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10/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16118

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2003, 16118


Tribunal administratif N° 16118 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16118 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2003 par Maître

Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif N° 16118 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2003 Audience publique du 10 décembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16118 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2003 par Maître Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, actuellement en détention préventive au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 20 décembre 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2003 par Maître PISANA au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport ainsi que Maître Claudie PISANA et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 13 octobre et 1er décembre 2003.

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Par décision du 20 décembre 2002, signée par des représentants des ministres du Travail et de la Justice, Monsieur … se vit refuser l’autorisation de séjour qu’il avait sollicité le 6 juin 2001, au motif qu’il serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics. La même décision l’invita à quitter le territoire du Grand-Duché de Luxembourg dans le délai d’un mois.

Par requête déposée le 13 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 20 décembre 2002.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que l’instruction pénale serait toujours pendante et que par voie de conséquence, aucune condamnation n’ayant encore été prononcée à son encontre, il devrait bénéficier du principe général de la présomption d’innocence. Il conclut partant à l’annulation de la décision litigieuse pour défaut d’être fondée sur un motif légalement admissible.

Dans son mémoire en réponse le délégué du Gouvernement fait valoir que si une condamnation pénale ne justifie pas de plein droit une mesure de police à l’égard d’un étranger condamné, l’absence de condamnation ne l’exclurait pas non plus en soi, de sorte que le ministre aurait valablement pu se baser sur le dossier administratif de Monsieur … pour estimer que celui-ci constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics. Il se réfère plus particulièrement au rapport de la police grand-ducale du 28 mars 2003 pour soutenir qu’il serait établi que Monsieur … était membre d’une organisation criminelle active dans la vente de cocaïne, ce qui justifierait pleinement la décision ministérielle déférée.

Dans son mémoire en réplique le demandeur relève que les faits ainsi dégagés à partir du dossier répressif ne pourraient être considérés comme étant acquis tant qu’une décision définitive n’est pas tombée et que les seuls faits qui pourraient être considérés comme étant acquis seraient ceux qui ont été et sont admis par le requérant, à savoir des achats pour compte commun de drogues en vue de leur consommation conviviale. Il fait valoir que si un tel comportement est certes peu recommandable, il ne serait pas pour autant suffisant pour dégager à lui seul un danger pour l’ordre ou la sécurité publics, alors qu’il aurait seulement aidé des adultes consentants à se procurer de la drogue. Il relève en outre que le comportement ainsi mis en avant aurait cessé déjà avant son arrestation et que l’affirmation qu’il aurait été membre d’une organisation criminelle resterait jusqu’à présent à l’état de pure allégation, de manière à ne pas pouvoir être utilement retenue à la base d’une présomption de dangerosité dans son chef.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, de sorte que le recours en annulation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Il résulte de l’article 2 précité que le ministre de la Justice peut refuser l’autorisation de séjour, entre autres, à l’étranger qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics.

A l’appui de son recours le demandeur se prévaut de la violation de la présomption d’innocence par rapport à des faits délictueux lui reprochés, mais non constatés par un jugement pénal définitif.

A partir des précisions apportées en cause à l’audience publique du 1er décembre 2003 par le mandataire du demandeur, il est constant que celui-ci a entre-temps fait l’objet d’une condamnation pénale à 8 ans de prison dont une année avec sursis, mais qu’il entend relever appel de ce jugement pénal.

Au-delà de toute considération tenant au fait que ledit jugement n’est pas encore à considérer comme étant définitif, il y a lieu de relever que si c’est certes à juste titre qu’un étranger, qui a fait l’objet d’un procès-verbal lui imputant des faits constitutifs d’infractions, insiste sur son droit de bénéficier à ce stade de la procédure pénale de la présomption d’innocence, il n’en demeure cependant pas moins que le ministre de la Justice, appelé à apprécier dans le cadre de sa propre sphère de compétence le comportement global dans le chef de l’étranger, peut valablement se référer à des faits à la base d’une instruction pénale, voire d’une condamnation pénale non encore coulée en force de chose jugée, ceci au titre d’indices permettant d’apprécier le comportement global de la personne concernée, étant donné qu’une telle décision ne porte pas sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale, même si elle se fonde sur des faits qui sont susceptibles d’être poursuivis pénalement.

Ainsi, lorsqu’un étranger est en séjour irrégulier au Luxembourg et si des accusations suffisamment graves sont portées à son encontre, le ministre de la Justice peut valablement considérer, dans le cadre et conformément aux conditions posées par la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, que l’étranger en question est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics (cf. trib. adm. 26 juin 2002, n° 14487 du rôle, Pas.

adm. 2003, V° Etrangers, n° 181 et autres références y citées, p. 220).

Il y a lieu de relever en outre que si la vérification à laquelle le tribunal, statuant par rapport à un recours en annulation, est amené à se livrer peut certes s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, cette possibilité est cependant limitée aux cas où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité, sans que le contrôle juridictionnel ne puisse aboutir à priver l’autorité administrative de son pouvoir d’appréciation sur la nature et la gravité de la mesure qu’il lui incombe de prendre, lorsque celle-ci est par ailleurs légale, étant entendu que ce pouvoir d’appréciation doit rester suffisamment large pour permettre à l’autorité administrative d’exprimer un degré de sévérité ou de clémence variable en fonction de la nature et de la gravité des faits.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le demandeur s’est livré de manière répétée au commerce de la drogue, fût-ce, tel que par lui soutenu, uniquement en vue de sa consommation « conviviale » par des adultes consentants, sans que le dossier tel que soumis en cause ne permette pour autant d’établir à suffisance que ce comportement, dangereux en son principe pour l’ordre ou la sécurité publics, ait effectivement cessé et que toute susceptibilité dans le chef du demandeur de constituer à l’avenir un danger pour l’ordre ou la sécurité publics soit enrayée, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a pu prendre la décision litigieuse..

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2003 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16118
Date de la décision : 10/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-10;16118 ?

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