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18/12/2003 | LUXEMBOURG | N°15096

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 décembre 2003, 15096


Tribunal administratif N° 15096 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2002 Audience publique du 18 décembre 2003

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence du syndicat de chasse Vianden en matière de chasse

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15096 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2002 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de Madame …, demeurant à L- …, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Envir...

Tribunal administratif N° 15096 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2002 Audience publique du 18 décembre 2003

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence du syndicat de chasse Vianden en matière de chasse

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15096 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2002 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L- …, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement du 10 juin 2002 portant approbation de la délibération du syndicat de chasse de Vianden ayant porté décision du principe et du mode de relaissement des lots de chasse n°s 162, 163 et 164 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 9 juillet 2002 portant signification de ce recours au syndicat de chasse de Vianden ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 septembre 2002 ;

Vu l’ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif du 10 octobre 2002 prorogeant le délai légal pour déposer un mémoire en réplique de sorte à expirer, sous peine de forclusion, le jeudi 5 décembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 décembre 2002 par Maître Marc ELVINGER au nom de Madame … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc ELVINGER et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 mars 2003.

Vu la note de plaidoiries déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 mars 2003, après rapport, par le délégué du Gouvernement.

Vu l’avis de rupture du délibéré du 18 juin 2003 ;

Vu les questions y soulevées d’office ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 juillet 2003 par Maître Marc ELVINGER au nom de Madame … ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2003 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Marc ELVINGER et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 septembre 2003 ;

Considérant que Madame …, se qualifiant d’opposante éthique à la chasse et agissant en tant que propriétaire des parcelles cadastrées en la commune de Vianden, section B du chef-lieu, sous les numéros 1013, 1184/1 et 1201/1, s’est adressée par courrier recommandé du 25 mai 2000 au syndicat de chasse de Vianden dans les termes suivants: „Hiermit ergeht der Antrag, bis zum Inkrafttreten einer entsprechenden rechtlichen Regelung bzw. Neufassung des Jagdgesetzees, auf den zuvor näher bezeichneten Flurstücken das Ruhen der Jagd anzuordnen, ferner die Jagdausübungsberechtigten anzuweisen, die Jagdausübung ab April 2002 zu unterlassen. Meine oben erwähnten Grundstücke stehen einer neuerlichen Jagdverpachtung nicht mehr zur Verfügung“;

Que par courrier recommandé du 22 avril 2002, Madame … s’est derechef adressée au syndicat de chasse de Vianden en réitérant sa demande du 25 mai 2000, ces deux requêtes étant basées sur un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 29 avril 1999 (affaire Chassagnou et autres contre France), désigné ci-après par « arrêt CHASSAGNOU » ;

Que suivant procès-verbal du 10 mai 2002, cosigné par le président et le secrétaire adjoint du syndicat de chasse de Vianden, l’assemblée générale des propriétaires s’est prononcée avec 28 voix contre 0 voix pour le relaissement de la chasse pour une période de neuf années, ainsi que pour la prorogation du bail de chasse en faveur des locataires sortants concernant les lots de chasse n°s 162, 163 et 164, étant entendu qu’il ressort à partir des pièces versées au dossier que Madame … n’a pas participé à cette assemblée ;

Que par décision du ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère du 10 juin 2002, la délibération du syndicat de chasse de Vianden prévisée du 10 mai 2002 a été approuvée tant concernant la décision du principe que celle du mode de relaissement des lots de chasse 162, 163 et 164 de Vianden ;

Considérant que par requête déposée en date du 8 juillet 2002, Madame … a fait introduire un recours en réformation dirigé contre la décision d’approbation du ministre de l’Environnement du 10 juin 2002 précitée ;

Considérant qu’à l’appui de son recours, la demanderesse souligne que malgré son objection formulée par lettre recommandée du 20 avril 2002 à l’attention du syndicat de chasse de Vianden, le procès-verbal de l’assemblée tenue le 10 mai 2002 ne renseignerait aucune objection au principe du relaissement du lot 163 en vue de la chasse, lot dont ses trois terrains en question font partie ;

Que ce serait ainsi à tort que le procès-verbal en question renseignerait un vote à l’unanimité en faveur du relaissement, de même que le vote des propriétaires présents lors de l’assemblée se serait trouvé faussé du fait que son objection formulée n’aurait pas été portée à leur connaissance, de sorte qu’ils n’auraient pas pu exprimer leur vote en toute connaissance de cause ;

Que dans ces conditions, le ministre de l’Environnement aurait dû refuser l’approbation du procès-verbal de l’assemblée du 10 mai 2002 ;

Que dans le cadre du recours en réformation prévu en la matière, il appartiendrait « au tribunal administratif de faire ce que le ministre aurait dû faire » ;

Que par ailleurs, en approuvant la délibération du syndicat de chasse de Vianden du 10 mai 2002, ayant inclus, contre la volonté de la demanderesse, des terrains de celle-ci dans le lot de chasse 163 précité, en sanctionnant ainsi une décision reposant sur l’inclusion forcée de la demanderesse dans le syndicat de chasse dont elle ne souhaiterait pas faire partie, compte tenu de ses convictions en matière de chasse, tout en approuvant par ailleurs, contre sa volonté, le relaissement desdits lots de chasse, y compris ses terrains prévisés, en vue de la chasse, le ministre de l’Environnement aurait méconnu ses droits résultant tant des articles 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, que de l’article 1er du Protocole additionnel à cette convention, ce dernier pris tant isolément qu’en combinaison avec ledit article 14 ;

Qu’en ordre principal, il conviendrait dès lors de réformer la décision déférée en ce sens qu’il n’y aurait pas lieu à approbation de la délibération de l’assemblée générale du syndicat de chasse de Vianden du 10 mai 2002 ;

Qu’en ordre subsidiaire, la demanderesse conclut à la réformation de la décision ministérielle déférée en ce sens que l’approbation de la délibération du syndicat de chasse de Vianden du 10 mai 2002 en question ne saurait intervenir que sous la condition que les terrains appartenant à la demanderesse ne soient pas inclus dans les lots de chasse dont le relaissement a été approuvé en vue de la chasse sur lesdits lots ;

