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10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16724

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 16724


Tribunal administratif N° 16724 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16724 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2003 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité jordanienne, demeurant à L-…, ten

dant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 o...

Tribunal administratif N° 16724 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16724 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2003 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité jordanienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 octobre 2002 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour étudiants, ainsi que d’une décision implicite de confirmation dudit ministre se dégageant de son silence observé pendant plus de trois mois par rapport au recours gracieux par lui introduit en date du 16 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 août 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2003 par Maître Claude DERBAL au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Claude DERBAL, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 novembre 2003.

Suite à l’introduction d’une demande d’autorisation de séjour pour étudiants, Monsieur … fut invité, moyennant un formulaire préimprimé intitulé « Autorisation de séjour provisoire pour étudiants », à produire les documents suivants renseignés sur ledit formulaire : une copie intégrale certifiée conforme du passeport, un certificat de (pré)inscription à l’Institut supérieur de technologie (IST), la preuve attestant un logement au pays, la prise en charge dûment authentifiée ou preuve des moyens d’existence personnels, une garantie bancaire d’un montant de 2.478,94 € en faveur du ministère de la Justice pour la durée d’un an, déposée auprès d’un institut financier agréé au Luxembourg.

Suite à l’introduction des documents requis, le ministre de la Justice accorda à Monsieur …, de nationalité jordanienne, une autorisation de séjour pour étudiants valable jusqu’au 30 septembre 2002 sous les précisions suivantes :

« Monsieur, J’ai l’honneur de vous informer que l’autorisation de séjour provisoire pour étudiants est accordée à Monsieur …, né le 27 mai 1978, de nationalité jordanienne, jusqu’au 30 septembre 2002.

Cette autorisation de séjour est uniquement prorogeable sur présentation d’un certificat d’inscription définitive à l’Institut Supérieur de Technologie pour l’année scolaire 2002/2003… ».

Le 16 octobre 2002, l’IST conféra à Monsieur … le statut d’étudiant libre.

Par une décision du 23 octobre 2002, le ministre de la Justice, s’adressant à l’IST, refusa l’octroi d’une autorisation de séjour à Monsieur … dans les termes suivants :

«Monsieur, En réponse à votre courrier du 14 octobre 2002, par lequel vous sollicitez une autorisation de séjour en faveur de Monsieur … , né le … , de nationalité jordanienne, j’ai le regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête, alors qu’une inscription à l’Institut Supérieur de Technologie en tant qu’étudiant libre n’est pas reconnue comme pouvant donner lieu à l’octroi d’une autorisation de séjour.

Par conséquent, l’intéressé est invité à quitter le pays sans délai.

Je vous prie de bien vouloir en aviser l’intéressé.

Je regrette de ne pouvoir réserver d’autres suites à cette affaire. … » Le 15 novembre 2002, l’IST conféra à Monsieur … le statut d’étudiant effectif aux études d’ingénieur industriel au département MECANIQUE pour l’année académique 2002/2003.

Le 16 janvier 2003, Monsieur … fit introduire, par l’intermédiaire de son avocat, un recours gracieux à l’encontre de cette décision du 23 octobre 2002 en se référant notamment à cette nouvelle attestation de l’IST lui conférant le statut d’étudiant effectif, pour soutenir qu’il devrait désormais bénéficier de la prorogation de son autorisation de séjour.

Le recours gracieux restant étant resté sans suite, Monsieur … a fait introduire par requête déposée en date du 25 août 2003 un recours en annulation, sinon en réformation contre la décision ministérielle de refus du 23 octobre 2002 et contre la décision implicite de refus suite au silence gardé pendant plus de trois mois après l’introduction du recours gracieux.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucun recours en réformation n’étant prévu dans la présente matière, le tribunal est incompétent pour analyser le recours ainsi introduit.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que le ministre de la Justice se serait fixé lui-même des instructions établies en exécution de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, qui seraient d’application à partir du 1er septembre 1998 et qui auraient donné lieu à l’élaboration d’un formulaire préimprimé intitulé « Autorisation de séjour provisoire pour étudiants ». Il fait valoir qu’au vu du fait qu’il remplirait toutes les conditions y posées, il serait en droit de bénéficier d’une prorogation de son autorisation de séjour. Il ajoute qu’en plus le ministre de la Justice se serait engagé à travers sa décision ministérielle du 8 juillet 2002, à proroger son autorisation de séjour provisoire « sur présentation d’un certificat d’inscription définitive à l’IST », de sorte que les décisions négatives actuelles heurteraient son droit acquis à prorogation lui conféré par la décision du 8 juillet 2002.

