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15/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16135

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2003, 16135


Tribunal administratif N° 16135 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mars 2003 Audience publique du 15 décembre 2003 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en présence de l’administration communale de Munshausen en matière de plan d’aménagement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16135 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 mars 2003 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au

nom de Monsieur …, employé privé, et de son épouse, Madame …, sans état particulier, les deu...

Tribunal administratif N° 16135 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mars 2003 Audience publique du 15 décembre 2003 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en présence de l’administration communale de Munshausen en matière de plan d’aménagement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16135 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 mars 2003 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, employé privé, et de son épouse, Madame …, sans état particulier, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 16 octobre 2002 approuvant une décision du conseil communal de Munshausen du 9 mai 2001 portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2003 par le délégué du gouvernement ;

Vu la requête en intervention de l’administration communale de Munshausen déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2003 par Maître Pol URBANY en nom et pour compte des demandeurs ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2003 en nom et pour compte des demandeurs ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 16 juillet 2003, portant signification de la requête en intervention à l’administration communale de Munshausen ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 août 2003 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réponse « sur intervention » déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2003 par Maître Edith REIFF, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, en nom et pour compte de l’administration communale de Munshausen ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 31 octobre 2003, portant signification de ce mémoire en réponse aux demandeurs, en leur domicile élu ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Luc BIRGEN, en remplacement de Maître Pol URBANY, et Edith REIFF, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

Par délibération du 5 mars 2001, le conseil communal de Munshausen, statuant à l’unanimité, adopta provisoirement le nouveau plan d’aménagement général, parties graphique et écrite, de la commune de Munshausen, désigné ci-après par le « PAG », en modification de celui antérieurement en vigueur.

Par courrier du 10 avril 2001, Monsieur … s’opposa au « projet de révision du plan d’aménagement général de la commune de Munshausen comme approuvé provisoirement » et pria ledit conseil communal « de bien vouloir inclure mes fonds sis à Drauffelt dans votre plan d’aménagement général (…) comme terrains à bâtir ».

En date du 4 mai 2001, Monsieur … fut entendu par le collège échevinal de la commune de Munshausen au sujet de la prédite réclamation du 10 avril 2001.

Le 9 mai 2001, le conseil communal de Munshausen, statuant dans le cadre des réclamations introduites contre la délibération précitée du 5 mars 2001, décida à l’unanimité des voix « d’approuver définitivement le projet de révision du Projet d’Aménagement Général de la Commune de Munshausen conformément à la proposition du collège des bourgmestre et échevins en tenant compte des modifications arrêtées par le conseil communal ci-dessus suite aux réclamations reçues » tout en refusant la réclamation de Monsieur … aux motifs suivants :

« Considérant que les infrastructures sont inexistantes sur le site même, et en général très médiocres dans l’ensemble de la localité de Drauffelt ;

Considérant que l’année prochaine les travaux de remise en état du réseau routier de Drauffelt ainsi que des canalisations et conduites d’eau vont démarrer ; ».

Suivant courrier du 19 juillet 2001, Monsieur … introduisit une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur, dirigée contre ladite délibération du conseil communal de Munshausen du 9 mai 2001, en réitérant sa demande d’inclusion dans le « plan d’aménagement général » de ses terrains, portant les numéros cadastraux … de la commune de Munshausen, section E de Drauffelt.

Par délibération du 23 octobre 2001, le conseil communal de Munshausen, statuant sur le mérite de la réclamation introduite par Monsieur … contre sa délibération précitée du 9 mai 2001, émit à l’unanimité des voix « l’avis que la réclamation de Monsieur … de Drauffelt à l’encontre de la décision du conseil communal du 9 mai 2001 d’approuver définitivement le projet de révision du projet d’aménagement général de la commune de Munshausen ne contient aucun élément nouveau et de par là n’est pas à prendre en considération ».

Dans son avis du 22 avril 2002, la commission d’aménagement estima qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la réclamation de Monsieur … aux motifs que « la commission constate qu’un tiers de sa propriété en ce lieu fait partie intégrante du périmètre d’agglomération. Puis, l’inclusion isolée des deux parcelles concernées dans la zone d’habitation ne saurait être tolérée alors qu’il importe de définir les extensions futurs de l’agglomération sur la base d’un concept d’ensemble cohérent tout en tenant compte des infrastructures publiques existantes et projetées. L’élaboration d’un concept urbain pour les terrains concernées saurait constituer un élément de base pour le développement du tissu urbain de ce quartier ».

Par arrêté du 16 octobre 2002, le ministre de l’Intérieur, rejetant entre autres la réclamation de Monsieur …, approuva la délibération du 9 mai 2001 du conseil communal de Munshausen portant adoption définitive du PAG, décision qui fut envoyée par lettre simple en date du 16 décembre 2002 à Monsieur ….

