La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16850

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 16850


Numéro 16850 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16850 du rôle, déposée le 7 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité yougoslave...

Numéro 16850 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16850 du rôle, déposée le 7 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 21 mars 2003 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision implicite de rejet se dégageant du silence observé par le ministre face à son recours gracieux du 29 avril 2003;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 novembre 2003.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 25 février 2003, Madame …, préqualifiée, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Madame… fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame… fut entendue également en date du 5 mars 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame… par décision du 21 mars 2003, notifiée par courrier recommandé du 28 mars 2003, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’elle n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef. Le ministre a retenu plus particulièrement que la demande de Madame… ne répondrait à aucun des critères définis par la Convention de Genève et qu’elle se limiterait à un vague sentiment général d’insécurité, de sorte qu’elle serait susceptible d’être déclarée manifestement infondée et pourrait dès lors a fortiori être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Le recours gracieux formé par Madame… à travers un courrier de son mandataire du 29 avril 2003 n’ayant pas encore été rencontré par une décision ministérielle afférente, elle a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle expresse du 28 mars 2003 et de la décision implicite de rejet se dégageant du silence observé par rapport à son recours gracieux par requête déposée en date du 7 août 2003.

Par courrier du 21 août 2003, le ministre de la Justice rejeta le recours gracieux de Madame… et confirma dans son intégralité sa décision de rejet du 21 mars 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond dans le cadre du recours sous analyse. Etant donné que, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, un recours tendant à la seule annulation de la décision attaquée est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et des délais dans lesquels le recours doit être introduit, le recours en annulation sous analyse est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse, originaire du Kosovo, fait valoir qu’elle aurait été confrontée à de graves problèmes de coexistence avec les Albanais de sa région du fait qu’elle parlerait essentiellement le serbo-croate et presque pas la langue albanaise, de manière qu’elle pourrait valablement se prévaloir d’une peur des Albanais. Elle ajoute qu’elle aurait été victime d’exactions de la part d’une partie de la population albanaise et que différents rapports internationaux mettraient en évidence les difficultés auxquelles les membres des minorités ne parlant pas la langue albanaise seraient confrontés encore à l’heure actuelle. Elle reproche ainsi au ministre une appréciation erronée des faits au vu du risque pour elle de subir des actes de persécution en sa qualité de membre d’une minorité au Kosovo sans que les autorités ne soient en mesure d’y remédier.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition en date du 5 mars 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la demanderesse se prévaut essentiellement d’un sentiment général d’insécurité lié à la prétendue situation non sécurisée au Kosovo et de son appartenance à une minorité musulmane de langue serbo-croate, sans qu’elle ne fasse état d’un élément concret indiquant l’existence d’un risque concret de persécution dans son propre chef.

En outre, elle invoque comme seul élément personnel le fait que ce serait « un gars de Drenica qui m’a maltraité. Il voulait que je sorte avec lui. Il m’a maltraité verbalement en me demandant d’être sa fiancée ». Or, de tels faits ne se rattachent absolument pas à l’un des critères posés par la Convention de Genève, mais relèvent de la vie privée de la demanderesse.

A défaut par la demanderesse d’avoir ainsi soumis au tribunal des éléments de nature à énerver la légalité de l’appréciation de sa demande d’asile opérée par le ministre à travers la décision attaquée du 21 mars 2003, le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16850
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;16850 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award