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17/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16269

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 2003, 16269


Numéro 16269 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 avril 2003 Audience publique du 17 décembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16269 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 avril 2003 par Maître Pascale PE

TOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Numéro 16269 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 avril 2003 Audience publique du 17 décembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16269 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 avril 2003 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi le 30 décembre 2002, notifiée le 11 janvier 2003, par laquelle la délivrance d’une autorisation séjour lui fut refusée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pascale PETOUD et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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A la suite d’une demande afférente présentée en date du 13 juillet 2001 par Monsieur …, les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi prirent le 19 juillet 2001 une décision conjointe, portant refus de lui accorder une autorisation de séjour, au motif qu’il ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis lui permettant de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, « indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir ».

A la suite de l’introduction d’un recours contentieux en date du 26 octobre 2001 à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 19 juillet 2001, le tribunal administratif a déclaré ledit recours contentieux non fondé par un jugement du 29 mai 2002, ledit jugement ayant toutefois été réformé par un arrêt de la Cour administrative du 12 novembre 2002, cette réformation ayant entraîné l’annulation de la décision litigieuse et le renvoi du dossier devant le ministre de la Justice. En effet, contrairement au jugement de première instance, la Cour a retenu que les critères fixés par le gouvernement et renseignés dans une brochure intitulée « informations pratiques pour personnes concernées – Régularisation du 15 mai au 13 juillet 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », dénommée ci-après la « brochure », ne heurtent en aucune façon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, lesdits critères s’inscrivant dans le cadre légal en la matière en se limitant à en préciser le contenu pendant une durée déterminée à l’avance.

La Cour a encore ajouté que ces critères, tels que fixés par la brochure, sont à considérer comme rentrant dans la notion de « directives », fixant des normes dans le cadre desquelles des mesures seront prises, ces normes orientant l’exercice du pouvoir auquel les autorités se rapportent pour arrêter leurs décisions. Ainsi, l’autorité en charge du dossier, à savoir, en l’espèce, le ministre de la Justice, doit appliquer lesdits critères et dans la mesure où il ne résultait d’aucun élément du dossier que la demande précitée du 13 juillet 2001 avait été examinée au regard des dispositions de la brochure, la Cour a renvoyé le dossier au ministre de la Justice, afin que celui-ci prenne une nouvelle décision motivée.

A la suite d’une lettre du 30 décembre 2002 adressée par le mandataire de Monsieur … au service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille afin que ceux-ci réétudient la situation de Monsieur …, à la suite de l’arrêt précité de la Cour administrative du 12 novembre 2002, les ministres du Travail et de l’Emploi et de la Justice informèrent Monsieur …, par courrier du 30 décembre 2002, de ce qu’ils n’étaient pas en mesure de faire droit à sa demande telle qu’introduite auprès du service commun en date du 13 juillet 2001. Cette décision est motivée comme suit :

« En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des directives applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie B que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside et travaille de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000, je ne suis pas affilié(e) à la sécurité sociale luxembourgeoise, j’ai un emploi stable et j’ai touché et touche toujours soit un salaire égal au salaire social minimum revenant à un travailleur non qualifié âgé de 18 ans (52.047 LUF), soit un salaire égal au RMG auquel je peux prétendre compte tenu de ma situation familiale ».

Vous êtes invité à quitter le Luxembourg endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 avril 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 30 décembre 2002.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En substance, le demandeur estime qu’il remplirait les conditions prévues par la catégorie A voire par la catégorie B de la brochure du fait d’avoir travaillé de manière ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000. Il se réfère dans ce contexte à l’emploi qu’il aurait exercé auprès de l’hôtel-restaurant D. à E. pendant la période du 11 août 1999 au 25 juin 2000, période pendant laquelle il aurait bénéficié d’un permis de travail et pendant la période allant du 1er juillet 2000 au 1er juillet 2001, période pendant laquelle il n’aurait pas bénéficié de permis de travail. Il ajoute que la rémunération qu’il aurait perçue du fait de son travail dépasserait le revenu minimum garanti pour un adulte seul.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en raison du fait, d’une part, que le demandeur ne disposerait pas des moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, tels que requis par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 et, d’autre part, qu’il ne remplirait pas les conditions de la catégorie B de la brochure, tel que cela ressortirait « du dossier administratif ».