Par requête introduite auprès du tribunal administratif en date du 17 mars 2003, Monsieur … et son épouse, Madame …, ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’Intérieur du 16 octobre 2002 portant approbation de la délibération du conseil communal de Munshausen du 9 mai 2001 relative à l’adoption définitive du PAG.

Tant le délégué du gouvernement que l’administration communale de Munshausen concluent en premier lieu à l’irrecevabilité du recours au motif que le courrier de Monsieur … du 10 avril 2001 à l’adresse de l’administration communale de Munshausen ne saurait être considéré comme une objection ou une réclamation à l’encontre du contenu du PAG révisé, mais comme une demande de reclassement de différents terrains, demande qui aurait été présentée indépendamment de la procédure de réclamation prévue par l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.

D’après le délégué du gouvernement, pareille demande aurait dû être transmise pour avis à la commission d’aménagement étatique, pour ensuite être soumise au vote provisoire du conseil communal et, suite à l’enquête publique, au vote définitif du conseil communal, le tout en conformité avec les dispositions de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937, précitée. En effet, d’après le représentant étatique, les demandeurs entendaient non pas réclamer contre une situation nouvellement créée par les modifications apportées au PAG, alors que les terrains litigieux ne connaissent aucune modification en ce qui concerne leur statut, mais désiraient demander une modification du PAG à leur seul profit, de sorte qu’ils ne sauraient faire valoir une quelconque objection par rapport au « plan » faisant l’objet de la délibération provisoire, ce plan ne modifiant en rien leur situation. Comme les demandeurs n’auraient présenté aucune réclamation valable et n’auraient d’ailleurs pas d’intérêt pour ce faire, ne subissant aucun préjudice par l’adoption du nouveau PAG, leur recours serait à déclarer irrecevable.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs estiment qu’il ressortirait « de la manière la plus claire [qui] soit » du courrier du 10 avril 2001 que leur but aurait été de réclamer contre le PAG, adopté provisoirement au niveau de la commune, en souhaitant l’intégration de différentes parcelles leur appartenant dans le périmètre de la commune de Munshausen et que partant la lettre visée constituerait une objection au sens de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937, précitée. Par ailleurs, leur préjudice consisterait précisément dans le fait que leurs terrains n’auraient pas été inclus dans le périmètre d’agglomération et ils auraient partant un intérêt à faire valoir ce fait dans le cadre d’une réclamation introduite conformément audit article 9.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement rétorque que tout propriétaire d’un terrain ou d’une parcelle pourrait à tout moment saisir la commune, voire la commission d’aménagement, d’une demande en extension du périmètre d’agglomération du territoire d’une commune pour obtenir l’inclusion de son terrain à l’intérieur de ce périmètre d’agglomération, le cas échéant sous forme d’un projet d’aménagement particulier, ce que les demandeurs n’auraient pas fait en l’espèce.

Il ressort à l’exclusion de tout doute que Monsieur …, en rédigeant son courrier du 10 avril 2001, a entendu se placer dans le cadre de la procédure telle qu’instituée par l’article 9 de la loi du 12 juin 1937, précitée, et que la commune a d’ailleurs accepté ledit courrier comme valant réclamation dans le cadre de ladite procédure. S’il est effectivement exact que la situation des demandeurs ne se trouvait nullement modifiée en raison des modifications apportées au PAG, alors que leurs terrains ne furent pas visés par le nouveau projet, les termes dudit article 9 sont cependant clairs et ne prescrivent pas, sous peine d’irrecevabilité, que dans le cadre d’une objection contre un plan, seules seraient recevables les réclamations de personnes qui auraient connu une modification par rapport au statut de leur terrain, suite à l’adoption provisoire du PAG. S’il est encore exact qu’un particulier peut prendre l’initiative en vue de l’extension du périmètre d’agglomération, le contenu de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937, précitée, n’interdit cependant pas à un particulier de présenter une objection dans le cadre de la procédure diligentée à l’initiative la commune pour tenter d’obtenir le même résultat, cette faculté permettant même d’éviter une multiplication des procédures par rapport à la présentation de réclamations à l’initiative de particuliers.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité soulevé en ordre principal par les parties défenderesses est à rejeter.

