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17/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16878

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 2003, 16878


Tribunal administratif N° 16878 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 août 2003 Audience publique du 17 décembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions conjointes prises par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16878 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 août 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats Ã

  Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro)...

Tribunal administratif N° 16878 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 août 2003 Audience publique du 17 décembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions conjointes prises par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16878 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 août 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en date du 30 décembre 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour, ainsi que d’une décision implicite de rejet d’un recours gracieux introduit le 28 mars 2003, résultant du silence gardé par lesdits ministres pendant un délai de plus de trois mois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée du 30 décembre 2002 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 12 juillet 2001, Monsieur … introduisit une demande en obtention d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, dénommé ci-après le « service commun », en précisant appartenir à la « catégorie B » telle que décrite dans la brochure intitulée « régularisation du 15 mars au 13 juillet 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg », éditée par le service commun, dénommée ci-après « la brochure ».

Par lettre du 30 décembre 2002, le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi informèrent Monsieur … de ce qui suit :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 12 juillet 2001 auprès du Service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des directives applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie B que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside et travaille de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000, je ne suis pas affilié(e) à la sécurité sociale luxembourgeoise, j’ai un emploi stable et j’ai touché et touche toujours soit un salaire égal au salaire social minimum revenant à un travailleur non qualifié âgé de 18 ans (52.047 LUF), soit un salaire égal au RMG auquel je peux prétendre compte tenu de ma situation familiale ».

Vous êtes invité à quitter le Luxembourg endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois ».

Par lettre du 28 mars 2003, introduite auprès du ministère de la Justice le même jour, le mandataire de Monsieur … introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 30 décembre 2002.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 août 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 30 décembre 2002, ainsi que de la décision implicite de rejet du recours gracieux du 28 mars 2003 résultant du silence gardé par les ministres du Travail et de l’Emploi et de la Justice pendant un délai de plus de trois mois.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur estime en premier lieu que la décision attaquée du 30 décembre 2002 serait nulle pour défaut de qualité dans le chef de ses auteurs, au motif qu’il a déposé sa demande auprès du service commun et que l’autorité de décision aurait dû être composée, collégialement par le ministre de la Justice, le ministre du Travail et de l’Emploi, ainsi que le ministre de la Famille. Or, force serait de constater que le ministre de la Famille n’aurait pas approuvé la décision attaquée.

En deuxième lieu, le demandeur reproche aux signataires de la décision attaquée du 30 décembre 2002 d’avoir basé celle-ci sur le fait qu’il aurait commis « pendant son séjour des actes de nature à compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics », alors que le dossier administratif ne contiendrait aucune indication quant à une quelconque condamnation à des peines privatives de liberté prononcées par une juridiction luxembourgeoise.

Dans un troisième ordre d’idées, il estime que la décision attaquée du 30 décembre 2002 ne serait pas légalement motivée par la référence à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, au motif qu’on ne saurait reprocher à un étranger, candidat à la régularisation, de ne pas disposer de revenus personnels, parce qu’en sa qualité d’étranger en situation illégale, il lui est défendu de s’adonner à une quelconque activité salariée et parce que « les conditions posées par le Ministère de la Justice pour être « régularisé », respectivement obtenir un titre de séjour sont telles qu’elles permettent dans certains cas à des étrangers non titulaires de revenus, d’obtenir un titre de séjour ».

En outre, il estime qu’il y aurait eu en l’espèce violation du principe de l’égalité des citoyens devant la loi, du principe de la confiance légitime et de celui de la sécurité juridique, sans qu’il n’apporte toutefois de plus amples explications en quoi lesdits principes auraient été violés en l’espèce.

Par ailleurs, il reproche au ministre du Travail et de l’Emploi, en tant que co-signataire de la décision précitée du 30 décembre 2002 de ne pas avoir pris position sur la demande qu’il lui aurait transmise quant à la délivrance d’un permis de travail dans le cadre de la « régularisation par le travail », en soutenant dans ce contexte qu’il aurait soumis « aux autorités compétentes des documents démontrant une possibilité (…) de se donner à une activité salariale ». Il ajoute encore dans ce contexte que la décision attaquée contiendrait en fait également une décision de rejet de sa demande tendant à la délivrance d’un permis de travail « préalable à la délivrance de séjour ».

Enfin, il soutient que les décisions attaquées devraient être annulées, au motif que la commission instituée par l’article 7bis du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg n’aurait pas été entendue en son avis.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours. A l’appui de sa conclusion, il soutient que la décision ministérielle de refus du 30 décembre 2002 ne serait pas viciée par l’absence de signature du ministre de la Famille, que l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 aurait été invoqué à juste titre, étant donné qu’au moment où la décision attaquée fut prise, Monsieur … n’aurait pas disposé de moyens personnels propres suffisants et qu’il ne remplirait pas les conditions telles que prévues par la catégorie B de la brochure, ni par d’autres catégories de celle-ci.