En deuxième lieu, il soutient que la décision de refus violerait le principe de confiance légitime, le principe d’égalité de tous devant la loi et le principe de non-

discrimination, en ce qu’il serait traité différemment que d’autres étudiants étrangers se trouvant dans une situation identique à la sienne, lesquels auraient obtenu une autorisation de séjour conformément aux instructions ministérielles élaborées.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement précise que par un courrier du 17 septembre 2002, l’oncle du demandeur, Monsieur …, aurait renoncé à la prise en charge de Monsieur …. Le demandeur aurait lui-même sollicité une « prolongation de son visa » afin de lui permettre de s’inscrire dans une école luxembourgeoise spécialisée en mathématiques. Dans un rapport du 23 janvier 2003, la police de Dudelange aurait informé le ministre que l’exécution de l’éloignement de Monsieur … en application de la décision du 23 octobre 2002, s’était avéré impossible, étant donné que Monsieur … séjournerait chez une copine à Luxembourg-

ville, à adresse inconnue. Le 23 mai 2003, la DEXIA Banque internationale à Luxembourg aurait informé le ministère que la garantie bancaire déposée en faveur du ministère de la Justice aurait été annulée. Le 30 mai 2003, le ministère de la Justice aurait demandé au mandataire de Monsieur … de déposer une nouvelle garantie bancaire. En date du 2 juillet 2003, une nouvelle décision de refus d’autorisation de séjour et un arrêté de refus d’entrée et de séjour auraient été pris.

Le délégué du Gouvernement fait valoir qu’au vu des faits ainsi présentés, le ministre aurait été en droit, par application de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, de refuser l’autorisation de séjour pour manque de moyens personnels suffisants à Monsieur …. Quant au deuxième moyen présenté par le demandeur, il demande de l’écarter pour cause d’imprécision et pour cause d’inexactitude des faits présentés.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur … prétend que le ministre de la Justice, suite à l’introduction du recours gracieux, aurait dû prendre une décision dans un délai de trois mois, de sorte qu’il aurait été forclos à prendre les deux décisions en date du 2 juillet 2003 lesquelles seraient nulles. En ce qui concerne la motivation de la décision du 2 juillet 2003 lui refusant l’autorisation de séjour, il fait valoir que le ministre ne saurait remplacer en cours d’instance la motivation juridique déficiente de l’acte administratif entrepris par une autre motivation, d’autant plus que la motivation avancée ne serait pas d’application, étant donné que la situation juridique d’un étudiant étranger serait régie par les instructions ministérielles du 28 août 1998.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du Gouvernement avance qu’il n’existerait aucun texte légal selon lequel le ministre de la Justice serait tenu de prendre une décision dans un délai imparti après l’introduction d’un recours gracieux.

Il ajoute que l’administration peut compléter en cours de procédure contentieuse les motifs invoqués et qu’il appartiendrait au tribunal d’en tenir compte d’autant plus que le motif avancé justifierait légalement la décision prise, même si la décision en elle-

même ne mentionne pas explicitement ce motif. Il rappelle que le tribunal ne saurait en aucune façon, dans le cadre du présent litige, se prononcer sur la nullité invoquée des décisions prises en date du 2 juillet 2003.

Etant saisi d’un recours contre la décision ministérielle de refus du ministre de la justice du 23 octobre 2002 et de celle, implicite, confirmative se dégageant du silence gardé pendant plus de trois mois suite à l’introduction du recours gracieux, le tribunal limite son contrôle de légalité aux décisions litigieuses lui soumises, les décisions prises en date du 2 juillet 2003 par le ministre de la Justice ne faisant pas l’objet du présent litige.

Le tribunal se place à la date d’introduction du recours en annulation, à savoir en l’espèce au 16 juillet 2003, pour analyser le bien-fondé d’une décision implicite de refus dont l’annulation est requise. (cf. trib. adm. 12 novembre 2001, n° 13757 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, 2. Pouvoir du juge n° 15, p. 585). Il est appelé à contrôler également les motifs complémentaires lui soumis par la partie ayant pris la décision déférée en cours de procédure contentieuse par le délégué du Gouvernement (cf. trib. adm. 15 avril 1997, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, II. Pouvoir du juge, n° 17, p. 585).