Concernant ensuite la légalité interne de l’arrêté ministériel du 16 octobre 2002, les demandeurs soutiennent que ledit arrêté ministériel devrait encourir l’annulation pour défaut de motivation en ce qu’il ne préciserait nullement les motifs à la base du refus de faire droit à leur réclamation, ce qui serait contraire à l’article 14 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes. Ce défaut de motivation résiderait plus précisément en l’absence d’indication de la cause juridique à la base de la décision ministérielle attaquée, en l’absence d’indication des circonstances de fait pour lesquelles l’intégration de leurs parcelles constituerait une inclusion isolée dans le périmètre d’agglomération et en quoi ladite intégration ne tiendrait pas compte de manière appropriée des terrains directement adjacents et serait en contradiction avec l’élaboration d’un concept urbanistique, élément de base pour le développement futur du tissu urbain en ces lieux. En effet, la décision ministérielle attaquée se contenterait de faire référence en termes généraux à des objectifs retenus par le gouvernement, qui ne seraient cependant consacrés ni par un texte législatif ni par un texte réglementaire.

Concernant ce moyen, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur, intervenue le cas échéant après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé (cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 18 et autres références y citées).

Or, s’agissant d’actes administratifs à caractère réglementaire, les dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, ne s’appliquent pas, étant donné qu’en vertu de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, les règles établies par ledit règlement grand-ducal ne concernent que les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n’organise pas de procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré (cf.

trib. adm. 4 juillet 2000, n° 11385 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Actes réglementaires (recours contre les), n ° 8).

Partant le moyen afférent des demandeurs est à rejeter.

Les demandeurs reprochent en deuxième lieu au ministre de l’Intérieur d’avoir commis une erreur de fait en estimant que « le Gouvernement en conseil a décidé que le développement concentrique des localités autour de leur noyau doit être favorisé » et que « les terrains à l’intérieur des localités doivent être urbanisés en priorité, avant toute extension du périmètre bâti », au motif que leur revendication serait en parfaite concordance avec les lignes directrices retenues par le gouvernement, étant donné qu’ils ne revendiqueraient nullement l’inclusion isolée d’une partie de leur propriété dans le périmètre d’agglomération sans qu’il soit tenu compte d’une manière appropriée des terrains adjacents et qu’il serait parfaitement concevable d’intégrer la totalité de leurs terrains dans le périmètre d’agglomération.

Pour le surplus, l’urbanisation de la localité de Drauffelt s’étendrait déjà à l’heure actuelle au-delà du centre de ladite localité et qu’en élargissant le périmètre d’agglomération en y intégrant leurs parcelles, le développement concentrique de la localité autour du noyau resterait garanti, d’autant plus que les parcelles litigieuses se trouveraient au niveau dudit périmètre et qu’un tiers de leur propriété à ce niveau y ferait déjà partie intégrante, de sorte que l’inclusion de leurs terrains contribuerait au renforcement du noyau du village face aux longues routes tentaculaires déjà existantes à d’autres endroits de la localité.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement souligne que l’arrêté ministériel du 16 octobre 2002 aurait été pris à juste titre, étant donné qu’en cas d’intégration des terrains en question dans le nouveau PAG, le développement concentrique autour du noyau de la localité de Drauffelt ne resterait pas garanti. En effet, au vu de la pression foncière et démographique existant au Luxembourg, le gouvernement se serait donné comme directive générale le développement concentrique des localités en essayant d’éviter une urbanisation désordonnée voire tentaculaire le long des principales artères de circulation. Il fait dans ce contexte référence à une décision du gouvernement en conseil du 11 juillet 1986 concernant la révision des directives générales du programme directeur de l’aménagement du territoire, telle que publiée au Mémorial B du 7 août 1986, politique qui aurait par ailleurs pour objet d’éviter le mitage de l’espace disponible par la création d’îlots de constructions isolées, en favorisant au contraire l’extension de l’espace urbain existant. Dans ce contexte, le représentant étatique fait encore référence au fait que le mitage du paysage et la création d’îlots d’habitation à l’extérieur des noyaux d’urbanisation auraient pour conséquence un coût important tant pour la collectivité locale que pour les particuliers, en raison du coût lié à la charge de l’aménagement et du fonctionnement des équipements et des services publics.

Il échet de rappeler dans ce contexte qu’il appartient au ministre de l’Intérieur, en tant qu’autorité de tutelle, de veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général. Le droit d’approuver la décision du conseil communal a comme corollaire celui de ne pas approuver cette décision. Cette approbation implique nécessairement l’examen du dossier et comporte l’appréciation du ministre sur la régularité de la procédure et des propositions du conseil communal, ainsi que sur les modifications de la partie graphique et écrite des plans (cf.

Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Tutelle administrative, n° 1, et autres références y citées).

Il est vrai que la tutelle n’autorise pas, en principe, l’autorité supérieure à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celles des agents du service (Buttgenbach A., Manuel de droit administratif, 1954, p. 117, n° 149), ce principe découlant de la nature même de la tutelle qui est une action exercée par un pouvoir sur un autre pouvoir, non pas en vue de se substituer à lui, mais dans le seul but de le maintenir dans les limites de la légalité et d’assurer la conformité de son action aux exigences de l’intérêt général.

