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10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°17219

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 17219


Tribunal administratif Numéro 17219 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, alias … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du Gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17219 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, a

vocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi...

Tribunal administratif Numéro 17219 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, alias … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du Gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17219 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité ukrainienne, ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 24 novembre 2003 prorogeant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de l'arrêté en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2003;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 décembre 2003.

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Monsieur …, alias …, fut placé, par arrêté du ministre de la Justice du 24 octobre 2003 lui notifié le même jour, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois. Par arrêté ministériel du 24 novembre 2003, la mesure de placement fut prorogée pour la durée d'un mois sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté pris en date du 24 octobre 2003, décidant du placement temporaire de l'intéressé;

Considérant qu’il est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays;

Considérant qu’il a déposé une demande d’asile en Autriche ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu des dispositions du règlement n° CE 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été demandée aux autorités autrichiennes en date du 6 novembre 2003 ;

- que cette reprise a été accordée en date du 11 novembre 2003 ;

- que le transfert vers l’Autriche de l’intéressé sera organisé dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 1er décembre 2003, Monsieur …, alias …, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel de prorogation du placement du 24 novembre 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 24 novembre 2003.

Le transfert du demandeur vers l’Autriche ayant eu lieu en date du 3 décembre 2003, le mandataire du demandeur a renoncé en termes de plaidoiries à sa demande tendant à voir ordonner la mise en liberté pure et simple de l’intéressé, tout en précisant vouloir maintenir le recours en annulation introduit à titre subsidiaire afin de voir examiner la légalité de la décision litigieuse. Le tribunal ne pouvant plus, à la date des présentes, statuer utilement en réformation, le recours introduit est recevable uniquement dans la limite des moyens de légalité présentés pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que les autorités administratives compétentes seraient restées en défaut de faire tous les efforts et toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard, dans les délais les plus brefs. Il estime que la condition posée par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 relative à l’exigence d’une nécessité absolue en cas de prorogation d’une décision de placement ne serait pas remplie en l’espèce, l’autorité administrative compétente étant restée en défaut, à son avis, de démontrer qu’elle n’aurait pas été en mesure de procéder à l’exécution matérielle de son éloignement dans un délai plus bref.

Le délégué du Gouvernement relève à cet égard qu’en date du 11 novembre 2003, les autorités autrichiennes ont accepté la reprise de l’intéressé à la suite d’une demande afférente leur adressée le 5 novembre 2003, étant entendu que le système EURODAC avait révélé en date du 29 octobre 2003 à partir des empreintes digitales que le demandeur était connu pour avoir déposé une demande d’asile à Innsbruck le 17 septembre 2003 sous l’identité de …. Il signale qu’en date du 14 novembre 2003, le service de police judiciaire a été saisi afin de communiquer une date en vue du transfert et que le 28 novembre 2003, le ministre fut informé de ce que le transfert serait opéré le 3 décembre 2003. Le représentant étatique estime ainsi que toutes les diligences auraient été faites afin de ne pas prolonger inutilement le placement du demandeur et que, eu égard au fait que celui-ci avait déposé sa demande d’asile en Autriche sous une autre identité, l’existence de la nécessité absolue pour la prorogation d’une décision de placement serait également vérifiée en l’espèce.

Conformément aux dispositions de l’article 15 (2) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, une mesure de placement peut « en cas de nécessité absolue être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois. » Il se dégage du libellé de la disposition légale prérelatée que le tribunal, appelé à statuer par rapport à une décision de prorogation d’une mesure de placement, doit analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rendait la prorogation de la décision de placement inévitable.

Il se dégage des pièces versées au dossier que le ministre de la Justice, confronté à un demandeur d’asile dépourvu de pièces d’identité valables et s’étant présenté, tel que dégagé à partir des vérifications entreprises, sous une fausse identité, a effectué toutes les diligences qui s’imposaient afin d’organiser le transfert du demandeur en Autriche, sans que celui-ci n’ait par ailleurs collaboré afin d’écourter au maximum la mesure de placement. Dans la mesure où l’organisation du transfert du demandeur vers Vienne par la voie aérienne a nécessité une prise de contact avec les autorités autrichiennes compétentes, ainsi que la réservation de plusieurs places sur un vol afférent, étant donné que le transfert a eu lieu, d’après les pièces versés en cause et les affirmations afférentes du représentant étatique, sous escorte, les autorités luxembourgeoises ne sauraient en l’espèce se voir reprocher un manque de diligence qui aurait retardé les formalités du rapatriement lequel a eu lieu en date du 3 décembre 2003, abstraction faite de la constatation que trois jours se sont écoulés à partir de l’accord des autorités autrichiennes, avant que le ministre n’a saisi le service de police judiciaire pour organiser le rapatriement.

Le demandeur critique encore l’arrêté ministériel litigieux en faisant valoir que la mesure de placement serait disproportionnée tant au regard de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée qu’au regard de sa situation personnelle en ce que le régime auquel il était soumis au Centre de séjour provisoire pour étrangers en séjour irrégulier à Schrassig serait identique à celui des détenus de droit commun à l’exception du droit limité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail. Il en déduit que ledit centre ne constituerait nullement un établissement approprié pour l’exécution d’une mesure de placement au sens de l’article 15 (1) de la prédite loi de 1972.

Par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, et modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, a été créée « au Centre pénitentiaire de Luxembourg une section spéciale pour les retenus appelée « Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », où peuvent être placés les retenus, à savoir « tous les étrangers qui subissent une mesure privative de liberté sur base de l’article 15 de la loi [précitée] du 28 mars 1972 (…) ». A l’exception de certaines dérogations prévues par les articles 3 et 4 dudit règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, le régime de détention auquel sont soumis les retenus est celui prévu par le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Il échet de constater que par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi du 28 mars 1972, un centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit centre de séjour provisoire est en principe considéré comme un établissement approprié, conformément à l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972, en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Dans la mesure où le demandeur ne fait état d’aucun élément précis ou d’une circonstance particulière de nature à établir à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le moyen afférent laisse d’être fondé.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme dans la limite des moyens de légalité invoqués ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

le dit irrecevable pour le surplus ;

condamne le demandeur aux frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17219
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;17219 ?

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