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17/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16870

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 2003, 16870


Numéro 16870 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 août 2003 Audience publique du 17 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions conjointes prises par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16870 du rôle, déposée le 11 août 2003 au greffe du tribunal administratif p

ar Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb...

Numéro 16870 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 août 2003 Audience publique du 17 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions conjointes prises par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16870 du rôle, déposée le 11 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- …, tendant à l’annulation d’une décision du 20 décembre 2002 cosignée par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi portant rejet de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour, ainsi que d’une décision confirmative du ministre de la Justice du 23 mai 2003 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 novembre 2003.

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En date du 26 juin 2001, Monsieur …, préqualifié, déposa au service commun des ministères du Travail et de l'Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse une demande en obtention d'une autorisation de séjour dans le cadre de la campagne dite de régularisation de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Par courrier du 20 décembre 2002, les ministres de la Justice et du Travail et de l'Emploi informèrent Monsieur … de ce que « suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 26 juin 2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour peut être refusée à l’étranger qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics.

Comme il a été constaté sur base de votre dossier administratif que cette disposition est applicable dans votre cas, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Vous êtes invité de quitter le Luxembourg endéans le délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois.

Nous vous prions … ».

Le recours gracieux formé par courrier du 20 mars 2003 du mandataire de Monsieur … fut rencontré par une décision des mêmes ministres du 23 mai 2003 portant confirmation de la décision négative initiale du 20 décembre 2002.

Par requête déposée le 11 août 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre desdites décisions des 20 décembre 2002 et 23 mai 2003.

Dans la mesure où ni la loi prévisée du 28 mars 1972, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que les décisions attaquées constitueraient une violation flagrante du principe de la présomption d’innocence tel que consacré par l’article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ci-après désignée « CEDH », en ce sens qu’à défaut de condamnation pénale prononcée à son encontre et en présence de son casier judiciaire vierge, les autorités administratives ne sauraient se fonder sur des éléments renseignés dans des seuls procès-verbaux, et par rapport auxquels il n’aurait pas encore pu exercer ses droits de la défense, pour retenir qu’il constituerait un danger pour l’ordre public.

Le demandeur fait également valoir que le ministre de la Justice lui aurait accordé, par décision du 18 juin 2001, le bénéfice d’une autorisation de séjour sous la condition de ne pas avoir commis d’infractions graves et que la commission d’infractions ne pourrait pas être valablement retenue dans son chef au stade actuel à défaut d’avoir été reconnu coupable à travers une décision judiciaire définitive. Le demandeur affirme finalement que le fait par les ministres d’asseoir leur décision sur des faits faisant toujours l’objet d’une instruction pénale et « entachés d’un fort doute » ne correspondrait pas à une conduite raisonnable de l’administration.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

La décision attaquée du 20 décembre 2002 est fondée expressément sur le motif tiré de la susceptibilité du demandeur de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics.

A cet égard, le rapport émis le 14 mai 2002 par la section police des étrangers et des jeux du service de police judiciaire de la police grand-ducale fait état d’un procès-verbal n° 21012 du 20 janvier 2001 dressé par le centre d’intervention de Troisvierges de la police grand-ducale à l’encontre du demandeur pour avoir commis à la même date les infractions de vol avec violences et menaces, de recel, de coups et blessures volontaires, de menaces d’attentats contre une personne, de tapage nocturne, de destruction volontaire de biens et de détention d’armes prohibées et plus particulièrement d’avoir participé à une action de vol et de violences à l’encontre de deux demandeurs d’asile à Brachtenbach. Il résulte encore des déclarations des parties à l’audience que l’instruction pénale relative à ces infractions est encore en cours et que le dossier sera soumis sous peu à la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg en vue du renvoi devant la juridiction de jugement.

Dans la mesure où l’article 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 laisse au ministre une large liberté d’appréciation pour se prononcer sur la capacité latente d’un étranger pouvant compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics et où un procès-

verbal constitue sous cet aspect un élément d’appréciation suffisant pour justifier une décision de refus (Cour adm. 5 décembre 2002, n° 15097C, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 182), on ne saurait reprocher au ministre de la Justice d’avoir méconnu la disposition légale prévisée, ni d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait en ce qu’il a estimé que les faits ci-avant visés, lesquels revêtent une gravité certaine, dénotent à suffisance de droit un comportement de Monsieur … susceptible de compromettre l’ordre et la sécurité publics et qu’ils constituent des indices suffisants sur base desquels il convient de conclure à l’existence d’un risque sérieux qu’il continuera d’être susceptible de compromettre l’ordre et la sécurité publics à l’avenir.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice a valablement pu se fonder sur l’article 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 pour rejeter la demande en délivrance d’une autorisation de séjour présentée par le demandeur dans le cadre de la campagne de régularisation.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par le moyen du demandeur fondé sur l’article 6 § 2 CEDH. En effet, si c’est certes à juste titre qu’un étranger, qui a fait l’objet d’un procès-

verbal lui imputant des faits constitutifs d’infractions, insiste sur son droit de bénéficier à ce stade de la procédure pénale de la présomption d’innocence, il n’en demeure cependant pas moins que le ministre de la Justice, appelé à apprécier dans le cadre de sa propre sphère de compétence le comportement global dans le chef de l’étranger, peut valablement se référer à des faits à la base d’une instruction pénale, ceci au titre d’indices permettant d’apprécier son comportement global, étant donné qu’une telle décision ne porte pas sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale, même si elle se fonde sur des faits qui sont susceptibles d’être poursuivis pénalement. Ainsi, si des accusations suffisamment graves sont portées à l’encontre d’un étranger, le ministre de la Justice peut valablement considérer, dans le cadre et conformément aux conditions posées par la loi du 28 mars 1972, que l’étranger en question est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics (trib. adm. 26 juin 2002, n° 14487, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 181).

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse laisse d’être fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 décembre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16870
Date de la décision : 17/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-17;16870 ?

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