Considérant que le délégué du Gouvernement de répondre qu’au vu du procès-verbal de l’assemblée générale du syndicat de chasse de Vianden du 10 mai 2002 présenté, ensemble ses annexes, les décisions de ladite assemble générale auraient été approuvées par le ministre de l’Environnement en date du 10 juin 2002 ;

Qu’au regard de l’absence de mention faite audit procès-verbal concernant une déclaration orale ou écrite faite au président ou au secrétaire avant le jour fixé pour l’assemblée générale, le délégué du Gouvernement d’estimer qu’il se peut que la lettre recommandée de Madame …, d’ailleurs adressée au syndicat de chasse avant la publication de la convocation de l’assemblée générale, n’ait pas été considérée comme déclaration au sens de l’article 3 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 sur l’amodiation de la chasse et l’indemnisation des dégâts causés par le gibier, alors que la demanderesse n’y aurait pas formulé explicitement son opposition au relaissement de la chasse, mais aurait demandé à sortir du syndicat de chasse suivant les termes par elle employés ;

Considérant que bien que le syndicat de chasse de Vianden se soit vu signifier le recours sous examen, il n’a pas déposé de mémoire, de sorte que le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision judiciaire contradictoire conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Considérant que la note de plaidoirie versée par le délégué du Gouvernement à l’audience du 10 mars 2003 ayant été déposée après rapport, il convient de l’écarter en tant que mémoire écrit, tout en ayant égard aux explications orales du représentant étatique à l’audience dans la mesure des prévisions légales afférentes ;

Quant à la recevabilité du recours Considérant que le tribunal est amené à vérifier d’office sa compétence d’attribution ;

Considérant qu’au vu des deux courriers émis par la demanderesse en dates respectivement des 25 mai et 22 avril 2002, le tribunal a été amené à soulever la question de savoir si sa démarche sousjacente au recours sous rubrique devait s’analyser dans le cadre d’une procédure de relotissement des lots de chasse prévue par l’article 1er de la loi modifiée du 25 juillet 1925 précitée, et plus particulièrement du numéro 163 dont font partie les terrains de Madame … ou si sa démarche s’inscrit dans le processus décisionnel ayant abouti à l’approbation ministérielle de la décision du syndicat de chasse portant sur le principe du relaissement, inscrit à l’article 3 de la même loi modifiée du 25 juillet 1925 ;

Considérant que l’article 3 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 précitée porte en son alinéa 7 que « la décision du syndicat portant sur le principe du relaissement sera soumise sans retard à l’approbation du ministre compétent qui statuera dans les quinze jours conformément aux dispositions de la présente loi » ;

Considérant que le même article 3, dispose en son alinéa 8 qu’« il est ouvert à tout propriétaire de la section intéressée un recours au tribunal administratif contre la décision du ministre compétent sur le principe du relaissement ; le tribunal administratif statuera avec juridiction directe » ;

Considérant qu’il convient de retenir que chaque fois que le terme de « juridiction directe » se rencontre dans les textes de législation anciens, il est à analyser comme équivalent de recours au fond par opposition au recours en annulation (cf. trib. adm. 12 février 2003, Schneider, n° 15316 du rôle, confirmé par Cour adm. 10 juillet 2003, n° 16172C du rôle, non encore publiés ) ;

Considérant que d’un autre côté à partir d’une loi modificative du 24 août 1956 et suivant une novelle plus récente du 30 mai 1984, la loi ainsi amendée du 20 juillet 1925 prévoit en son article 1er, alinéas 4 et suivants, un système de formation des lots de chasse suivant lequel l’administration des Eaux et Forêts est chargée d’élaborer des projets de lotissement sur la base de considérations d’ordre cynégétique et écologique (alinéa 4), ces propositions de lotissement étant soumises au syndicat de chasse pour agrément ou contre-

propositions (alinéa 5) ;

Que d’après l’article 1er, alinéa 6, le collège syndical qui, dans le mois de la communication du projet de lotissement n’a ni agréé, ni fait des contre-propositions, sera sommé par l’administration des Eaux et Forêts, par lettre recommandée, de se prononcer dans la quinzaine, l’alinéa 7 prévoyant que faute par lui de ce faire par lettre recommandée endéans ce dernier délai, ledit collège syndical est censé avoir agréé ;

Que d’après l’alinéa 9 dudit article 1er « en cas de désaccord entre l’Administration des Eaux et Forêts et le collège syndical, le litige sera tranché par le ministre duquel relève l’Administration des Eaux et Forêts, ou son délégué, sur avis d’une commission nommée par ce ministre » ;

Qu’à défaut d’autres prévisions légales, la décision prise par le ministre compétent sur base de l’article 1, alinéa 9 prérelaté concernant la délimitation d’un lot de chasse donné est soumise à un recours en annulation devant les juridictions de l’ordre administratif (cf. C.E. 13 décembre 1967, Bull. doc. com. n° 9, p. 61) ;

Considérant qu’à défaut de procédure de relotissement entamée suite au courrier de la demanderesse du 25 mai 2000, celle-ci estime en ordre principal que son recours s’inscrit dans les prévisions de l’article 3, alinéa 8 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 précitée en tant que recours en réformation, ne fût-ce que pour des exigences tenant au caractère effectif de sa démarche telles que découlant de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Que le représentant étatique de faire valoir que la procédure de délimitation des lots de chasse prévue à l’article 1er de la loi modifiée du 20 juillet 1925 en question ne concernerait que les limites externes des lots en question, de sorte que pareille procédure n’aurait pas pu être utilement engagée en l’espèce ;

Considérant qu’en fait les parties convergent pour dire que les trois terrains concernés de Madame … situés dans la section B de la commune de Vianden ne participent pas aux limites externes du lot de chasse 163 dont ils font partie ;

