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15/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16101

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2003, 16101


Tribunal administratif N° 16101 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mars 2003 Audience publique du 15 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16101 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2003 par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av

ocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité chinoise, demeurant actuell...

Tribunal administratif N° 16101 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mars 2003 Audience publique du 15 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16101 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2003 par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité chinoise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en date du 30 décembre 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2003 au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en sa plaidoirie.

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En date du 2 juillet 2001, Monsieur … introduisit une demande en obtention d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, dénommé ci-après le « service commun », en précisant appartenir à la « catégorie C » telle que décrite dans la brochure intitulée « régularisation du 15 mars au 13 juillet 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg », éditée par le service commun, dénommée ci-après « la brochure », en ce qu’il résiderait au Grand-Duché de Luxembourg de façon ininterrompue depuis le 1er juillet 1998 au moins.

Par lettre du 30 décembre 2002, le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi informèrent Monsieur … de ce qui suit :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 2 juillet 2001 auprès du Service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des directives applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie C que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins.

Vous êtes invité à quitter le Luxembourg endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois ».

Suite à un recours gracieux introduit par le mandataire du demandeur le 29 janvier 2003, le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi confirmèrent leur décision initiale de refus par courrier du 4 février 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 30 décembre 2002.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient qu’il pourrait subvenir seul à ses besoins, étant donné que dès lors que sa situation serait régularisée, il pourrait s’adonner à une occupation salariée dans un restaurant dont l’exploitant aurait d’ores et déjà marqué son accord pour l’engager.

Par ailleurs, tout en produisant un certain nombre d’attestations testimoniales à l’appui de ses affirmations, il soutient résider au Grand-Duché de Luxembourg depuis plus de 5 années, à savoir depuis le mois de septembre 1997, de sorte qu’il remplirait les conditions énoncées pour pouvoir bénéficier d’une régularisation.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours. A l’appui de sa conclusion, il soutient que l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 aurait été invoqué à juste titre, étant donné qu’au moment où la décision attaquée fût prise Monsieur WU n’aurait pas disposé de moyens personnels propres suffisants et que finalement il n’aurait pas rapporté la preuve d’une résidence ininterrompue au pays depuis le 1er juillet 1998.

En ce qui concerne la preuve de moyens d’existence personnels suffisants, il y a lieu de relever qu’au vœu de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Il s’en dégage qu’une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, II.

Autorisation de séjour – Expulsion, n° 134 et autres références y citées).

La seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l’intéressé d’assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante ; il faut encore que les revenus soient légalement perçus. Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi, alors qu’il n’est pas en possession d’un permis de travail et qu’il n’est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et toucher des revenus provenant de cet emploi (trib. adm. 15 avril 1998 et 30 avril 1998, Pas.

adm. 2003, V° Etrangers, II. Autorisation de séjour – Expulsion, n° 140 et autres références y citées).

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

En l’espèce, force est de constater que le demandeur se borne à invoquer le fait d’avoir conclu un contrat de travail et de bénéficier d’une expectative de travail, de sorte qu’au regard des principes susénoncés, il y a lieu de conclure que le demandeur, faute de justifier l’existence d’un permis de travail octroyé par le ministre du Travail et de l’Emploi, n’a pas établi l’existence de moyens légalement perçus dans son chef. Comme pour le surplus le demandeur n’a pas fait état d’autres moyens personnels dont il aurait pu bénéficier légalement au moment de la prise des décisions, c’est à bon droit que le ministre de la Justice a valablement pu se baser sur le défaut de moyens personnels propres légaux au moment des décisions critiquées pour refuser la délivrance d’une autorisation de séjour.

Enfin, abstraction faite de toute considération quant à la légalité de la brochure destinée à la régularisation des sans papiers et au-delà de toute considération tenant à l’application directe de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, il ressort des éléments en cause que le demandeur a soumis sa demande en obtention d’une autorisation de séjour sur pied de la brochure de régularisation et qu’il s’est prévalu de la catégorie C de cette brochure, visant « la personne qui réside de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 ».

En l’espèce, sur base des éléments d’appréciation lui soumis, le tribunal arrive à la conviction que le demandeur n’a pas établi à suffisance de droit avoir résidé au Luxembourg de manière ininterrompue depuis le 1er juillet 1998, ceci spécialement au regard du fait que le passeport du demandeur contient un visa pour la république tchèque de quatre mois pour la période du 22 juillet 1998 au 22 novembre 1998 et que ni les attestations testimoniales, relativement vagues, produites en cause, ni l’explication fournie par le demandeur relativement à un séjour de courte durée passé par lui en république tchèque pour y passer des vacances, ne sont suffisantes pour rencontrer utilement le doute que l’existence du visa fait naître par rapport à son séjour ininterrompu au Luxembourg, d’autant plus que le même passeport contient une autre inscription apposée par la police tchèque le 2 décembre 1998, sans que le demandeur n’ait apporté le moindre élément d’explication y afférent.

Il n’est dès lors pas établi que le demandeur répond aux conditions fixées par la catégorie C de la brochure de régularisation.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre les décisions ministérielles litigieuses doit être déclaré non fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que le demandeur n’est pas représenté à l’audience de plaidoiries est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, ainsi qu’un mémoire en réplique, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 15 décembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16101
Date de la décision : 15/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-15;16101 ?

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