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17/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16626

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 2003, 16626


Tribunal administratif N° 16626 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2003 Audience publique du 17 décembre 2003

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Recours formé par Monsieur X, … contre une décision du ministre du Trésor et du Budget en matière de courtier d’assurances

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16626 du rôle et déposée le 24 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à l

a Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur X, demeurant à L-...

Tribunal administratif N° 16626 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2003 Audience publique du 17 décembre 2003

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Recours formé par Monsieur X, … contre une décision du ministre du Trésor et du Budget en matière de courtier d’assurances

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16626 du rôle et déposée le 24 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur X, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision prise par le ministre du Trésor et du Budget en date du 13 mars 2003 par laquelle l’agrément en vue de l’exercice de la profession de courtier d’assurances lui a été refusé ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2003 par Maître Fränk ROLLINGER au nom de Monsieur X ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Roby SCHONS, en remplacement de Maître Fränk ROLLINGER, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 décembre 2003.

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Par courrier datant du 1er août 2002, la société anonyme Y S.A. s’adressa au Commissariat aux assurances pour solliciter l’agrément en tant que courtier d’assurances tant pour elle-même que pour les sieurs X et Z. Le dossier relatif à cette demande d’agrément fut complété au cours de l’année 2002 par différentes pièces réclamées par les services compétents du Commissariat aux assurances.

Par décision datant du 13 mars 2003, le ministre du Trésor et du Budget refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :

« Après examen des certificats que vous m’avez soumis, je suis au regret de vous informer que ces derniers ne correspondent pas aux exigences de qualification et d’expérience requises par l’article 2 du règlement ministériel du 25 avril 1994 pour exercer des opérations de courtage en matière d’assurance au Luxembourg. Par conséquent, les deux personnes susmentionnées devraient se soumettre à un examen écrit pour courtier d’assurances afin d’obtenir l’agrément.

Cependant, je suis au regret de vous informer qu’aussi bien la demande d’agrément pour comte de la société « Y S.A. », que les demandes d’agrément pour compte de Messieurs X et Z ne seront pas prises en considération étant donné que le Commissariat aux Assurances vient de constater que vous ne vous êtes pas conformés aux recommandations vous faites lors de la convocation du 24 octobre 2002 en nos locaux.

Pendant cette entrevue, nous avions porté à votre connaissance que nous avions été saisi de plusieurs plaintes à l’encontre de la société Y S.A. et des directeurs Messieurs X et Z.

Vous étiez également sommés à cesser instantanément votre démarchage en matière d’assurances faute de quoi nous nous verrions dans l’obligation d’appliquer les sanctions prévues par la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances.

Malgré cette sommation, vous avez continué vos activités d’assurances, notamment en faisant des annonces publicitaires dans des quotidiens luxembourgeois et en concluant des contrats d’assurance.

En effet, il ressort clairement d’une nouvelle plainte déposée à l’encontre de la société et des directeurs Messieurs X et Z qu’ils exercent des opérations en matière d’assurances sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, à savoir qu’ils souscrivent des contrats d’assurances avec des clients potentiels, sans y être autorisé conformément aux dispositions de l’article 103 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances.

Vous n’êtes pas sans savoir que cet article dispose clairement qu’il est interdit à toute personne de faire ou de tenter de faire dans le Grand-Duché de Luxembourg, ou à partir de celui-ci, une opération d’assurance pour compte de tiers sans avoir préalablement obtenu l’agrément du Ministre ayant dans ses attributions la surveillance des assurances privées. A cause de ces activités d’assurances exercées sans agrément, vous serez poursuivi en justice pour violation de la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances.

Au vu de ce qui précède, nous avons constaté que vous ne remplissez ni les exigences de qualification et d’expérience ni l’honorabilité professionnelles requises pour exercer des opérations de courtage en matière d’assurance au Luxembourg.

En application de l’article 110 de la prédite loi, la demande d’agrément de Messieurs X et Z comme courtier d’assurance est refusée. Il en découle qu’aucun agrément ne peut être accordé à la société Y S.A. ».

Par courrier de son mandataire datant du 15 mars 2003, Monsieur X a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 13 mars 2003.