Il échet de constater que par sa demande introduite auprès du service commun le 13 juillet 2001, le demandeur a soutenu remplir les conditions de la catégorie B de la brochure afin de pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg.

Il se dégage de la brochure en question, et plus particulièrement des conditions prévues par la catégorie B de celle-ci, que peut être régularisée « la personne, âgée de 18 ans au moins, qui réside et travaille de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 et qui n’est pas affiliée à la sécurité sociale luxembourgeoise, mais qui a un emploi stable et touche, soit un salaire égal au salaire social minimum pour travailleurs non-qualifiés (52.047 LUF), soit un salaire égal au RMG auquel elle peut prétendre compte tenu de sa situation familiale ».

Il ressort des pièces et éléments du dossier, non contestés par l’auteur de la décision litigieuse, que le demandeur réside au Luxembourg depuis le 12 octobre 1998. Il se dégage encore dudit dossier que le demandeur a bénéficié successivement de deux autorisations d’occupation temporaire émises respectivement les 26 août 1999 et 11 janvier 2000, valables respectivement jusqu’au 15 décembre 1999 et 15 juin 2000, afin d’occuper un emploi de plongeur auprès de l’hôtel-restaurant D. à E..

Il ressort encore des déclarations d’entrée et de sortie soumises par l’employeur du demandeur auprès du département affiliation du centre commun de la sécurité sociale qu’il a été inscrit en tant qu’affilié auprès dudit centre pendant la période du 11 août 1999 jusqu’au 25 juin 2000, ladite affiliation ayant pris fin du fait de l’échéance de son autorisation de travail.

Il ressort encore d’une attestation testimoniale émise par son employeur en date du 12 juillet 2001, que nonobstant l’expiration du permis de travail émis en faveur du demandeur par le ministre du Travail et de l’Emploi, il a continué à être engagé auprès du même employeur en qualité de plongeur jusqu’au mois de juillet 2001.

Du fait qu’il n’existe aucune pièce dans le dossier suivant laquelle le demandeur a été inscrit auprès des organismes de sécurité sociale luxembourgeois avec effet à partir du 25 juin 2000, il y a lieu d’en conclure qu’il ne tombe pas sous le champ d’application de la catégorie A de la brochure, suivant laquelle il est exigé que l’intéressé doit être affilié de manière ininterrompue depuis le 1er janvier 2000 auprès de la sécurité sociale. Cette condition n’étant pas exigée par la catégorie B de la brochure, il y a lieu d’appliquer les critères prévus par cette catégorie, nonobstant le fait que pendant une partie de sa période d’emploi, il a été inscrit auprès des organismes de sécurité sociale luxembourgeois.

Comme il ressort des éléments qui précèdent que le demandeur a été engagé au Luxembourg de manière ininterrompue depuis le 1er janvier 2000 jusqu’à la date du dépôt de la demande adressée au service commun en vue d’obtenir la régularisation de sa situation au Luxembourg moyennant délivrance d’une autorisation de séjour et comme par ailleurs, il résulte des éléments du dossier que toutes les autres conditions prévues par la catégorie B en question sont remplies dans le chef du demandeur, il échet de constater que c’est à tort que le ministre de la Justice, seul compétent en la matière, lui a refusé la délivrance d’une autorisation de séjour au Luxembourg, de sorte que la décision litigieuse du 30 décembre 2002 encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

donne acte au demandeur de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la décision litigieuse du 30 décembre 2002 et renvoie le dossier en prosécution de cause au ministre de la Justice ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 17 décembre 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16269
Date de la décision : 17/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-17;16269 ?

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