La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°17171

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 17171


Tribunal administratif N° 17171 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2003 Audience publique du 10 décembre 2003

==================================

Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

---------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17171 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tabl

eau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité libérienne, te...

Tribunal administratif N° 17171 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2003 Audience publique du 10 décembre 2003

==================================

Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

---------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17171 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité libérienne, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 7 octobre 2003, lui notifiée le 14 octobre 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 décembre 2003.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Monsieur … introduisit en date du 8 août 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu en date du 29 septembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par lettre du 7 octobre 2003, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 10 octobre 2003, que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er, section A.2 de la Convention de Genève. Le ministre a en effet constaté que la demande d’asile de Monsieur … serait à considérer comme reposant clairement sur une fraude délibérée en ce qu’il a fondé sa demande d’asile sur une pièce d’identité qui se serait révélée être totalement fausse et que par ailleurs la crainte de Monsieur … d’être emprisonné en raison de la commission d’une infraction de droit commun ne correspondrait à aucun des critères de fond tels qu’énoncés par la Convention de Genève pour l’octroi du statut de réfugié.

Par requête déposée en date du 14 novembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 7 octobre 2003.

L’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 disposant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche au ministre d’avoir basé sa décision de refus sur un examen superficiel et insuffisant des faits sans tenir compte de sa situation particulière. Il estime plus particulièrement que ce serait à tort que le ministre a conclu au caractère falsifié de la carte d’identité par lui présentée, alors qu’il aurait reçu ce document de la part des autorités libériennes et qu’il serait vraisemblable que lesdites autorités ont distribué plusieurs versions de cartes d’identité, alors qu’en temps de guerre, le stock des papiers originaux aurait été épuisé et que de ce fait nombreuses cartes d’identité auraient été recouvertes de plastique à l’instar de la sienne.

Quant au motif à la base de sa demande d’asile, le demandeur fait valoir qu’il serait persécuté de la part des autorités libériennes pour avoir partiellement détruit une usine de gomme qui aurait été la propriété de l’Etat et que sa crainte afférente ne saurait être qualifiée de simple sentiment général d’insécurité non susceptible de rentrer dans les prévisions de la Convention de Genève, étant donné que la police se serait déjà mise à sa recherche et qu’il se serait retrouvé, de ce fait, dans une situation désespérée en ce qu’il n’aurait pas pu s’adresser aux autorités publiques et attendre que justice soit rendue. Il signale encore à cet égard que les ennemis du gouvernement seraient habituellement tués sur place sans une quelconque procédure judiciaire.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

En termes de plaidoiries, il a demandé que le mémoire en réplique fourni par le demandeur en date du 9 décembre 2003 seulement soit écarté des débats pour avoir été déposé après l’échéance du délai accordé par le tribunal à cette fin. La date limite pour le dépôt d’un mémoire en réplique ayant en effet été fixée, pour les besoins de l’instruction utile de l’affaire dans les délais imposés par la loi, au 3 décembre 2003 au plus tard, il y a lieu de faire droit à cette demande et d’écarter des débats le mémoire en réplique fourni par le demandeur.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6, 2), a) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur a fondé sa demande sur une fausse identité ou sur des documents faux ou falsifiés, dont il a affirmé l’authenticité lorsqu’il a été interrogé à leur sujet (…)».

En l’espèce, il est constant que le ministre s’est emparé du caractère falsifié de la carte d’identité présentée par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile en se basant sur un rapport de la police grand-ducale du 14 août 2003, repris dans un rapport du service de police judiciaire du 17 septembre 2003 dressé dans le cadre de l’instruction de la demande d’asile sous examen.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, ainsi que de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée (cf. Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 8 et autres références y citées, p. 583).

Force est de constater à cet égard que le ministre, lors de la prise de la décision litigieuse, avait à sa disposition un rapport établi par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale du 17 septembre 2003, aux termes duquel la carte d’identité présentée par Monsieur … constitue un faux (« Die seitens … vorgelegte Id.Karte wurde von der Flughafenpolizei auf seine Echtheit überprüft. Es stellte sich heraus, dass es sich um eine Totalfälschung handelt.».Cette conclusion repose à son tour sur les informations contenues dans le rapport référencé sous le numéro 108/2003 du service de contrôle à l’aéroport – service documents de voyage – de la police grand-ducale du 14 août 2003, ayant retenu que le document présenté est un faux total (Totalfälschung), ceci sur base de différentes méthodes de contrôle y également énoncées, en l’occurrence « UV-Fluoreszenz, Vergleichreferenz Material Blattform/Computersystem Edison, Mikroskop ».

Face au caractère non équivoque de la conclusion des autorités policières ainsi communiquée au ministre de la Justice, ce dernier a motivé à suffisance sa décision par rapport aux exigences de l’article 6, 1), a) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 précité, étant entendu que le demandeur est resté en défaut de donner une explication satisfaisante relative au reproche lui ainsi adressé.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

écarte des débats le mémoire en réplique déposé par le demandeur le 9 décembre 2003 ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par :

M. Ravarani, président Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17171
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;17171 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award