiques dont déclare être atteint le demandeur …, de manière à s’analyser en un motif tenant essentiellement à son état de santé mentale.

Or, des raisons tenant essentiellement à l’état de santé déficitaire d’un demandeur d’asile, fût-il la résultante d’événements traumatisants qu’il a pu vivre par le passé dans son pays d’origine, sont insuffisantes, tant en principe qu’en l’espèce, pour justifier dans le chef des demandeurs l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice a valablement pu refuser de faire droit à leur demande d’asile.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 décembre 2003 :

M. Ravarani, président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16592
Date de la décision : 18/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-18;16592 ?

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