Considérant qu’en vue de déterminer la nature du recours sous analyse le tribunal est amené à qualifier la démarche de Madame … telle qu’elle se dégage de ses deux courriers prédits des 25 mai 2000 et 22 avril 2002 à la base de la requête introductive d’instance sous analyse ;

Considérant qu’il est constant que la demanderesse se limite à se placer par rapport à ses seuls trois terrains pour lesquels elle réclame de façon constante à ce qu’aucun droit de chasse ne puisse être exercé y relativement ;

Que dans sa démarche elle s’appuie sur les enseignements de l’arrêt CHASSAGNOU, précité, pour affirmer qu’en application des dispositions pertinentes de la Convention européenne des droits de l’homme par elle invoquées, une sortie de ses terrains du lot de chasse 163 devrait s’ensuivre sur simple déclaration de sa part à l’instar des terrains clôturés suivant les prévisions de l’article 2 de ladite loi modifiée du 20 juillet 1925 ;

Considérant que force est encore au tribunal de constater que Madame …, en ne se plaçant qu’au niveau de ses seuls trois terrains, ne prend aucunément position par rapport au principe du relaissement du lot de chasse 163 considéré dans sa globalité, au-delà de ce qui concerne ses dits terrains ;

Considérant qu’il suit des constatations de fait qui précèdent qu’à défaut d’une procédure de relotissement utilement provoquée par Madame … à travers son courrier du 25 mai 2000 dans le sens d’une nouvelle délimitation des limites du lot 163 par rapport au lots y attenants, la démarche de la demanderesse ne s’inscrit point dans les prévisions de l’article 1er, alinéa 9 de ladite loi modifiée du 20 juillet 1925 ;

Considérant que le recours dirigé contre la décision ministérielle d’approbation en tant que prise dans le cadre des prévisions de l’article 3 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 s’inscrit dès lors valablement comme recours en réformation dans le cadre légal précis y visé à travers son alinéa 8 prérelaté ;

Considérant que l’affirmation de la demanderesse faite tant à travers ses courriers précités des 25 mai 2000 et 22 avril 2002 qu’à l’appui de la requête introductive d’instance, suivant laquelle elle est propriétaire des parcelles cadastrées en la commune de Vianden, section B du chef-lieu sous les numéros 1013 et 1184/1, 1201/1, bien que n’étant point autrement étayée en cause, ne se trouve pas non plus contredite par la partie défenderesse, ni par les pièces versées au dossier, de sorte que Madame … revêt la qualité prévue par la loi pour introduire un recours au tribunal administratif suivant les dispositions de l’alinéa 8 de l’article 3 prérelaté, étant constant, d’après ses affirmations non contredites, que ses dits terrains font partie du seul lot de chasse n° 163 précité en ce qu’ils relèvent ainsi de la section visée par le texte légal en question ;

Considérant que la délibération de l’assemblée générale du syndicat de chasse de Vianden du 10 mai 2002 et la décision ministérielle d’approbation déférée portent toutes les deux sur le principe du relaissement des trois lots de chasse 162, 163 et 164, de sorte que dans cette mesure le recours s’inscrit dans les prévisions légales sous analyse ;

Considérant que d’après le même article 3 de la loi modifiée du 20 juillet 1925, le recours doit être introduit dans la quinzaine de la publication par voie d’affichage aux lieux usités dans la commune pour les publications officielles ;

Considérant qu’au dossier se trouve versé un avis d’affichage établi à Vianden le 27 juin 2002 sous la signature des président et secrétaire adjoint du syndicat de chasse de Vianden ;

Considérant que le recours ayant été introduit le 8 juillet 2002, le tribunal est amené à retenir que le délai légal de quinze jours a été observé en l’espèce, compte tenu de la date portée sur l’avis prévisé du 27 juin 2002 ensemble l’imprécision ci-avant dégagée concernant la période effective d’affichage ;

Considérant qu’il suit des développements qui précèdent que le recours en réformation est recevable quant à son principe pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Quant à l’objet du recours Considérant qu’il convient de souligner qu’aux termes de l’alinéa 8 de l’article 3 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 prérelaté, le tribunal n’est saisi en tant que juge du fond de la décision ministérielle d’approbation déférée tout d’abord que dans la mesure où elle a trait au principe du relaissement du lot de chasse par rapport auquel la demanderesse est propriétaire de terrains dans la « section intéressée », à savoir le lot de chasse n° 163 ;

Considérant qu’il se dégage des constatations de fait ci-avant opérées que la demanderesse ne critique pas le relaissement du lot de chasse 163 globalement pris au delà de ses trois terrains prévisés ;

Considérant que sur les affirmations de Madame … non autrement contredites en cause et à défaut de raisons d’ordre cynégétique et écologique invoquées par la partie publique, le syndicat de chasse n’ayant pas déposé de mémoire ni ne s’étant exprimé sur l’incidence d’une sortie des terrains de la demanderesse du lot de chasse n° 163 dont s’agit, le tribunal est amené à retenir, y compris pour des raisons d’effet utile et d’exigence de préservation de situations légalement acquises, que la décision déférée par la demanderesse n’est entreprise qu’en ce qu’elle a pour objet ses seuls trois terrains, ce également au regard du principe du relaissement du lot de chasse 163 ;

Qu’en effet dans la mesure où l’objectif de la demanderesse consiste à voir sortir ses dits trois terrains du lot de chasse n° 163 et de la sorte à voir perdre elle-même la qualité de membre du syndicat de chasse afférent à défaut de propriété utilement incluse dans le lot de chasse dont s’agit, la demanderesse n’avance aucun élément concret concernant la question de l’exercice du droit de chasse sur les éléments restants du lot de chasse n° 163, ni pour le surplus concernant les lots de chasse 162 et 164, dont aucun de ses terrains ne fait partie suivant les informations soumises au tribunal ;

Que le tribunal est ainsi amené à retenir un caractère détachable dans le chef de la question de l’inclusion soulevée par la demanderesse relativement à ses trois seuls terrains par rapport au lot de chasse 163 et à l’incidence de cette question sur le relaissement de ceux-ci dans le cadre dudit lot ;

