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17/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16128

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 2003, 16128


Tribunal administratif N° 16128 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2003 Audience publique du 17 décembre 2003

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Recours formé par la société X. S. à r. l., Luxembourg contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d'autorisation d'établissement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 14 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée X. S. à r. l., avec siège à L-…, ten...

Tribunal administratif N° 16128 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2003 Audience publique du 17 décembre 2003

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Recours formé par la société X. S. à r. l., Luxembourg contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d'autorisation d'établissement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 14 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée X. S. à r. l., avec siège à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 23 décembre 2002 portant retrait immédiat de l'autorisation d'établissement n° … lui délivrée le 13 mars 2001 ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 18 mars 2003 ordonnant qu’il soit sursis à l’exécution de la décision de retrait de l'autorisation d'établissement querellée en attendant la solution du litige au fond ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse additionnel du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2003 ;

Vu la lettre de Maître Claude WASSENICH du 8 octobre 2003 par laquelle il conclut à l’irrecevabilité des susdits mémoires en réponse pour avoir été déposés en dehors du délai légal ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2003 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;

2 Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Claude WASSENICH et Lise REIBEL, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du 23 décembre 2002, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement retira à la société à responsabilité limitée X. S. à r. l. l'autorisation d'établissement n° … qui lui avait été délivrée le 13 mars 2001. Le ministre estima que la société en question ne remplissait pas la condition de l'établissement tel qu'exigé par la loi du 30 juillet 2002 concernant l'établissement de transporteur de voyageurs et de transporteur de marchandises par route et portant transposition de la directive 98/76/CE du Conseil du 1er octobre 1998, en ce qu'elle ne veillait pas à l'exercice effectif et permanent de la direction des activités au siège d'exploitation.

Par requête déposée le 14 mars 2003, la société X. a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle du 23 décembre 2003. – Par requête séparée du même jour, inscrite sous le numéro 16129 du rôle, elle avait en outre introduit une demande tendant à ordonner le sursis à exécution de la décision en question. Cette demande a été accueillie favorablement par le président du tribunal administratif qui, par ordonnance du 18 mars 2003, a suspendu les effets de la susdite décision ministérielle en attendant que le tribunal ait statué au fond sur le mérite du recours.

QUANT À LA DEMANDE DE JONCTION DE L’AFFAIRE AVEC CELLE PORTANT LE N° 16428 DU RÔLE Le délégué du gouvernement sollicite la jonction de la présente affaire avec une deuxième affaire introduite par la demanderesse et déposée sous le n° 16428 du rôle. Il estime que les deux rôles seraient intimement liés, de sorte qu’il serait dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les examiner dans le cadre d’un seul et même jugement.

La partie demanderesse s’oppose à cette demande, soutenant que pareille demande ne serait pas justifiée et tendrait uniquement à voir réparer l’omission de l’Etat d’avoir instruit l’affaire sous examen dans les délais.

Abstraction faite de ce que même si une jonction était prononcée, cela ne saurait impliquer que les délais d’instruction puissent être contournés et qu’une éventuelle mauvaise instruction d’une affaire puisse être rattrapée dans le cadre de l’instruction d’une affaire postérieure, force est de constater que si la deuxième décision dont il est question, à savoir celle prise le 21 février 2003 par le ministre des Transports et portant retrait immédiat de la licence communautaire de transports dont bénéficiait la société X., telle que cette décision a été confirmée le 6 mars 2003, trouve certes sa cause dans le retrait de l’autorisation d’établissement, il n’en reste pas moins que les décisions litigieuses ont été prises par des autorités distinctes, qu’elles ont des objets différents et que, comme le tribunal est appelé à statuer comme juge de la légalité et non pas comme juge du fond, c’est-à-dire qu’il doit examiner la situation de droit et de fait telle qu’elle se présentait au moment de la prise des décisions, la solution de la première affaire ne conditionne pas directement la solution de la seconde.