Il résulte des pièces versées en cause que :

- le 17 septembre 2002, Monsieur … a renoncé à la déclaration de prise en charge qu’il avait signé le 12 avril 2002 pour le compte de Monsieur … ;

- le 23 mai 2003, la DEXIA Banque internationale à Luxembourg a informé le ministère de la Justice qu’elle a annulé la garantie bancaire d’un montant de 2.478, 94 € en sa faveur bloquée dans le cadre de l’autorisation de séjour accordée à Monsieur … ;

- le 30 mai 2003, le ministère de la Justice s’est adressé à Maître Claude DERBAL en lui demandant de lui faire parvenir, avant tout autre progrès en cause, la prolongation de la garantie bancaire d’un montant de 2.200 € ;

- ce courrier est resté sans suite.

Etant donné que la légalité de la décision implicite de refus s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour de l’introduction du recours, il y a lieu de considérer les faits tels qu’ils sont présentés ci-dessus, tous établis par les pièces versées au dossier administratif.

En ce qui concerne la situation de droit, l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 constitue la base légale sous-jacente à la décision litigieuse. L’article 2 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger: … - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Le ministre dispose d’un pouvoir d’appréciation dans chaque cas d’espèce pour déterminer si la condition des moyens personnels suffisants est remplie et si elle justifie l’octroi ou le refus de l’entrée et du séjour au Grand-Duché de Luxembourg (cf Cour administrative, 12 novembre 2002, n°15102 C, non encore publié).

Il est constant à partir des pièces versées au dossier que le ministre a élaboré des lignes de conduite internes en matière d’octroi d’une autorisation de séjour à des étudiants ressortissants d’Etats tiers non-membres de l’UE et de l’EEE souhaitant poursuivre des études au Grand-Duché de Luxembourg en déterminant notamment les garanties requises dans leur chef en vue d’assurer qu’ils peuvent supporter les frais de voyage et de séjour au pays pendant la période concernée, étant entendu que par essence, des étudiants ne sont en principe pas censés se livrer à des activités rémunérées (cf. Trib. adm. 16 juin 2003, non-appelé, n°15789 du rôle, sous http://www.etat.lu:9090/jugements).

A ce titre, le formulaire préimprimé intitulé « Autorisation de séjour provisoire pour étudiants » renseigne comme documents à produire la « prise en charge dûment authentifiée ou preuve des moyens d’existence personnels » et la « garantie bancaire d’un montant de 2.478,94 € en faveur du ministère de la Justice pour la durée d’un an, déposé auprès d’un institut financier agréé au Luxembourg ».

Ces lignes de conduite ne se heurtent pas à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 et s’inscrivent donc dans le cadre légal en la matière en se limitant à préciser le contenu de la condition des « moyens personnels suffisants » au contexte particulier des autorisations de séjour à accorder à des étudiants ressortissant d’Etat tiers non membres de l’UE et de l’EEE, lesquels ne sont en principe pas censés se livrer à des activités rémunérées et lesquels, vu leur jeune âge ou leur situation sociale, ne disposent pas encore de moyens personnels suffisants pour subvenir à leur besoin.

C’est dès lors à bon droit que le ministre de la Justice, au moment du réexamen du dossier suite à l’introduction du recours gracieux, vérifie si toutes les conditions pour obtenir une autorisation de séjour dans le chef de Monsieur … sont toujours remplies, et plus spécialement celle ayant trait aux moyens personnels suffisants.

Etant donné qu’il est établi en l’espèce que Monsieur … a renoncé à la prise en charge en faveur de Monsieur …, que la garantie bancaire au profit du ministère de la Justice a été annulée et qu’aucune nouvelle garantie bancaire n’a été déposée, malgré invitation afférente du ministre, et que le demandeur ne verse aucune autre pièce permettant de retenir qu’il disposerait lui-même de moyens personnels suffisants pour subvenir à ses besoins, c’est dès lors également à bon droit que le ministre a pu retenir que Monsieur … ne dispose pas de moyens personnels suffisants et lui refuser, au moment du réexamen de l’affaire, l’autorisation de séjour requise sur base de ce seul motif.

Etant donné que la décision déférée du ministre de la Justice se justifie par ce seul motif, l’analyse de l’autre motif de refus devient surabondant, d’autant plus qu’au moment du réexamen de l’affaire les faits sous-jacents à ce motif ne sont plus vérifiés.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le ministre de la Justice, au vu des faits tels qu’ils se présentaient au moment du réexamen du dossier, a pu prendre la décision actuellement litigieuse, de sorte que le recours introduit contre celle-ci est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais, Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16724
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;16724 ?

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