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10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16593

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 16593


Tribunal administratif N° 16593 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16593 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-â€

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Tribunal administratif N° 16593 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16593 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 7 avril 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi qu’une décision confirmative du même ministre du 22 mai 2003 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif du 14 novembre 2003 par Maître François MOYSE pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 novembre 2003.

En date du 27 décembre 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut ensuite entendu en date du 12 février 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 7 avril 2003, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 8 avril 2003, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il résulterait de son récit qu’il éprouverait surtout un sentiment général d’insécurité qui ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et que le Kosovo, pour un Albanais, ne saurait en règle générale être considéré comme un territoire où des risques de persécution seraient à craindre.

Par courrier de son mandataire datant du 5 mai 2003, Monsieur … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 7 avril 2003.

Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 22 mai 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des prédites décisions des 7 avril et 22 mai 2003 par requête déposée en date du 19 juin 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre les décisions ministérielles déférées.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il serait originaire du Kosovo, qu’il se serait converti de la religion musulmane à la religion catholique le 28 décembre 2001, que pendant la guerre du Kosovo il aurait été emprisonné du 22 au 29 mai 1999 et que pendant ce temps il aurait été maltraité par la police yougoslave. Il expose que suite à sa conversion au christianisme, il aurait constamment été victime d’actes de répression de la part d’une grande partie de la population qui lui aurait dorénavant été hostile, que dans ce contexte, en janvier 2002, des étudiants de sa faculté auraient commencé à le frapper au point qu’il se serait évanoui, que souvent des enfants auraient jeté des pierres contre lui et que d’autres gens l’auraient menacé afin qu’il quitte le pays. Il relève en outre que les autorités kosovares auraient refusé de l’aider à cause de sa religion et qu’en l’absence de toute protection contre les agressions dont il aurait fait l’objet, il aurait finalement décidé de quitter le Kosovo.

Le demandeur critique la décision litigieuse d’abord pour défaut de motivation valable alors qu’elle serait inexacte et trop flou pour répondre aux exigences légales et réglementaires en la matière.

Il relève ainsi que le ministre aurait principalement basé sa décision de refus sur des faits qui n’auraient pas fait partie de sa demande d’asile en rapport notamment avec sa qualité de simple membre du parti politique de Monsieur Ibrahim RUGOVA. A titre subsidiaire, il reproche au ministre de ne pas avoir considéré à leur juste valeur les faits par lui relatés en ce qu’il estime avoir établi à suffisance appartenir à la religion catholique, ainsi que d’avoir subi un certain nombre de persécutions en raison précisément de sa confession. Quant à l’absence de protection lui accordée dans son pays d’origine, il relève qu’il ne lui aurait pas été possible de présenter des pièces afférentes, mais que les autorités lui auraient suffisamment fait comprendre qu’elles ne l’assisteraient pas, du fait de sa conviction religieuse, et que toute plainte mènerait à des problèmes plus sévères encore.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Le reproche tiré d’une absence de motivation, voire d’une motivation insuffisante est en l’espèce à abjuger, étant donné que la décision déférée indique de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels l’administration s’est basé pour justifier sa décision, ces motifs ayant ainsi été portés à suffisance de droit à la connaissance du demandeur.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 11, p. 591).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 12 février 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il convient de prime abord de rappeler qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-

fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile. En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

Il convient d’ajouter que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence et qu’une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel entraînant qu’il ne saurait en être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p.113, nos. 73-s).

En l’espèce, le demandeur fait état de sa crainte de voir commettre des actes de violence à son encontre en raison de sa confession, mais ne démontre point que les autorités en place seraient incapables de lui assurer un niveau de protection suffisant. En effet, même à admettre que la motivation des personnes privées ayant commis les actes de persécutions allégués est susceptible d’avoir trait à sa confession, il n’en demeure cependant pas moins que ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais que l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée. A cet égard, les déclarations du demandeur restent trop vagues pour conclure à un défaut caractérisé de protection.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissance du statut de réfugié, de sorte que le recours sur analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16593
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;16593 ?

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