3 Il s’ensuit que la demande de jonction est à rejeter.

QUANT À LA DEMANDE TENDANT A VOIR ÉCARTER LE OU LES MEMOIRES EN RÉPONSE DU DÉLÉGUÉ DU GOUVERNEMENT Avant de pouvoir procéder à l’examen de la recevabilité et, le cas échéant, du bien-

fondé du recours, le tribunal est encore appelé à examiner le moyen soulevé par la partie demanderesse tendant à voir écarter les mémoires en réponse déposés par le délégué du gouvernement en date des 24 et 25 septembre 2003 pour avoir été déposés tardivement.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée le « règlement de procédure », prévoit en ses paragraphes (1) et (6) que :

« (1) Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive. (…) (6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5, paragraphe (7) de la loi précitée du 21 juin 1999 ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

La question de la fourniture des mémoires dans les délais impartis touche à l’organisation juridictionnelle et est par voie de conséquence d’ordre public (cf. trib. adm. 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 304 et autres références y énoncées).

Dans la mesure où la requête introductive d’instance a été notifiée par la voie du greffe à l’Etat le 14 mars 2003, le dépôt du mémoire en réponse a dû intervenir pour le 14 juin 2003.

Or, les deux mémoires en réponse ont été déposés par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif en date des 24 et 25 septembre 2003, c’est-à-dire en dehors du délai de trois mois.

Par conséquent, à défaut d’avoir été déposé au greffe du tribunal administratif dans le délai de trois mois légalement prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter des débats les deux mémoires déposés les 24 et 25 septembre 2003.

Faute de mémoire en réponse déposé dans les délais légaux, les prises de position postérieures doivent également être écartées, étant donné qu’elles ne constituent que des réactions respectivement aux réponse et réplique fournies.

Il n’en demeure pas moins qu’en vertu de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999, le tribunal statue néanmoins contradictoirement à l’égard de toutes les parties.

4 QUANT À LA RECEVABILITÉ Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

QUANT AU FOND En ordre préliminaire, il y a lieu de relever que, bien que la demanderesse ne se trouve pas confrontée à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal doit examiner les mérites des différents moyens soulevés, cet examen comportant entre autres, le cas échéant, un contrôle de l’applicabilité de la disposition légale invoquée par le ministre aux données factuelles apparentes de l’espèce, c’est-à-dire que le tribunal doit contrôler la qualification de la situation de fait telle qu’elle apparaît à travers les informations qui lui ont été soumises par rapport à la règle légale applicable.

Le premier moyen d’annulation soulevé par la demanderesse consiste à dire que la décision litigieuse de retrait serait intervenue en violation de la séparation des pouvoirs. Dans cet ordre d’idées, elle estime que l'autorité administrative ne saurait elle-même retirer une autorisation qu'elle a délivrée antérieurement, étant donné que ce faisant elle s'octroierait un pouvoir juridictionnel. La demanderesse sollicite la saisine de la Cour constitutionnelle d'une question afférente.

Ce premier moyen est dénué de tout fondement, étant donné que le pouvoir de l’administration de défaire ce qu’elle a fait n’entraîne nullement une confusion des pouvoirs.

En effet, le fait que l’administration, agissant dans le cadre de sa sphère de compétence, retire, révoque ou modifie une décision qu’elle a antérieurement prise ne la fait pas sortir de sa fonction administrative et pareil acte n’affecte en rien la fonction juridictionnelle du juge administratif à savoir celle de contrôler l’action de l’administration. Le fait que les deux pouvoirs peuvent chacun parvenir au même résultat n’ébranle pas cette conclusion, un retrait ou une révocation par l’administration restant un acte de la fonction administrative, une annulation voire une réformation par le juge administratif constituant un acte de la fonction juridictionnelle.

En second lieu, la demanderesse soulève la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que l'effet immédiatement exécutoire de la décision attaquée, avant son examen par une juridiction, la priverait d'un recours juridictionnel effectif.