Qu’il s’ensuit que le recours est limité au fond, quant à son objet, à concurrence de l’assiette des trois terrains prévisés de la demanderesse directement affectés par la décision ministérielle déférée, le recours étant par conséquent sans objet tant en ce qui concerne le restant du lot de chasse 163 que pour ce qui relève des lots de chasse 162 et 164 sur lesquels portent également la décision d’approbation ministérielle en question ;

Quant à la procédure suivie Considérant que la demanderesse invoque d’abord un vice de procédure en ce que son courrier du 22 avril 2002 précité n’aurait pas été analysé en tant qu’opposition au principe du relaissement et ne figurerait pas au procès-verbal sous cette rubrique, aucune opposition n’y étant mentionnée, de sorte à fausser le vote de l’assemblée, non informée, selon elle, sur ses dites intentions ;

Qu’à travers son mémoire en réplique elle conclut à l’annulation de la décision déférée du fait du vice de procédure ci-avant dégagé, encore que pareille conclusion ne se trouve ni dans le dispositif de la requête introductive d’instance, ni dans celui dudit mémoire en réplique ;

Considérant que l’objectif de la demande de Madame … a été dégagé de façon constante en cause en ce qu’à partir de son courrier précité du 25 mai 2000, réitéré le 22 avril 2002 et encore à travers son recours sous analyse, elle réclame en fait que ses trois terrains prévisés soient sortis du lot de chasse 163 et que de la sorte elle cesse de faire partie du syndicat de chasse dont elle relève en sa qualité de propriétaire desdits terrains par l’effet de la loi modifiée du 20 juillet 1925 dont plus particulièrement son article 1er, alinéa 1er ;

Que c’est dans cette visée qu’elle réclame, par voie de réformation de la décision ministérielle déférée, principalement que le tribunal dise qu’il n’y a pas lieu à approbation de la délibération du syndicat de chasse de Vianden du 10 mai 2002 prévisée et subsidiairement, en cas d’approbation de cette délibération, que lesdits terrains soient exclus de l’assiette du lot de chasse à relaisser de la sorte ;

Considérant que le tribunal est ainsi amené à analyser la prise de position de Madame … sous un double aspect, d’un côté, en vue de dégager si son courrier précité du 20 avril 2002 équivaut à une opposition au principe du relaissement au sens de l’article 3 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 précitée et, d’un autre côté, si son recours sous analyse a pour objet d’entreprendre le principe du relaissement en question, Considérant que le délégué du Gouvernement de faire valoir de façon non contestée que le courrier précité du 22 avril 2002 avait été distribué en copie à tous les membres du syndicat de chasse et que d’après son contenu il ne pouvait être qualifié de déclaration au sens de l’article 3, alinéas 4 et 5 de ladite loi modifiée du 20 juillet 1925 ;

Que ce serait pour cette raison qu’il n’en a pas été fait mention au procès-verbal au titre d’opposition ;

Que même dans l’hypothèse où on suivrait l’appréciation de la demanderesse, la prise en compte de son opposition implicite ainsi qualifiée par rapport au relaissement du droit de chasse de Madame … n’aurait eu aucune influence sur le résultat des scrutins entraînant que l’approbation ministérielle de la décision de l’assemblée générale ne saurait prêter à critique, la réclamation du 22 avril 2002 ayant été portée à la connaissance du syndicat, lequel n’aurait toutefois pas suivi les doléances de la demanderesse actuelle ;

Considérant que dans la mesure où il vient d’être retenu ci-avant que l’objet du recours ne porte sur le principe du relaissement du lot de chasse 163 que dans la mesure où les terrains de Madame … sont concernés, le moyen est à écarter en son ordre principal ;

Considérant que sous son volet subsidiaire le moyen est à réserver à ce stade du jugement étant donné qu’il est conditionné par la question de fond posée en l’espèce avec laquelle il se confond ;

Considérant qu’encore que la législation nationale luxembourgeoise prévoie des hypothèses dans lesquelles des terrains ne font pas partie d’un lot de chasse, tels notamment les cas de figure visés par l’article 2 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 concernant les terrains entourés d’une clôture suivant les modalités y prévues, les biens de la couronne répondant aux dimensions minimales y émargées, les attenances des immeubles d’habitation y définies ainsi que les propriétés publiques y visées, de même qu’une interdiction du droit de chasse est prévue notamment pour certains fonds immobiliers faisant partie des zones protégées définies à l’article 27 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et ressources naturelles, il appert en fait que les terrains litigieux de Madame … ne tombent sous aucune des prévisions légales en question et en droit que la législation luxembourgeoise ne prévoit pas telle quelle la possibilité pour un propriétaire de sortir ses terrains d’un lot de chasse sur simple déclaration ;

Qu’eu égard à l’argumentaire proposé par la demanderesse, l’analyse s’impose dès lors de savoir si la législation luxembourgeoise et, plus loin, la décision déférée en portant application résiste au test de conformité par rapport aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme, compte tenu des enseignements transposables fournis par l’arrêt CHASSAGNOU, afin de voir dégager si une possibilité de sortir des terrains sur simple déclaration peut être admise au Grand-Duché de Luxembourg, tel que l’exige la demanderesse ;

Quant à la conformité de la décision déférée au droit européen des droits de l’Homme Considérant que la demanderesse base son recours essentiellement, sinon uniquement sur les enseignements de l’arrêt CHASSAGNOU de la Cour européenne des droits de l’homme du 29 avril 1999 ;

Qu’elle estime que ledit arrêt serait parfaitement transposable en l’espèce au vu des similitudes des législations française et luxembourgeoise sur les points toisés par la Cour européenne des droits de l’homme et que pareillement à ses conclusions dans l’affaire CHASSAGNOU, il y aurait en l’occurrence violation de l’article 1er du protocole additionnel pris à la fois isolément et en combinaison avec l’article 14 de la Convention de même que de l’article 11, pris à la fois isolément et en combinaison avec ledit article 14 ;

