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10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°17166

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 17166


Tribunal administratif N° 17166 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2003 Audience publique du 10 décembre 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17166 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2003 par Maître Valérie DUPONG, avocat à la Cour, assistée de Maître Georges WEILAND, avocat, tous les deux ins

crits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mitrovica (Kosovo...

Tribunal administratif N° 17166 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2003 Audience publique du 10 décembre 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17166 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2003 par Maître Valérie DUPONG, avocat à la Cour, assistée de Maître Georges WEILAND, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mitrovica (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 octobre 2003, confirmant sur recours gracieux une décision du même ministre du 2 septembre 2003, lui notifiée le même jour, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Georges WEILAND et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 décembre 2003.

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En date du 6 août 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 2 septembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 2 septembre 2003, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 11 septembre 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er, section A.2 de la Convention de Genève. Le ministre a en effet constaté que les problèmes économiques dont a fait état Monsieur … ne sauraient constituer un motif pour obtenir le statut de réfugié.

Le recours gracieux introduit auprès du ministre de la Justice par courrier de son mandataire du 25 septembre 2003, dirigé contre la décision ministérielle prévisée du 2 septembre 2003, a été rejeté par une décision confirmative dudit ministre du 17 octobre 2003.

Par requête déposée le 14 novembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles prévisées du ministre de la Justice des 2 septembre et 17 octobre 2003.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation, qui constitue le recours légalement prévu par l’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait exposer que les décisions litigieuses relèveraient d’une appréciation inexacte de la situation actuelle au Kosovo, ainsi que de sa situation personnelle, étant donné qu’à l’heure actuelle de nombreux efforts seraient encore déployés pour améliorer la situation des minorités vivant dans la province du Kosovo et que leur situation serait encore loin d’être normalisée. Estimant qu’au Kosovo les épisodes sanglants, les meurtres et les massacres n’appartiendraient pas encore au passé, il relève avoir vécu, dans son pays d’origine, dans des conditions désastreuses, étant donné qu’il n’aurait jamais pu s’y sentir en sécurité ou espérer une protection efficace de la part des autorités locales. Il déduit de l’ensemble de ces considérations que ce serait à juste titre qu’il se prévaut de la qualité de réfugié.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 98 et autres références y citées, p. 199).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 2 septembre 2003, ainsi que de sa requête introductive d’instance, force est de constater que le demandeur n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. - En effet, il appert à l’examen du compte-rendu de son audition tel qu’il figure au dossier, que le demandeur a en substance exprimé des craintes vagues et générales quant à la situation existant actuellement au Kosovo, lesquelles sont de surcroît d’ordre essentiellement économique. Interrogé plus particulièrement sur les problèmes par lui rencontrés à Mitrovica, il a répondu que ce n’est pas tellement l’insécurité, mais surtout le manque de travail qui l’a poussé à quitter son pays d’origine, de même qu’il a déclaré y être venu au Luxembourg pour chercher un travail.

Force est dès lors de constater qu’au-delà de considérations générales et d’ordre économique relatives à la situation générale dans son pays d’origine, le demandeur n’a pas apporté le moindre élément concret et individuel susceptible de justifier une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef, ni n’a-t-il précisé en quoi sa situation particulière ait était telle qu’il pouvait avec raison craindre d’être exposé à un risque de persécution au sens de ladite Convention.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par:

M. Ravarani, président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17166
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;17166 ?

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