En réponse à ce recours, le ministre du Trésor et du Budget a formulé les remarques suivantes par courrier datant du 19 mai 2003 :

« 1) Quant aux connaissances professionnelles :

L’article 3 du règlement ministériel du 25 avril 1994 fixant le régime des courtiers d’assurances prévoit que « si la qualification professionnelle du candidat en matière d’assurance n’est pas reconnue, celui-ci doit se soumettre à un examen spécifique à ce sujet ».

Les certificats allemands de Monsieur X ne sont pas suffisants pour pouvoir bénéficier d’une dispense à l’examen pour courtier d’assurances au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur X devra donc se soumettre à un examen écrit de contrôle de ses connaissances professionnelles.

2) Quant à l’honorabilité requise :

Après examen des éléments du dossier nous transmis par des tiers il ressort clairement que Monsieur X a agi en tant que courtier d’assurances sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg sans autorisation ministérielle préalable ce qui lui enlève son honorabilité professionnelle requise pour l’exercice de la profession de courtier.

3) L’article 10 du règlement ministériel cité ci-dessus prévoit par ailleurs que le demandeur apporte la preuve d’avoir conclu un contrat d’assurance couvrant sa responsabilité civile professionnelle auprès d’une entreprise d’assurances autorisée à opérer au Grand-Duché de Luxembourg. Jusqu’à ce jour votre mandant n’a pas soumis un tel document à mes services. » Par requête déposée en date du 24 juin 2003, Monsieur X a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle rendue en date du 13 mars 2003.

L’article 111 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours introduit. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre d’avoir retenu une mauvaise base légale à l’appui de la décision litigieuse en faisant valoir que l’article 110 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 précitée se rapporterait uniquement à l’hypothèse du retrait d’un agrément déjà accordé, mais ne réglerait pas la situation en cas de demande en obtention de l’agrément, de sorte qu’une décision de refus de délivrer l’agrément ne pourrait dès lors avoir lieu par application dudit article.

Quant au motif de refus avancé par le ministre, le demandeur estime qu’il resterait vague et manquerait de précision et que le ministre n’aurait précisé que dans son courrier prérelaté du 19 mai 2003 que devant l’insuffisance de ses certificats allemands il devrait se soumettre à un examen écrit de contrôle de ses connaissances professionnelles. Le demandeur estime qu’eu égard à son expérience, il devrait bénéficier d’une dispense de cet examen et il relève avoir soumis au Commissariat aux assurances toutes les pièces qui permettraient de soutenir cette prétention. Quant aux plaintes évoquées par le ministre qui auraient été déposées à son encontre et qui feraient état d’un comportement mettant en cause son honorabilité professionnelle, le demandeur conteste formellement avoir eu le moindre comportement susceptible de mettre en cause son honorabilité et il relève que le ministre resterait particulièrement discret sur le ou les auteurs de la ou des plaintes ainsi que sur son ou leur éventuel contenu.

Le délégué du Gouvernement rétorque que les différents documents soumis au Commissariat aux assurances établiraient que la société Y S.A., par le biais de ses directeurs X et Z, aurait conclu des contrats d’assurances avec des clients sans y être autorisée conformément aux dispositions de l’article 103 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 précitée. Il relève que Messieurs X et Z auraient été informés du fait que cette activité constituerait une infraction à l’article 103 de la loi du 6 décembre 1991 précitée et qu’ils auraient été sommés de cesser immédiatement ces démarches auprès de clients, mais que malgré ces injonctions, la société Y S.A. et ses responsables auraient continué à démarcher, tel que cela serait prouvé par les pièces versées au dossier portant la signature de Monsieur X, ainsi que par une annonce publicitaire pour Y S.A. parue en date du 24 janvier 2003 au quotidien « Luxemburger Wort ».

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait valoir à cet égard qu’aucun procès-

verbal contradictoire n’aurait été dressé à l’occasion de la réunion ayant eu lieu en date du 24 octobre 2002 au Commissariat aux assurances, que par ailleurs les dépositions de la société A figurant au dossier administratif devraient être resituées, alors que d’importantes divergences auraient existé notamment entre lui-même et cette société et que suite à une transaction signée en date du 12 mai 2003 les parties auraient mis fin à tout litige entre elles, pour soutenir que la crédibilité des pièces communiquées par la société A serait pour le moins douteuse.

Concernant la publicité parue au Luxemburger Wort, le demandeur relève que la société Y aurait stoppé le contrat de sponsoring avec la fédération responsable de la publication, mais que cette instruction n’aurait pas été suivie d’effet.

