La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16429

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 2003, 16429


Tribunal administratif N° 16429 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 mai 2003 Audience publique du 17 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’astreinte

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16429 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 mai 2003 par Monsieur …, ingénieur technicien, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision sur recours hiérarchique forme

l du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 mars 2003 (n° C11820 du...

Tribunal administratif N° 16429 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 mai 2003 Audience publique du 17 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’astreinte

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16429 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 mai 2003 par Monsieur …, ingénieur technicien, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision sur recours hiérarchique formel du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 mars 2003 (n° C11820 du rôle) rejetant comme non fondée sa réclamation du 14 février 2002 visant l’annulation de la décision du préposé du bureau d’imposition Luxembourg 6 du 7 février 2002 portant sommation de déposer la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1996 sous peine d’une astreinte de 250.- euros ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique du demandeur déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur … en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN ses plaidoiries.

Suivant décision du bureau d’imposition Luxembourg 6 du 7 février 2002, Monsieur … fut sommé de déposer la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1996 pour le 11 mars 2002 au plus tard, sous peine d’une astreinte de 250.-

euros.

Par lettre recommandée du 13 février 2002, réceptionnée le 14 février 2002, Monsieur … introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par le « directeur », le recours hiérarchique prévu au paragraphe 303 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » (AO) en contestant le bien fondé de la décision attaquée du 7 février 2002.

Par décision du 19 mars 2003, le directeur déclara le recours recevable en la forme mais le rejeta comme étant non fondé aux motifs suivants :

« Considérant que le délai pour la remise de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1996 avait été fixé au 31 mars de l’année 1997 ;

Considérant que le recourant n’ayant pas jugé utile de faire la déclaration dans le délai prévu, obligation que lui imposent le § 167 AO, ainsi que l’article 116 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), le bureau d’imposition compétent, autorisé par le § 202 AO à prononcer des astreintes pour amener les contribuables récalcitrants à s’acquitter de leurs obligations, a averti le recourant par une sommation du 7 février 2002, que le non-respect du nouveau délai fixé au 11 mars 2002 entraînerait la fixation d’une astreinte de 250 euros ;

Considérant que le recourant, se référant à une lettre antérieurement adressée au bureau d’imposition, fait valoir, sans autrement fournir des précisions, qu’il conteste le bien-fondé de la décision attaquée ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction du dossier, et notamment d’une lettre du recourant datée au 8 mars 2002, qu’il s’oppose formellement entre autres à la remise de la déclaration de l’année 1996 qui fait par ailleurs toujours défaut à ce jour ;

Considérant qu’il n’appartient pas aux contribuables de décider s’ils doivent ou non remettre une déclaration, alors qu’aux termes exprès de l’article 3 du règlement grand-ducal du 13 mars 1970 portant exécution de l’article 116 de la loi concernant l’impôt sur le revenu, toute personne qui est individuellement invitée par le bureau d’imposition à présenter une déclaration, est tenue de la faire ;

Considérant qu’il est de la nature de l’astreinte de vaincre la résistance d’un contribuable récalcitrant pour l’amener à exécuter la décision du bureau d’imposition ;

qu’en l’espèce l’astreinte, fixée dans les limites légales du § 202 AO et selon les dispositions du § 2 de la loi d’adaptation fiscale, a été fixée à bon droit et se justifie également quant au montant ; ».

Par requête déposée en date du 15 mai 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision directoriale prévisée du 19 mars 2003.

Le recours en annulation ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur estime qu’il serait erroné de prétendre que le délai pour la remise de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1996 avait été fixé au 31 mars 1997, étant donné que le formulaire afférent, accompagné du modèle 190, ne lui aurait été adressé qu’en date du 22 octobre 2001 avec demande de remise au bureau d’imposition compétent pour le 23 novembre 2001 au plus tard. Le demandeur estime pour le surplus qu’il lui aurait été matériellement impossible de recueillir les pièces nécessaires en vue du dépôt de la déclaration afférente, étant donné que ce serait seulement à partir de l’année d’imposition 1997 qu’il aurait été immatriculé auprès du bureau d’imposition Luxembourg 6, que de toute façon la prétendue dette d’impôt pour l’exercice 1996 serait prescrite et que de toute manière, il n’y aurait aucun enjeu fiscal dans son chef pour ladite année.

Monsieur … demande encore au tribunal d’acter dans le jugement qu’il se réserve le droit de réclamer à l’administration des Contributions directes en temps et lieu utiles des dommages intérêts « destinés à réparer le préjudice matériel résultant de la privation du capital ainsi que pour l’indemniser contre tracasseries qu’il a du subir suite à l’approche inintelligible du préposé », demande à laquelle le tribunal ne peut pas accéder, étant donné qu’elle est sans la moindre relation avec l’objet de la demande en annulation de la décision du directeur du 19 mars 2003 et que le demandeur n’établit pas une quelconque utilité de pareil « donner acte ».

Finalement, le demandeur sollicite encore la condamnation de ladite administration au remboursement du montant de 250.- euros avec les intérêts légaux à partir du 11 avril 2002 sinon à partir de la date de l’introduction du recours jusqu’à solde, et au paiement d’une indemnité de 150.- euros en compensation partielle du préjudice subi pour « peines et soins, échange de courrier non muni d’effet, obligation d’agir en justice et perte de temps consacrés à la préparation de sa propre défense » sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur soutient que le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2003, n’aurait pas été déposé dans le délai prévu à l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et serait dès lors « à déclarer irrecevable quant à la présente affaire ».