Que le délégué du Gouvernement d’estimer que l’arrêt CHASSAGNOU ne serait pas transposable en l’espèce étant donné que la législation luxembourgeoise ne serait pas comparable au dispositif législatif français ayant fait l’objet de l’analyse de la Cour de Strasbourg dans ledit arrêt ;

Que si le représentant étatique reconnaît que le principe commun aux deux régimes de chasse serait celui que le droit de chasse, découlant de la propriété foncière serait réservé au seuls propriétaires fonciers, l’exercice de ce droit de chasse serait cependant réglé différemment selon le régime applicable ;

Que les différences essentielles entre les deux régimes, français et luxembourgeois, notables selon le représentant étatique, consisteraient en ce que tout d’abord suivant la loi française du 10 juillet 1964, dite « loi Verdeille », soumise à analyse de la Cour de Strasbourg, les ACCA « Associations communales de chasse agréées » y prévues seraient des associations de chasse dont les membres disposent du droit de chasse sur le territoire géré par l’ACCA, tandis que le syndicat de chasse prévu par la loi modifiée du 20 juillet 1925 luxembourgeoise serait un regroupement de propriétaires fonciers qui a pour mission d’administrer le droit de chasse sans en disposer soi-même ;

Que la loi Verdeille prévoirait un réel apport obligatoire d’une catégorie de terrains seulement, inférieure à une superficie donnée, tandis que les terrains de l’Etat et des communes ne feraient pas partie des terrains gérés par l’ACCA, étant entendu, pour le représentant étatique, que suivant la loi modifiée du 20 juillet 1925 il y aurait apport obligatoire de tous les terrains d’une section de commune, sans distinction de superficie ou d’appartenance, y compris les terrains de l’Etat, des communes et des établissements publics ;

Que si la loi Verdeille ne prévoirait aucune compensation à accorder aux propriétaires perdant leur droit de chasse exclusif sur leur terrain, la loi modifiée du 20 juillet 1925 consacrerait une compensation sous forme d’un prix de location annuel réparti aux différents propriétaires au prorata de leur apport de terrains dans le syndicat ;

Que selon la loi Verdeille, l’ACCA une fois formée, il n’existerait plus de possibilité pour les propriétaires fonciers de s’opposer à l’exercice de la chasse sur le terrain géré par l’ACCA, tandis que la loi modifiée du 20 juillet 1925 prévoirait explicitement que le syndicat de chasse doit se prononcer tous les neuf ans pour ou contre le principe du relaissement du droit de chasse sur son territoire ;

Que le représentant étatique de dégager la conclusion que la loi modifiée du 20 juillet 1925 ne serait pas touchée par l’arrêt CHASSAGNOU de sorte qu’il y aurait lieu d’appliquer telle quelle ladite loi tout en conseillant à Madame …, désireuse d’exclure ses terrains du district de chasse, de ce faire en les entourant d’une clôture continue suivant les prévisions de l’article 2 de la même loi ;

Considérant que dans la mesure où la demanderesse s’appuie en premier lieu sur les enseignements de l’arrêt CHASSAGNOU ayant retenu une violation de l’article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales fait à Paris le 20 mars 1952 et approuvée par la loi du 29 août 1953, pris isolément, il convient à ce stade de l’analyse de mesurer la transposabilité des enseignements dudit arrêt tirés de ce premier grief et portés à ses paragraphes 70 à 85 ;

Considérant que l’article 1er du protocole additionnel porte que :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. » Considérant qu’il est constant qu’en droit luxembourgeois comme en droit français la faculté de chasser sur son terrain est directement liée au droit de propriété ;

Que l’article 715 du Code civil luxembourgeois, maintenu suivant son libellé originaire, dispose que « la faculté de chasser ou de pêcher est également réglée par des lois particulières », ce texte légal figurant parmi les dispositions générales relatives à la propriété des biens ;

Considérant que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est placée prioritairement au niveau des dispositions de l’alinéa second de l’article 1er du protocole additionnel prérelaté, de sorte que dans les limites du moyen présenté, le tribunal est également amené à porter son analyse sur l’applicabilité dudit article 1er à partir de son second alinéa ;

Considérant que pour conclure à l’applicabilité de l’alinéa second de l’article 1er du protocole additionnel dans l’affaire CHASSAGNOU la CEDH relève que, « si les requérants n’ont pas été dépouillés du droit d’user de leurs biens, de les louer ou de les vendre, l’apport forcé de leur droit de chasse sur leurs terrains à une ACCA les empêche de faire usage de ce droit, directement lié au droit de propriété, comme bon leur semble. En l’occurrence, les requérants ne souhaitent pas chasser chez eux et s’opposent à ce que des tiers puissent pénétrer sur leur fonds pour pratiquer la chasse. Or, opposants éthiques à la chasse, ils sont obligés de supporter tous les ans sur leur fonds la présence d’hommes en armes et de chiens de chasse. A n’en pas douter, cette limitation apportée à la libre disposition du droit d’usage constitue une ingérence dans la jouissance des droits que les requérants tirent de leur qualité de propriétaire. Dès lors, le second alinéa de l’article 1er joue en l’espèce » ;

Considérant que la loi modifiée du 20 juillet 1925 porte en son article 1er, alinéa 1er que « toutes les propriétés non bâties, rurales et forestières comprises dans le territoire d’une section électorale de commune formeront un district de chasse qui pourra être divisé en lots d’une contenance d’au moins 250 ha. Les propriétaires sont constitués en syndicats de chasse par l’effet de la présente loi. Par décision des syndicats concernés, les territoires de plusieurs ou de toutes les sections électorales d’une même commune peuvent être réunis en un district de chasse » ;

Considérant que s’il est vrai que l’apport forcé du droit de chasse à une ACCA, association exercant elle-même ce droit, n’équivaut pas en première apparence avec l’inclusion forcée de tous les propriétaires de terrains dans un syndicat de chasse par l’effet de la loi modifiée du 20 juillet 1925, il n’en reste pas moins que l’un et l’autre de ces mécanismes est de nature à empêcher le propriétaire concerné de faire usage de son droit de chasse, directement lié au droit de propriété, comme bon lui semble ;