Ce moyen laisse également d’être fondé. Il est en effet invalidé par le fait même que le présent jugement intervient à la suite de la saisine du tribunal par un recours en annulation que la demanderesse a pu introduire en application des dispositions légales afférentes, la demanderesse ayant pour le surplus pu introduire un recours devant la juridiction du président du tribunal pour solliciter - et, en l’occurrence, même pour obtenir - que les effets de la décision litigieuse soient suspendus en attendant le jugement au fond. Il ne saurait partant être question d’une privation d’un recours effectif.

Le troisième moyen d’annulation soulevé est basé sur la prétendue violation de l'article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, au motif qu’au mépris de ce texte, la 5 décision litigieuse, décision administrative finale faisant grief à la partie elle-même, ne lui aurait pas été notifiée.

Ce moyen d’annulation est cependant à son tour à écarter, étant donné que, même en admettant que le reproche soit justifié, le défaut de notification d’une décision finale - prise dans le cadre d’une procédure d’instruction au cours de laquelle l’administré avait désigné un mandataire – non seulement au mandataire mais en outre à l’administré lui-même ne constitue pas une cause d’annulation de la décision ministérielle prise, pareille omission entraînant uniquement que les délais impartis pour l’introduction des recours ne commencent pas à courir. En effet, la sauvegarde des droits de la défense de l’administré, à savoir le fait d’être informé de façon à pouvoir agir devant qui de droit, est garantie par l’effet de la notification de la décision au seul mandataire.

Le quatrième moyen soulevé est basé sur la violation de la loi du 30 juillet 2002, précitée, en ce que la procédure de retrait de l'autorisation d'établissement dont bénéficiait la société X. avait été entamée avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, sans être nouvellement initiée, en violation de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité.

Force est de constater que le fait qu’une instruction, tenant uniquement à établir des données factuelles, entamée sur base d’une législation qui a subi une modification au cours de ladite instruction, n’a pas besoin d’être reprise lors de l’entrée en vigueur de la modification, dès lors que le changement n’affecte pas la réalité et la matérialité des faits et que les exigences procédurales nouvelles sont remplies, ce qui n’est pas contesté en l’espèce. Le fait que la qualification des faits ainsi dégagés s’opère sur base des dispositions telles qu’elles ont été modifiées n’est pas à lui seul suffisant pour impliquer que l’administration doive recommencer son instruction.

Selon le cinquième moyen d’annulation, l’administration aurait manqué d’entendre le gérant de la société X., de sorte que son droit d’être entendu préalablement à la prise de la décision aurait été violé.

Comme il se dégage des éléments soumis au tribunal et notamment de l’échange de correspondance que la décision litigieuse a été prise dans le cadre d’une procédure où les parties étaient pour ainsi dire continuellement en contact, que la préparation d’une éventuelle décision de retrait était connue par la demanderesse, laquelle a également pu consulter le dossier, la décision n’encourt pas de reproche quant à un prétendu non-respect d’une procédure menée contradictoirement.

La demanderesse soulève en sixième lieu la violation de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales, en ce que la décision de retrait aurait été prise sans l'avis préalable de la commission prévue par l'article 2 de ladite loi.

Ce moyen manque en fait, étant donné qu’il appert des éléments d’informations produits en cause et, plus particulièrement, du dossier administratif utilement produit par le délégué du gouvernement, que la décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 23 décembre 2002 a été prise suite à un avis de ladite commission en date du même jour.

6 Ensuite, le septième moyen est basé sur l’illégalité de la décision en ce que celle-ci aurait été prise par un attaché de gouvernement sur base d’une décision d’une commission dont il faisait partie.

