La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16590

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 16590


Tribunal administratif N° 16590 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16590 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- â€

¦ , tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision...

Tribunal administratif N° 16590 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16590 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 22 mai 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2003 par Maître François MOYSE pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 novembre 2003.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 28 janvier 2003, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur… fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut ensuite entendu en date du 18 février 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 22 mai 2003, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 26 mai 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée au motif qu’il résulterait de ses dires qu’il éprouverait surtout un sentiment général d’insécurité qui ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par requête déposée en date du 19 juin 2003, Monsieur… a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 22 mai 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre les décisions ministérielles déférées.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il serait originaire du Kosovo et qu’il aurait été membre actif du parti politique LDK pendant une longue période, ce qui lui aurait valu des menaces et des agressions telles qu’il aurait dû quitter hâtivement son pays. Il reproche au ministre de la Justice de ne pas avoir tenu compte de sa situation individuelle et d’avoir motivé sa décision de rejet de manière imprécise et généralisée, sans que les circonstances exactes n’aient été analysées.

Il se réfère en outre à ses déclarations telles que renseignées dans le rapport d’audition figurant au dossier pour soutenir qu’en tant que membre actif du parti politique LDK il aurait eu la responsabilité de la propagation des idées politiques pour une région entière et que ce serait dès lors à tort que le ministre a retenu qu’il n’aurait pas revêtu de position particulièrement exposée au sein de son parti.

Il estime qu’au vu de la gravité des attaques et des menaces dont il aurait fait l’objet, ensemble avec sa famille, il rentrerait dans les prévisions de la Convention de Genève et il reproche à cet égard au ministre d’avoir retenu que ces menaces n’auraient pas été sérieuses, banalisant ainsi sa situation pourtant critique. Il estime en outre que le fait que le LDK est un des plus grands partis de la région ne serait pas susceptible de lui valoir une protection efficace contre les ennemis de ce parti. Il signale en effet être recherché dans son pays d’origine non seulement à cause de ses opinions politiques, mais également du fait qu’il n’aurait pas donné suite à son appel à la réserve militaire. Quant à la situation générale au Kosovo, elle serait loin d’être stabilisée à l’heure actuelle.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 18 février 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il convient de prime abord de rappeler qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-

fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile. En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

Il convient d’ajouter que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence et qu’une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, entraînant qu’il ne saurait en être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p.113, nos. 73-s).

En l’espèce, force est de constater que le récit du demandeur traduit en substance l’expression d’un sentiment général d’insécurité par rapport à la situation dans sa région d’origine, sans que le demandeur n’ait établi à suffisance un défaut de protection de la part des autorités en place. Il se dégage en effet de ses déclarations qu’il a pu porter plainte auprès de la police et que l’absence de résultats tangibles afférents est due non pas à ses activités politiques ou autres, mais à l’insuffisance des indices que le demandeur a pu fournir, cette hypothèse étant fréquente en la matière, indépendamment du pays où des infractions pénales sont commises.

Au vu du dossier tel que soumis en cause, il y a dès lors lieu de conclure que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16590
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;16590 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award