L’article 104 de la loi précitée du 6 décembre 1991 dispose qu’« avant d’être agréées les personnes indiquées à l’article précédent [article 103 qui vise notamment l’agrément des courtiers d’assurances] doivent justifier des connaissances professionnelles requises et de la moralité et de l’honorabilité professionnelle ainsi qu’être domiciliées ou avoir élu domicile au Grand-Duché de Luxembourg ».

Il se dégage de la disposition légale précitée ainsi que de l’économie générale de la loi précitée du 6 décembre 1991, que le législateur a confié au ministre ayant dans ses attributions le Commissariat aux assurances, actuellement le ministre du Trésor et du Budget, la charge de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’agrément comme courtier d’assurances, entre autres, si le candidat justifie de la moralité et de l’honorabilité professionnelles.

Etant entendu qu’il est de l’essence même d’une procédure d’autorisation préalable du type de celle instituée par la loi précitée du 6 décembre 1991, d’assurer la sécurité des preneurs d’assurances et de la place de l’assurance en général, il appartient au ministre compétent d’apprécier, dans le cadre de son pouvoir de vérification, si les personnes qui se proposent d’entrer en contact direct avec les preneurs d’assurances présentent, à côté de connaissances professionnelles suffisantes, certaines garanties des points de vue de la moralité et de l’honorabilité professionnelles et ce dans l’intérêt du maintien de la bonne réputation et de la sécurisation mise en avant par les assureurs.

En l’espèce, le tribunal constate sur base des pièces et éléments du dossier que par lettre du 4 octobre 2002 rédigée en sa fonction de directeur de la société Y S.A., Monsieur X s’est directement adressé à des clients potentiels aux fins de conclure des contrats d’assurances, sans avoir disposé de l’agrément légalement requis et partant en violation des articles 103 et 113 de la loi du 6 décembre 1991 précitée. De même, il se dégage encore des pièces versées au dossier que Monsieur X a conclu sous sa signature pour la société Y S.A.

différents contrats d’assurances, dont notamment un en date du 24 juillet 2002 avec Madame B agissant pour compte de son époux C, ainsi qu’un contrat d’assurance accident en date du 29 mai 2002, avec Monsieur C référencé sous le numéro 14299550, les pièces versées au dossier documentant par ailleurs et entre autres encore l’existence d’une police d’assurance accident directement gérée par Monsieur X référencée sous le numéro 14299461 et conclue avec Monsieur D.

Le comportement prédécrit du demandeur, par rapport auquel il n’a pas autrement fait prendre position ni par écrit, ni oralement, constitue un fait ayant un lien direct avec le type d’activité pour lequel l’agrément est sollicité, qui revêt une gravité suffisante pour dénier au demandeur l’honorabilité et la moralité professionnelles requises en vue de l’exercice de la profession de courtier d’assurances, en ce qu’il témoigne pour le moins d’un comportement peu respectueux des règles établies par la législation luxembourgeoise en matière d’exercice de la profession de courtier d’assurances.

Il découle des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre du Trésor et du Budget a refusé l’agrément sollicité par la société Y S.A. au profit du demandeur au motif qu’il ne justifie pas de la moralité et de l’honorabilité professionnelles requises par la loi, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les questions susceptibles de se poser au niveau des connaissances professionnelles de l’intéressé.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la référence erronée à l’article 110 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 précitée ayant trait plus particulièrement à l’hypothèse du retrait de l’agrément, étant donné que les raisons fournies par le ministre pour justifier la décision litigieuse sont suffisamment explicites pour permettre au destinataire de la décision de les rattacher à la disposition légale effectivement applicable (cf. trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10157 du rôle, Pas adm. 2003, V° Procédure administrative non contentieuse, n°s 41 et 42, p. 476).

En l’espèce, il y a lieu de constater que le demandeur ne s’est en fait pas mépris sur la portée de la décision litigieuse et qu’il a situé le motif de refus lui opposé dans son cadre légal exact, tel que précisé par ailleurs utilement en cours d’instance contentieuse par le délégué du Gouvernement, de sorte qu’aucune lésion afférente de ses droits de la défense ne s’en est suivie.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, et lu à l’audience publique du 17 décembre 2003 par le premier vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16626
Date de la décision : 17/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-17;16626 ?

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