Quant au fait qu’un fonctionnaire, bénéficiant d’une délégation de signature est en outre un des membres de la commission prévue par l'article 2 de la loi précitée du 28 décembre 1988, en l’occurrence le président-suppléant de ladite commission, et qu’il a assisté à la réunion de ladite commission ayant précédé la décision déférée, l’avis ayant cependant été pris à l’unanimité par les sept membres présents, aucun motif d’annulation sur base des dispositions légales et réglementaires existantes ne saurait être retenu par le tribunal concernant la double qualité revêtue par le même fonctionnaire dans le processus décisionnel ayant abouti à la décision déférée par lui signée sur base d’une délégation de signature, à défaut de grief plus précisément circonscrit établi en rapport avec la partie demanderesse au présent litige.

Selon le huitième moyen, la décision encourrait l’annulation pour omission, par le ministre, d'avoir annexé à la décision litigieuse l'avis de la commission prévue par la loi modifiée du 28 décembre 1988, précitée, auquel sa décision renvoie, auquel moyen il convient de rapprocher celui basé sur une absence de motivation suffisante de la décision attaquée.

Ces deux moyens manquent également en fait étant donné qu’il se dégage du libellé de la volumineuse décision du 23 décembre 2002, ensemble les missives antérieures, que la demanderesse disposait d’une motivation suffisamment complète lui permettant d’assurer la défense de ses intérêts légitimes en parfaite connaissance de cause. Par ailleurs, faute de disposition légale expresse afférente, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement n’était pas tenu de joindre à sa décision l’avis de la commission consultée.

Selon la dernière série de moyens développés par la demanderesse, elle soutient que le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement aurait fait une appréciation erronée de la notion d'établissement telle que prévue par l'article 2 de la loi du 30 juillet 2002, qu’ainsi, il aurait commis des erreurs de fait en omettant de prendre en compte un contrat de travail prouvant la présence, au Luxembourg, d'un mandataire habilité à engager la société à l'égard des tiers, en invoquant erronément l'absence d'entreposage, au siège de la société, des disques tachygraphiques et de la comptabilité de la société et en ajoutant des exigences allant au-delà des conditions légales en vue de la délivrance d’une autorisation d'établissement de transporteur. La demanderesse estime encore que le ministre ne saurait « créer une obligation de mise à disposition et une obligation de direction des véhicules à partir du Luxembourg » et il ne saurait exiger la présence, en permanence, du gérant de la société.

Ces moyens tendent en substance à soutenir que le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement aurait mal interprété la notion d'établissement au sens de l'article 2 de la loi du 30 juillet 2002 et commis une erreur d’appréciation manifeste quant au respect des conditions en découlant pour la demanderesse.

Aux termes de l’article 1er de la loi précitée du 30 juillet 2002 « nul ne peut, à titre principal ou accessoire, exercer la profession de transporteur de voyageurs par route ni celle de transporteur de marchandises par route au Grand-Duché de Luxembourg sans y disposer d'un établissement et sans être en possession d'une autorisation écrite délivrée par le membre 7 du Gouvernement ayant dans ses attributions les autorisations d'établissement et appelé ci-

après «le ministre». (…) ».

L’article 2 définit la notion d’«établissement» comme étant « un siège d’exploitation fixe au Grand-Duché de Luxembourg de la personne physique ou morale exerçant la profession de transporteur de voyageurs ou de marchandises par route et qui y est imposable au sens du droit fiscal. Ce siège d’exploitation fixe se traduit par l’existence d’une infrastructure opérationnelle, par l’exercice effectif et à caractère permanent de la direction des activités du transporteur, par le fait d’y conserver tous les documents relatifs à ces activités ainsi que par la présence continue d’une personne autorisée à engager le transporteur à l’égard des tiers ».

Aux termes de l’article 5 « (1) les demandes d'autorisation et les propositions de révocation d'une autorisation sont instruites conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988.

(2) Sans préjudice des dispositions de la loi modifiée du 28 décembre 1988, et notamment de ses articles 2 et 3, l'autorisation peut être refusée ou révoquée lorsque le titulaire ne dispose pas d'un établissement au Luxembourg.