Que force est dès lors de conclure à l’applicabilité, au cas présent du second alinéa de l’article 1er du protocole additionnel, étant donné que la limitation par elle dénotée comme étant apportée à la libre disposition du droit d’usage constitue également dans la présente espèce une ingérence dans la jouissance des droits de la demanderesse tirée de sa qualité de propriétaire sur les terrains concernés ;

Considérant qu’au titre de la délimitation des conditions portées par le second alinéa de l’article 1er du protocole additionnel il convient encore de se référer au § 75 de l’arrêt CHASSAGNOU, directement transposable à la présente espèce en ce que : « selon une jurisprudence bien établie, le second alinéa de l’article 1er du Protocole n° 1 doit se lire à la lumière du principe consacré par la première phrase de l’article. En conséquence, une mesure d’ingérence doit ménager un « juste équilibre » entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. La recherche de pareil équilibre se reflète dans la structure de l’article 1er tout entier, donc aussi dans le second alinéa ; il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En contrôlant le respect de cette exigence, la Cour reconnaît à l’Etat une grande marge d’appréciation tant pour choisir les modalités de mise en œuvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause (arrêt Fredin c. Suède (n° 1) du 18 février 1991, § 51) ;

Considérant qu’au titre de la légitimité du but poursuivi par la loi Verdeille, la CEDH, recherchant l’intérêt général justificatif de l’ingérence étatique opérée, a estimé que « vu les buts assignés aux ACCA par la loi Verdeille, tels qu’ils sont énumérés à l’article 1er de celle-

ci, et les explications fournies à ce sujet, qu’il est assurément dans l’intérêt général d’éviter une pratique anarchique de la chasse et de favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique » (§ 79) ;

Considérant qu’en présence de la position de la partie défenderesse souscrivant entièrement à la conclusion prérelatée de la CEDH et à sa transposabilité par rapport à la loi modifiée du 20 juillet 1925, le tribunal est amené à admettre à son tour le caractère légitime de l’ingérence étatique par rapport aux droits de propriété à travers les dispositions de ladite loi luxembourgeoise sur l’amodiation de la chasse, ce d’autant plus qu’elle a également pour objet de prévoir un système d’indemnisation des dégâts causés par le gibier suivant contribution à la fois des adjudicataires des lots de chasse, des syndicats de chasse ainsi que d’un fonds spécial créé en la matière ;

Considérant qu’au stade du contrôle de la proportionnalité entre les moyens employés au titre de l’ingérence et le but visé, la CEDH a retenu par rapport à la loi Verdeille, dont elle a analysé consécutivement les différents aspects devant elle discutés que « nonobstant les buts légitimes recherchés par la loi de 1964 au moment de son adoption, la Cour estime que le système de l’apport forcé qu’elle prévoit aboutit à placer les requérants dans une situation qui rompt le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général : obliger les petits propriétaires à faire apport de leur droit de chasse sur leurs terrains pour que des tiers en fassent un usage totalement contraire à leurs convictions se révèle une charge démesurée qui ne se justifie pas sous l’angle du second alinéa de l’article 1er du Protocole n° 1. Il y a donc violation de cette disposition » (§ 85) ;

Considérant qu’au regard du moyen formulé par la demanderesse il revient au tribunal d’analyser si les conclusions ci-avant tirées par la Cour de Strasbourg en matière de contrôle de proportionnalité, sont transposables compte tenu des différents aspects soulevés par rapport à la loi modifiée du 20 juillet 1925 en présence des particularités y énoncées et relevées par le délégué du Gouvernement ;

Considérant qu’il convient tout d’abord de rappeler à partir du § 75 de l’arrêt CHASSAGNOU prérelaté qu’au niveau du contrôle de l’existence d’un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens légaux mis en œuvre et le but visé, l’Etat jouit d’une grande marge d’appréciation tant pour choisir les modalités de mise en œuvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause ;

Considérant que la comparabilité quant à leurs effets entre l’apport forcé de terrains à l’ACCA, d’un côté, et l’appartenance par l’effet de la loi modifiée du 20 juillet 1925 au syndicat de chasse, de l’autre, ayant été retenu ci-avant, il convient à cet endroit de porter une analyse plus poussée quant aux exceptions respectivement prévues par les lois française et luxembourgeoise dans les deux cas de figure en question ;

Considérant que tout comme toutes les propriétés ne sont pas sujettes à apport forcé à l’ACCA, -notamment les réserves de chasse, les réserves naturelles, certains terrains clôturés-

la loi modifiée du 20 juillet 1925 prévoit dans son article 2 les terrains exclus du district de chasse entraînant, par application de l’article 1er, alinéa 1er, que leurs propriétaires ne font pas partie du syndicat de chasse au titre de ces biens ;

Considérant que l’article 2 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 dispose en ses 3 premiers alinéa que « sont exclus du district de chasse les biens de la Couronne formant un ensemble non interrompu de 250 ha au moins. Le droit de chasse peut cependant s’y exercer.

Sont également exclus tous les terrains entourés d’une clôture continue faisant obstacle à toute communication du gibier à poil avec les héritages voisins, ainsi que les parcs, jardins et potagers attenant aux immeubles occupés d’une façon permanente. De même sont exclues la voirie publique appartenant ou reprise par l’Etat ainsi que les voies ferrées en exploitation.

