La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16619

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 16619


Numéro 16619 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16619 du rôle, déposée le 24 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Véronique DE MEESTER, avocat à la Cour, assistée de Maître Guillaume TRYHOEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …

, né le …, de nationalité algérienne, demeurant à L- …, tendant à la réformation d’une ...

Numéro 16619 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16619 du rôle, déposée le 24 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Véronique DE MEESTER, avocat à la Cour, assistée de Maître Guillaume TRYHOEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité algérienne, demeurant à L- …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 21 mars 2003 et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 30 mai 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondéE;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Guillaume TRYHOEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er décembre 2003.

Le 20 décembre 2002, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur… fut entendu en date du 20 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur… par décision du 21 mars 2003, envoyée par courrier recommandé le 28 mars 2003, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif que ses craintes ne seraient plus d’actualité, qu’elles seraient imprécises et qu’il invoquerait surtout un climat général d’insécurité, de sorte qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 29 avril 2003 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 21 août 2003, Monsieur… a fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles de refus du 21 mars 2003 et du 21 août 2003 prévisées.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir basé sa décision sur un examen superficiel des faits, qu’il n’aurait pas pris en considération ses craintes réelles de persécution, ni examiné objectivement la situation générale dans son pays d’origine. Il fait valoir que malgré le fait qu’il a quitté son pays il y a 14 ans, le climat de violence générale toujours d’actualité en Algérie justifierait, d’un côté, la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. D’un autre côté, il faudrait également tenir compte de sa situation concrète et individuelle laquelle ferait apparaître un danger pour sa personne. Il expose que n’ayant plus de contacts familiaux depuis 14 ans il ne pourrait savoir si sa proche famille est encore en vie ou si elle a été victime du conflit qui ravage le pays, de sorte qu’en cas de retour dans son pays, il ne disposerait plus d’aucun repère par rapport à ce qu’il a connu de son pays avant son départ. Il ajoute qu’un retour en Algérie ferait de lui-même une victime aisée car sans appui et sans expérience de la tragédie en cours, la famille et les liens d’amitié de longue date étant les seuls moyens pour survivre dans un tel environnement. Il conclut qu’au vu de l’ensemble de ces éléments il serait clairement établi que la situation dans laquelle se trouve l’Algérie ne serait guère stable d’autant plus que la guerre civile serait encore présente et que compte tenu de sa situation personnelle et particulière il pourrait faire valoir des craintes raisonnables et justifiées de persécution au sens de la Convention de Genève pesant sur lui et ceci peu importe l’endroit où il serait susceptible de s’établir en Algérie.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Etant donné que Monsieur… a quitté son pays natal, à savoir l’Algérie, il y environ 14 ou 15 ans, que depuis lors il a toujours séjourné irrégulièrement dans différents pays d’Europe sans cependant y déposer une demande d’asile et qu’à la question « pour quelle raison avez-vous quitté votre pays d’origine ou de provenance ? », , lui posée dans le cadre de son audition, il a répondu, « il y a la guerre civile et donc beaucoup de problèmes en Algérie. Par exemple, quand on travaillait, on gagnait mal sa vie. En 1991 il y avait des problèmes ; il y a eu 62 manifestations en un an », c’est à bon droit que le ministre de la Justice lui a refusé le statut de réfugié. En effet, le demandeur invoque la situation économique précaire de l’Algérie, le manque de travail ayant pour corollaire un taux de chômage élevé, c’est-à-dire des motifs économiques lesquels ne sauraient être retenus pour fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Quant au motif invoqué que son départ datant déjà de 14 ans l’aurait coupé de ses liens avec son pays et compromettrait sa réinsertion, c’est à bon droit que le délégué du Gouvernement relève que le ministre de la Justice n’est pas responsable de son éloignement de son pays d’origine et que le relâchement des liens d’un demandeur d’asile avec son pays d’origine ne saurait être constitutif d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, d’autant plus lorsque ce relâchement est dû au seul fait du demandeur d’asile lui-même.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par :

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16619
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;16619 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award