A cette fin, les personnes visées à l’article 22, (1) de la loi modifiée du 28 décembre 1988 peuvent, dans les conditions y prévues, notamment visiter le siège d’exploitation, entendre toutes les personnes en relation avec le transporteur, exiger la production de tous les documents relatifs aux activités de celui-ci et vérifier la conformité de ces documents aux conditions imposées par la loi et les règlements grand-ducaux en la matière, ainsi que demander au titulaire de l’autorisation de produire une attestation délivrée par l’administration des contributions directes certifiant son imposition selon le droit fiscal luxembourgeois ».

Il convient de mettre en lumière que le tribunal est appelé à statuer dans le cadre d’un recours en annulation et que dans le cadre d'un tel recours, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base des décisions administratives qui lui sont soumises et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 10, et autres références y énoncées). Cette mission a été plus spécialement circonscrite par la Cour administrative, qui retient que « même dans le cadre d’un recours en annulation il est vrai que lors de l’examen de l’exactitude des faits invoqués à l’appui d’une décision, de la pertinence des motifs dûment établis et du contrôle de cette décision sous l’aspect de la compétence, de l’excès ou du détournement de pouvoir, cette vérification peut s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis. Cette faculté est cependant limitée aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité. Elle ne saurait avoir pour but de priver le ministre, qui doit assumer la responsabilité politique de la décision, de son pouvoir d’appréciation sur la nature et la gravité de la mesure qu’il lui incombe de prendre, si celle-ci est par ailleurs légale et n’est pas sujette à un recours en réformation. Il appartient au ministre de peser en définitive la valeur des intérêts publics et privés en discussion et de prendre sa décision en conséquence en assumant à l’égard des intéressés, à l’égard des organes politiques qui ont pour mission de contrôler son activité et à 8 l’égard de l’opinion publique la responsabilité de cette décision, de sa sévérité ou de sa clémence (Cour adm. 21 mars 2002, n° 14261C du rôle, Pas. adm. 2003 V° Recours en annulation, n° 10).

En l’espèce, au regard de sa mission prétracée, le tribunal arrive à la conclusion que le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement n’a ni commis de violation de la loi précitée du 30 juillet 2002, en général, et des notion et critères de l’établissement, en particulier, ni encore d’erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait, en retenant, sur base des éléments d’information en sa disposition, notamment le rapport dressé à l’occasion d’un contrôle au siège d’exploitation de la société X. le 18 décembre 2002 par l’administration des Douanes, que l'exercice effectif et permanent de la direction des activités de la société X. n’était pas assuré au sein même de son siège d'exploitation. En effet, le ministre pouvait raisonnablement dégager des éléments du dossier administratif que le gérant de la société X. ne se trouvait quasiment jamais au siège d’exploitation de la société et que la seule personne présente, une employée de bureau, même abstraction faite de la question de savoir si son contrat de travail a été antidaté ou non et même à la supposer habilitée pour remplacer le gérant et engager valablement la société, au regard de la considération que la société opère avec un parc roulant de plus d’une soixantaine de camions, n’a manifestement pas pu assurer les opérations de gestion requises à partir du Luxembourg. - L’argumentation développée dans ce contexte lors des plaidoiries par le mandataire de la demanderesse relativement aux moyens modernes de communication qui permettraient que le gérant puisse surveiller et assurer sa mission de gestion à partir de l’étranger, loin de contredire cette conclusion, confirme au contraire que la direction effective des activités - d’une importance certaine de la société X. - n’est pas assurée au Luxembourg.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé et que la demanderesse doit en être déboutée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

rejette la demande de jonction de l’affaire avec celle déposée sous le n° 16428 du rôle ;

écarte des débats les mémoires en réponse et ceux subséquents ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, 9 Mme Thomé, juge, et lu à l’audience publique du 17 décembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16128
Date de la décision : 17/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-17;16128 ?

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