Les propriétés appartenant à l’Etat pourront de même être exclues du syndicat de chasse dans un intérêt général par une décision du Gouvernement à porter à la connaissance du syndicat au moins dix jours avant l’adjudication » ;

Considérant qu’il convient de souligner tout d’abord que le fait que la loi elle-même, à travers son dit article 2 prérelaté, prévoit des hypothèses multiples permettant d’extraire des parties du territoire a priori utiles pour l’exercice du droit de chasse en les excluant des districts, sinon syndicats de chasse, ensemble l’autre caractéristique du système luxembourgeois tenant à une possibilité de non relaissement d’un lot de chasse à condition de la réunion d’une des majorités qualifiées prévues à l’article 1er, alinéa 2, de ladite loi, dénote sans ambiguïté que la loi luxembourgeoise n’envisage pas une nécessité absolue, sinon caractérisée de soumettre l’entier territoire non urbanisé à l’exercice du droit de chasse en vue de réaliser le but reconnu comme légitime dans l’intérêt général consistant à éviter une pratique anarchique de la chasse et de favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique ;

Qu’à l’instar de la loi Verdeille sous l’analyse portée par la CEDH, la loi luxembourgeoise ne peut pas être analysée comme s’opposant, à travers les moyens mis en œuvre en vue d’obtenir le but recherché, au principe même d’une exclusion de terrains de propriétaires ;

Considérant que le conseil donné par le délégué du Gouvernement à Madame … et contenu in fine de son mémoire en réponse en ce que la demanderesse n’aurait qu’à entourer ses terrains d’une clôture continue telle que prévue à l’alinéa 2, de l’article 2 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 précitée ne résiste cependant pas à l’examen afférent qu’en a fait la Cour européenne des droits de l’homme ;

Qu’en effet, la Cour a pris soin de relever que la clôture visée à l’article L224-3 du code rural français doit être continue, constante et de nature à empêcher complètement le passage du gibier à poil et celui de l’homme, ce qui suppose qu’elle soit d’une certaine hauteur et d’une certaine solidité, pour conclure qu’ « on ne saurait exiger des requérants d’exposer des frais importants pour échapper à l’obligation d’apport de leurs fonds aux ACCA. Une telle exigence apparaît d’autant plus déraisonnable que,… l’utilisation des terrains en question à des fins agricoles serait largement hypothéquée par l’aménagement d’une telle clôture » (§ 82) ;

Considérant que force est de constater que les exigences de l’article L224-3 du Code rural français se recoupent avec celles de l’article 2, alinéa 2 de la loi modifiée du 20 juillet 1925 dans la mesure où il est exigé par les deux textes légaux que la clôture continue fasse obstacle à toute communication du gibier à poil avec des héritages voisins, de sorte à être absolument comparables et permettre la même conclusion que celle retenue par les juges strasbourgeois ;

Considérant que si la faculté française d’inclure certains terrains dans des zones naturelles n’est pas directement prévue comme telle par la loi modifiée du 20 juillet 1925, toujours est-il, d’après l’article 31 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles que des interdictions ou restrictions du droit de chasse figurent parmi des charges et servitudes grevant les fonds immobiliers faisant partie des zones protégées définies à son article 27, prévision légale faisant ressortir à son tour l’absence de nécessité absolue, sinon caractérisée d’une couverture pour l’entrer territoire communal non urbanisé vérifiée concernant la faculté d’exercice du droit de chasse ;

Considérant que dans la balance à faire entre les moyens employés par le législateur et le but visé par lui à travers les modalités de la loi du 20 juillet 1925 il convient encore d’analyser de façon plus précise la possibilité légale conférée au propriétaire individuel d’atteindre le non-exercice du droit de chasse sur son terrain à travers une décision de non relaissement du lot de chasse entier à formuler par le syndicat de chasse ;

Considérant que l’article 1er de la loi modifiée du 20 juillet 1925 dispose en son alinéa second que « le droit de chasse sur ces propriétés [faisant partie du lot de chasse] sera relaissé, à moins que le syndicat n’en décide autrement par une majorité représentant au moins les deux tiers de la superficie des terrains ou les deux tiers des intéressés représentant plus de la moitié de la superficie » pour poursuivre en son alinéa 3 que « les propriétés de l’Etat, des communes et des établissements publics sont toujours comprises dans la superficie adhérente au relaissement, mais leurs représentants comme tels ne sont pas admis à participer au vote des propriétaires intéressés sur le principe du relaissement » ;

Considérant que le système légal actuel, encore que sujet à des modifications par la suite, résulte dans ses bases essentielles de la loi originaire de 1925 laquelle a connu une gestation particulièrement longue et difficile en ce qu’à partir de la fin du dix-neuvième siècle et tout au long du premier quart du vingtième, moultes versions successives ont été portées devant la Chambre des députés et accompagnées d’âpres discussions en son sein, pour aboutir à la solution finalement retenue en 1925 ;

Considérant qu’à travers un vote démocratique de tous les « propriétaires intéressés », à l’exception de l’Etat, des communes et des établissements publics portant sur ce principe même du relaissement, une décision de non relaissement est théoriquement possible ;

Qu’il convient cependant de ne pas perdre de vue qu’en raison de l’alinéa 3 de l’article 1er prérelaté les propriétés publiques sont d’office acquises à être comprises parmi les superficies adhérentes au relaissement ;

Qu’en plus, le vote n’étant point obligatoire, tous ceux qui n’y participent pas, -

généralement forts en nombre compte tenu du morcellement des propriétés foncières – comptent en finalité pour le maintien du relaissement, encore qu’ils ne se soient pas exprimés directement, étant donné que le refus de relaissement ne s’ensuit que si une des majorités qualifiées prévue à l’alinéa second dudit article 1er se trouve réalisée à partir du nombre des propriétaires intéressées faisant état effectivement de leur vote négatif ;

Qu’il s’ensuit que les probabilités d’aboutir raisonnablement à une décision de non relaissement sont infimes, rendant ainsi quasi nulle la possibilité effective pour le propriétaire individuel d’aboutir à un non exercice du droit de chasse sur ses terrains, ces probabilités étant encore subjectivement accentuées vues à partir d’une assiette largement minoritaire par rapport au lot globalement considéré, tel le cas d’espèce ;

Considérant que l’Etat insiste encore sur la spécificité de la loi luxembourgeoise par rapport au système français en ce qu’une compensation sous forme d’un prix de location annuel est repartie aux différents propriétaires au prorata de leur apport de terrains dans le syndicat ;