L’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoit en ses paragraphes (1) et (6) que :

« (1) Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive. (…) (6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5 paragraphe (7) de la susdite loi du 21 juin 1999 ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Dans la mesure où la requête introductive d’instance a été déposée au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2003 et qu’au vœu de l’article 4 (3) de la loi du 21 juin 1999, précitée, ledit dépôt vaut signification à l’Etat, étant relevé par ailleurs que ce dernier a reçu communication effective du recours par courrier du greffe en date dudit 15 mai 2003, le mémoire en réponse du délégué du gouvernement aurait dû être déposé au greffe du tribunal au plus tard le 15 octobre 2003.

Or, force est de constater que le dépôt dudit mémoire n’est intervenu que le 16 octobre 2003, de sorte que le délai de trois mois légalement prévu à peine de forclusion n’a pas été respecté et le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réponse du délégué du gouvernement.

Enfin, le mémoire du délégué du gouvernement ayant été écarté, le même sort frappe le mémoire en réplique de la partie demanderesse, lequel ne constitue qu’une réponse à la prise de position fournie par le gouvernement.

Ceci dit, malgré le fait que l’Etat n’a fait déposer de mémoire en réponse dans le délai légal, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement à son encontre, en vertu de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

Il est constant en cause que le demandeur a été invité suivant courrier du 22 octobre 2001 par le bureau d’imposition Luxembourg 6 de l’administration des Contributions directes à remplir et à lui soumettre sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1996, ensemble avec le formulaire 190 ayant trait aux revenus de la location de propriétés bâties, pour le 23 novembre 2001 au plus tard.

Par divers courriers subséquents à l’adresse du directeur et de Monsieur C. S., vérificateur auprès du bureau d’imposition Luxembourg 6 de l’administration des Contributions directes, portant les dates respectives des 9 novembre et 27 décembre 2001, le demandeur a relaté un certain nombre de faits qu’il estime pertinents et a expliqué qu’il ne serait plus disposé « à accepter plus longtemps les chicaneries vexatoires ni les caprices du préposé [du bureau d’imposition Luxembourg 6] », tout en « s’opposant à l’établissement rétroactive des déclarations pour l’impôt sur le revenu concernant les années 1992 à 1996 » et en contestant le bien-fondé des sommations reçues.

Il convient de rappeler que l’astreinte a pour but d’amener le contribuable récalcitrant à s’acquitter de ses obligations envers le bureau d’imposition compétent.

C’est à juste titre que le directeur, dans sa décision attaquée, a retenu qu’il n’appartient pas aux contribuables de décider s’ils doivent ou non remettre une déclaration, alors que toute personne qui est individuellement invitée par le bureau d’imposition à présenter une déclaration est tenue de la faire, tel que cela résulte des dispositions formelles inscrites à l’article 116 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l’impôt sur le revenu et du paragraphe 167 AO.

Pour être dispensé de l’obligation de remise d’une déclaration d’impôt, le contribuable peut uniquement invoquer la disposition inscrite au paragraphe 202 (7) AO aux termes de laquelle : « Wer meint, zur Erfüllung der Aufforderung nicht verpflichtet zu sein, hat dies dem Finanzamt rechtzeitig unter Darlegung der Gründe mitzuteilen ».

Or, en l’espèce, il ressort clairement des pièces versées au dossier que l’administration n’a pas jugé pertinentes les raisons mises en avant par Monsieur … en vue de le décharger de son obligation de remise de la déclaration d’impôt sollicitée, de sorte que ce dernier ne pouvait légitimement opposer son refus à la remise.

Même à supposer que les faits mis en avant par le demandeur l’aient mis hors d’état de produire les données nécessaires en vue de remplir les formulaires de déclaration, il ne saurait cependant faire valoir un empêchement absolu en relation avec la remise de sa déclaration d’impôt, étant donné qu’il aurait pu solliciter une prorogation du délai afin de récupérer la documentation nécessaire, apparemment déjà remise au bureau d’imposition Luxembourg RTS 3, respectivement remplir les formulaires de déclaration sans produire la documentation afférente tout en signalant les raisons de l’absence de pièces justificatives, et non pas se contenter d’opposer un refus net à l’invitation du préposé compétent et de qualifier l’attitude de ce dernier de « capricieuse ».

Il suit des développements qui précèdent que le demandeur ne pouvait pas, de sa propre initiative, se dispenser d’une obligation légale, de sorte que la légalité de la décision attaquée, et, à travers elle, de celle sous réclamation du préposé du bureau d’imposition Luxembourg 6, n’a pas été mise utilement en cause et l’administration a valablement pu se fonder sur le paragraphe 202 AO, afin d’éviter une désorganisation ponctuelle mais certaine du service public.

Eu égard à cette solution, et abstraction faite de la question de la compétence du tribunal administratif pour ordonner la restitution d’une somme d’argent, la demande en condamnation au remboursement du montant de l’astreinte de 250.- euros est à rejeter.

Il suit des développements qui précèdent, le demandeur n’ayant pas autrement contesté le quantum de l’astreinte, que le recours laisse d’être fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demande en condamnation de l’Etat à une indemnité de procédure de 150.- euros est également à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte le mémoire en réponse et le mémoire en réplique tardivement fournis ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

rejette la demande en condamnation de l’administration au montant de 250.-

euros à titre de remboursement de l’astreinte ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 17 décembre 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16429
Date de la décision : 17/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-17;16429 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award