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18/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16576

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 décembre 2003, 16576


Tribunal administratif N° 16576 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2003 Audience publique du 18 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16576 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2003 par Maître Sandra WIETOR, avocat à la Cour, assistée de Maître Anne REULAND, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …

à Mitrovica (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à ...

Tribunal administratif N° 16576 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2003 Audience publique du 18 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16576 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2003 par Maître Sandra WIETOR, avocat à la Cour, assistée de Maître Anne REULAND, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mitrovica (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 mars 2003, notifiée le 24 mars 2003, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du 8 mai 2003, rendue par le même ministre suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Anne REULAND et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 décembre 2003.

Le 2 janvier 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu en date du 18 février 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 17 mars 2003, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 21 mars 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été refusée au motif qu’elle reposerait essentiellement sur des raisons économiques et des problèmes de logement lesquels ne rentreraient pas dans le cadre de la Convention de Genève.

Par courrier de son mandataire du 16 avril 2003, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 17 mars 2003.

Le 8 mai 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 17 mars et 8 mai 2003.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il aurait fait l’objet de menaces de mort verbales et écrites et qu’il n’aurait pas vu d’autre solution que de fuir vers l’étranger.

Il reproche au ministre d’avoir méconnu la réalité et la gravité des persécutions qu’il aurait à craindre en cas de retour dans son pays, de même qu’il n’aurait pas apprécié à sa juste valeur la situation générale au Kosovo qui serait telle que des persécutions organisées auraient lieu contre des individus appartenant à un certain groupe social, racial, politique ou religieux, de manière à ce que tout membre de ce groupe serait une victime probable et que seul le hasard désignerait la personne qui serait finalement emprisonnée, battue ou tuée lors des prochaines exactions. Il relève à cet égard appartenir au groupe social des musulmans soumis quotidiennement à l’oppression et à la persécution serbe. Le demandeur signale en outre avoir manifesté son intention de fixer son principal établissement au Luxembourg, de sorte que son domicile, au regard de la définition fournie par l’article 103 du code civil, serait considéré comme se trouvant au Luxembourg et que partant son droit au respect du domicile tel que protégé par la Convention européenne des droits de l’homme imposerait que toute atteinte à ce droit devrait être justifiée par une des conditions limitativement énumérées par l’article 8 alinéa de ladite Convention.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 18 février 2003, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de son départ.

En ce qui concerne cette situation actuelle en l’espèce, il est constant en cause que suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

Force est de constater que le demandeur fait en l’espèce essentiellement état de sa crainte de subir des persécutions de la part de Serbes du Kosovo en raison de sa confession musulmane, mais que cette crainte, au vu de la situation générale actuelle au Kosovo, ne serait en tout état de cause être considérée comme étant grave au point que la seule appartenance à la population de confession musulmane justifierait l’octroi du statut de réfugié. Les craintes exprimées par le demandeur s’analysent plutôt en un sentiment général de peur, insuffisant à établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève, ceci d’autant plus que le demandeur n’a pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre public en place ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant, et qu’il n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part de ces autorités.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant le motif basé sur une éventuelle atteinte à son droit au respect de son domicile, faute pour celui-ci de s’inscrire dans les prévisions de la Convention de Genève.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 décembre 2003 :

M. Ravarani, président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16576
Date de la décision : 18/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-18;16576 ?

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