Considérant que pour le système de l’ACCA, la CEDH a estimé que les contreparties légales, consistant essentiellement dans la possibilité pour tous les membres de l’ACCA de chasser sur l’ensemble du terrain communal concerné, « ne saurait être considérées comme représentant une juste indemnisation de la perte du droit d’usage » (§ 82) ;

Considérant que si cette conclusion pouvait découler logiquement du fait que des demandeurs reconnus comme « opposants éthiques à la chasse » ne pouvaient tirer aucune satisfaction effective d’un droit de chasse, fût-il étendu à l’entier territoire communal concerné, la question se pose au tribunal si la rémunération annuellement touchée du fait des terrains faisant partie d’un lot de chasse relaissé et pris en location par un ou plusieurs chasseurs suivant les modalités adoptées constitue une juste indemnisation de la perte du droit d’usage dont il s’agit pour les propriétaires concernés au Luxembourg ;

Considérant qu’il convient de préciser à cet endroit que la location payée par les chasseurs devenus tenanciers du lot de chasse ne revient pas intégralement au prorata aux propriétaires dont les terrains font partie de l’assiette du lot, mais, conformément aux dispositions des articles 13 et suivants de la loi modifiée du 20 juillet 1925, servira en partie en vue de l’indemnisation des dégâts causés par le gibier, l’existence du système d’indemnisation étant intimement liée à l’inclusion des terrains dans le lot de chasse ;

Considérant que la qualité d’opposant éthique à la chasse n’étant point contestée non plus dans le chef de Madame …, suite à ses affirmations afférentes tout au long de la procédure non contentieuse et devant le tribunal, ce dernier est amené à retenir à partir de l’ensemble des données lui soumises que pareil mobile impulsif et déterminant ne peut être utilement mis en balance avec la rémunération perçue annuellement en contrepartie du droit d’usage, par elle perdu et jugé de façon non contestée comme étant minime compte tenu à la fois de la contenance limitée de ses terrains et de l’import relativement faible de la rémunération totale à répartir au prorata, une fois toutes les imputations légales effectuées, ne fût-ce encore qu’en raison des natures essentiellement inconciliables d’une indemnisation pour équivalent et du mobile subjectif dégagé, relevant pareillement de la liberté d’expression et du droit de propriété ;

Qu’enfin l’indemnisation par équivalent prévue par la loi ne concerne que la seule perte du droit d’usage, à l’exclusion de tous autres aspects ci-avant relevés ;

Considérant qu’il suit des développements qui précèdent que dans l’hypothèse vérifiée de l’espèce d’un opposant éthique à l’exercice du droit de chasse, les contreparties légales de la perte du droit d’usage relevant du droit de propriété ne sauraient être considérées comme représentant une juste indemnisation ;

Considérant que pareillement à la situation française analysée par la Cour européenne des droits de l’homme, l’apport forcé de ses terrains à travers l’obligation de faire partie du syndicat de chasse prévue par la loi luxembourgeoise représente une exception au principe général posé par l’article 544 du Code civil luxembourgeois ;

Considérant qu’encore que le libellé dudit article 544 ait été changé par la loi luxembourgeoise du 2 juillet 1987 par rapport au texte originaire maintenu en France, toujours est-il que l’omission des termes « de la manière la plus absolue », n’emporte pas que dans les effets qu’ils déployent, les deux articles, tels qu’ils s’agencent actuellement, ont engendré des applications globalement comparables, encore que la question soit permise si l’ajout fait in fine dudit article 544 par le législateur luxembourgeois en ce que l’on ne peut jouir de son droit de propriété que lorsqu’on ne cause pas un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage coupant l’équilibre entre des droits équivalents n’emporte pas que celui qui exerce le droit de chasse, de manière indirecte, à travers les modalités de la loi modifiée du 20 juillet 1925, ne cause pas un trouble excédant les inconvénients normaux dans le chef du voisin, opposant éthique à l’exercice de la chasse, pareille analyse, en ce qu’elle n’est pas de nature à aller à l’encontre des conclusions jusque lors dégagées, ne doit dès lors pas être poussée plus en avant ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’au-delà des dissimilitudes dégagées entre les systèmes instaurés respectivement par la loi Verdeille et la loi modifiée du 20 juillet 1925, les conclusions apportées par l’arrêt CHASSAGNOU de la Cour européenne des droits de l’homme en son paragraphe 85 prérelaté sont appelées à s’appliquer telles quelles au cas d’espèce en ce que la décision déférée, dans la mesure où elle s’applique aux terrains de Madame …, aboutit à une violation des dispositions du second alinéa de l’article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme ;

Que plus particulièrement l’apport forcé des terrains de Madame … à travers le système d’appartenance obligatoire de leur propriétaire au syndicat de chasse n° 163 par l’effet de la loi modifiée du 20 juillet 1925 aboutit à placer la demanderesse dans une situation qui rompt le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général, en ce qu’elle est obligée en tant que propriétaire de terrains peu consistants à faire apport de son droit de chasse sur lesdits terrains pour que des tiers en fassent un usage totalement contraire à ses convictions, tout en se révélant une charge démesurée qui ne se justifie pas sous l’angle du second alinéa de l’article 1er du protocole additionnel à la Convention des droits de l’homme ;

Que dans la limite des trois terrains de la demanderesse concernés, la décision d’approbation du ministre de l’Environnement déférée encourt dès lors l’annulation pour violation de la loi, telle que son interprétation s’impose à la lumière de l’alinéa second de l’article 1er du protocole additionnel à la Convention des droits de l’homme, dans le cadre du recours en réformation reçu.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

le dit sans objet en ce qui concerne les lots de chasse 162 et 164 ainsi que le lot de chasse 163 dans la limite des terrains n’appartenant pas à la demanderesse ;

dans le cadre du recours en réformation annule la décision déférée dans la mesure où elle porte sur les trois terrains appartenant à la demanderesse faisant partie du lot de chasse 163 ;

condamne l’Etat aux frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 18 décembre 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 17


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15096
Date de la décision : 18/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-18;15096 ?

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