Ceci étant rappelé, force est de constater qu’en l’espèce, la décision ministérielle querellée, de même que la décision du conseil communal de Munshausen du 9 mai 2001, sont fondées, tel que cela se dégage des décisions litigieuses, ensemble les compléments de motivation apportés par le délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse, sur des considérations urbanistiques et plus particulièrement sur un souci d’éviter un développement désordonné et tentaculaire de la localité de Drauffelt, de sorte que les décisions sont basées sur des motifs s’intégrant dans le cadre légal spécifique et que les critiques relativement à une motivation erronée ne sont pas fondées.

Dans ce contexte, c’est également à tort que les demandeurs soutiennent que l’arrêté ministériel attaqué serait entaché d’une erreur de droit en ce que l’argumentation invoquée à l’appui de cet arrêté ministériel ne ferait que référence en termes généraux à des objectifs retenus par le gouvernement, non consacrés par un texte législatif ou réglementaire. En effet, comme l’autorité supérieure de tutelle se doit d’assurer la conformité de son action aux exigences de l’intérêt général, la décision du gouvernement en conseil du 11 juin 1986 concernant la révision des directives générales du programme directeur de l’aménagement du territoire, loin de créer une quelconque insécurité juridique, ne fait que traduire la mesure de cet intérêt général sur base de critères objectifs retenus qui ont par ailleurs conduits à l’élaboration desdits critères dans le programme directeur d’aménagement du territoire et traduisent ainsi la politique que le gouvernement entend suivre et appliquer pour les années à venir, de sorte que ce reproche manque de fondement.

Concernant finalement le bien fondé de la décision attaquée, il échet de rappeler que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute (cf. trib. adm. 7 mars 2001, n° 12282 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 octobre 2001, n° 13319C, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, n° 62).

Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée, dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité (cf. Cour adm. 18 juin 2002, n° 14771C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 11).

A la lumière des considérations qui précèdent, il convient d’analyser en premier lieu le motif avancé dans le cadre du recours contentieux et tiré de ce que l’inclusion des terrains des demandeurs dans le périmètre d’agglomération serait contraire au développement concentrique de la localité de Drauffelt et que les terrains à l’intérieur des localités devraient être urbanisés en priorité avant toute extension du périmètre à bâtir.

Or, même si d’après les renseignements soumis au tribunal par les parties en cause, la parcelle litigieuse est adjacente au périmètre d’agglomération et à d’autres terrains des demandeurs et qu’elle est accessible par un chemin rural, il n’en reste pas moins qu’une extension du périmètre d’agglomération au niveau d’un seul terrain, qui abouti à un prolongement d’un village contribue à rendre plus difficile un développement cohérent et concentrique de la localité et est partant contraire au concept urbanistique exposé par le ministre (cf. trib. adm. 10 juillet 2002, n° 14378 du rôle confirmé par Cour adm. 26 novembre 2002, n° 15233C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Tutelle administrative, n° 31) et, en l’espèce, conduit à une extension excentrique de la localité de Drauffelt précisément au niveau dudit chemin rural, pour le surplus dépourvu de toutes les infrastructures nécessaires à la création d’un nouveau quartier d’habitation.

Ainsi l’objectif du ministre s’inscrit entièrement dans le cadre de la décision du gouvernement en conseil du 11 juillet 1986 concernant la révision des directives générales du programme directeur de l’aménagement du territoire, tel que mis en avant dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, abstraction faite des éléments d’opportunité non soumis au contrôle du tribunal saisi d’un recours en annulation.

Pour le surplus, il convient encore de relever que les demandeurs sont restés muets dans le cadre de leur recours contentieux quant au bien-fondé de la motivation de la décision ministérielle attaquée visant plus particulièrement leurs terrains et tirée du défaut d’élaboration d’un concept urbanistique couvrant l’ensemble des terrains des demandeurs qui devrait constituer l’élément de base pour le développement futur du tissu urbain en ces lieux et de l’absence des infrastructures publiques nécessaires à la création d’un nouveau quartier d’habitation en ces lieux.

Partant, il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que loin d’avoir versé dans une erreur d’appréciation à sanctionner par le tribunal, le ministre de l’Intérieur a agi sur base de considérations légales d’ordre urbanistique tendant à une finalité d’intérêt général, en l’occurrence dans un but vérifié d’éviter une extension excentrique de la localité de Drauffelt, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 15 décembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16135
Date de la décision : 15/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-15;16135 ?

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