En ce qui concerne d’abord la qualité de l’auteur de la décision attaquée du 30 décembre 2002, force est de constater qu’en l’état actuel de la législation, une décision relative à l’entrée et au séjour d’un étranger au Grand-Duché au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, relève de la seule compétence du ministre de la Justice, ceci conformément aux dispositions de l’article 11 de ladite loi, et sous les restrictions y énoncées tenant notamment au fait que les décisions afférentes sont prises sur proposition du ministre de la Santé lorsqu’elles sont motivées par des raisons de santé publique. Il s’ensuit qu’en dépit du fait que la demande en obtention d’une autorisation de séjour du demandeur a été introduite auprès d’un service commun regroupant des représentants du ministère du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et que cette demande a par ailleurs été traitée dans le cadre de la régularisation des sans-papiers ainsi désignée, seul le ministre de la Justice est légalement investi de la compétence pour statuer en la matière.

Ainsi, le défaut de signature et d’intervention du ministre de la Famille, face à la compétence exclusive du ministre de la Justice en la présente matière, n’est pas de nature à affecter la légalité des décisions attaquées, cette conclusion n’étant pas ébranlée par le fait que l’instruction du dossier a été faite, en tout ou partie, par un service commun regroupant des représentants de plusieurs ministères.

Il convient ensuite d’examiner le moyen basé sur l’obligation de saisine de la commission consultative instituée par l’article 7bis du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972.

Or, ce moyen est également à écarter, étant donné que les décisions litigieuses ne se prononcent pas sur un refus d’un permis de travail, alors qu’elles ont exclusivement trait à un refus d’un permis de séjour et que la légalité de pareille décision n’est pas conditionnée par une saisine préalable de ladite commission.

C’est partant également à tort que le demandeur soutient que par la décision litigieuse du 30 décembre 2002 le ministre du Travail et de l’Emploi aurait également pris une décision de rejet de sa demande tendant à la délivrance d’un permis de travail, étant donné qu’il ne ressort d’aucun élément de la lettre précitée du 30 décembre 2002 qu’une telle décision soit contenue.

Le tribunal n’a pas non plus à prendre position sur le reproche formulé à l’encontre des décisions attaquées suivant lequel celles-ci se baseraient sur un comportement du demandeur de nature à porter atteinte à la sécurité, la tranquillité, à l’ordre et à la santé publics, étant donné qu’un tel motif ne se trouve pas à la base des décisions attaquées.

Quant à la prétendue violation par les décisions des principes de l’égalité des citoyens devant la loi, de la confiance légitime et de la sécurité juridique, le tribunal est également dans l’impossibilité de prendre position par rapport à un tel moyen simplement effleuré sans que le demandeur n’apporte un quelconque élément de nature à établir en quoi lesdits principes juridiques seraient violés en l’espèce.

En ce qui concerne le motif tiré du défaut par le demandeur d’être en possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis lui permettant de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, il échet de constater que dans la mesure où les critères posés par la brochure n’ont pas pu faire abstraction des conditions posées par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, celles-ci restent d’application, même en ce qui concerne les étrangers tombant notamment sous le champ d’application de la catégorie B telle que définie par la brochure et sous laquelle le demandeur a déclaré tomber, tel que cela ressort de sa demande adressée au service commun en date du 12 juillet 2001.

Dans la mesure où le demandeur n’apporte aucun élément de nature à établir qu’au moment où la décision litigieuse du 30 décembre 2002 a été prise, il disposait de moyens personnels suffisants légalement acquis pour supporter ses frais de séjour au Luxembourg, ce moyen doit être rejeté, étant relevé dans ce contexte qu’une simple promesse émise en sa faveur par un employeur potentiel ne saurait établir l’existence de tels moyens, à défaut par le demandeur d’être en possession d’un permis de travail à émettre par le ministre du Travail et de l’Emploi, tel qu’exigé par les dispositions légales applicables en la matière.

Enfin, à défaut par le demandeur d’apporter un quelconque moyen tiré de la violation des dispositions contenues dans la brochure, le tribunal administratif n’a pas à prendre position par rapport à la question de savoir si le demandeur pouvait à juste titre se voir refuser la délivrance d’une autorisation de séjour sur base des critères ainsi libellés par le gouvernement dans le document en question.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 17 décembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16878
Date de la décision : 17/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-17;16878 ?

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