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10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16741

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 16741


Numéro 16741 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juillet 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16741 du rôle, déposée le 21 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité ...

Numéro 16741 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juillet 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16741 du rôle, déposée le 21 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité arménienne et de citoyenneté géorgienne, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 15 avril 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 10 juin 2003 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 août 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 novembre 2003.

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Le 9 décembre 2002, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 13 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 15 avril 2003, notifiée le 22 avril 2003, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 22 mai 2003 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 10 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 15 avril 2003 et confirmative du 10 juin 2003 par requête déposée le 21 juillet 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, de nationalité arménienne et de citoyenneté géorgienne, expose qu’il aurait quitté la Géorgie en raison du fait qu’il aurait été victime de graves exactions de la part d’un certain … qui serait fonctionnaire de la milice et parent du président abkhaze ARTEMBA, de manière à bénéficier d’une « quasi-impunité ». Il relate notamment le viol de sa mère par le dit … et une tentative d’homicide sur la personne de son père qui n’aurait été que blessé. Le demandeur fait valoir que la milice ne serait pas intervenue suite au dépôt d’une plainte par ses soins, mais ferait plutôt preuve d’ « une particulière et anormale bienveillance » à l’égard des auteurs des agressions commises contre lui et sa famille. Sur base de ces éléments, le demandeur reproche au ministre une appréciation erronée des faits et de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées eu égard au risque de persécution auquel il se verrait exposé en cas de retour dans son pays d’origine et au défaut de protection de la part des autorités compétentes de son pays d’origine.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2003, v° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 13 janvier 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le demandeur se prévaut certes d’actes de persécution émanant essentiellement d’un personne occupant une certaine position au sein des forces de l’ordre de son pays d’origine et de l’indisposition de ces mêmes forces de l’ordre à entreprendre des démarches concrètes pour lui assurer une quelconque protection face à ces actes, mais reste cependant en défaut d’établir premièrement que ces actes trouvent leur origine dans l’un des motifs énoncés dans la Convention de Genève et deuxièmement un lien entre ces mêmes actes et le refus de protection avec l’un des motifs visés par la Convention de Genève. Dans la mesure où la preuve d’un tel lien causal constitue néanmoins une condition nécessaire pour la reconnaissance de l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, ces actes doivent être considérés comme relevant de la criminalité de droit commun.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16741
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;16741 ?

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