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08/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16804

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 décembre 2003, 16804


Tribunal administratif N° 16804 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2003 Audience publique du 8décembre 2003 Recours formé Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16804 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 juillet 2003 par Maître Danièle WAGNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, assistée de Maître Paul WINANDY, avocat à la Cour, inscrit au tabl

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Tribunal administratif N° 16804 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2003 Audience publique du 8décembre 2003 Recours formé Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16804 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 juillet 2003 par Maître Danièle WAGNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, assistée de Maître Paul WINANDY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions du ministre de l’Environnement du 24 février 2003 et, sur recours gracieux, du 5 mai 2003 portant rejet de sa demande d’autorisation du 9 février 2002 concernant le sous-sol d’un abri de jardin situé sur une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Diekirch, section A du chef-lieu, au lieu-dit « … » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées au dossier notamment les décisions ministérielles déférées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Martine REITER, en remplacement de Maîtres Danièle WAGNER et Paul WINANDY, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 novembre 2003.

Vu la visite des lieux en date du 28 novembre 2003 à l’issue de laquelle l’affaire a été prise en délibéré.

Considérant que suivant décision du 27 septembre 2000 du ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire de l’Etat audit ministère, Monsieur … s’est vu conférer en vertu de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et les ressources naturelles l’autorisation par lui sollicitée de procéder à l’aménagement d’un mur et d’un chemin d’accès, à la stabilisation de la berge et au remplacement d’un abri de jardin existant sur un fonds sis à Diekirch, inscrit au cadastre de la commune de Diekirch, section A du chef lieu au lieu-dit « … » sous le numéro 2896/5024 aux conditions suivantes :

« 1. Le mur servant à stabiliser la berge sera érigé sur la parcelle cadastrale n° 2896/5024 de la section A de Diekirch, commune de Diekirch de façon à ne pas rétrécir le chemin rural dit « … ».

2. La consolidation de la berge respectivement du chemin d’accès d’une largeur de 2 mètres jusqu’à l’emplacement de l’abri existant sera réalisée uniquement à l’aide de matériaux terreux et pierreux naturels.

3. L’emploi de béton pour la construction du chemin est interdit.

4. L’abri de jardin sera érigé sur la parcelle cadastrale n° 2896/5024 de la section A de Diekirch de la commune de Diekirch et ne dépassera pas les dimensions de 3,00 m x 4,00 m comme base.

5. La construction ne pourra servir à l’habitation humaine, même occasionnelle et ne pourra pas être équipée à cette fin.

6. La construction sera réalisée en bois et placée sur le sol nu, sans dalle en béton.

L’utilisation de socles en béton est interdite. Aux parties extérieures ne pourront être appliquées que des couleurs foncées, non reluisantes, adaptées au paysage, le revêtement en PVC et en amiante ciment est interdit.

7. Aucune eau usée, ni de l’huile ou d’autres matières polluantes susceptibles de polluer l’eau ou le sol ne seront déversées.

8. La présente autorisation expire et la construction sera enlevée dès que l’exploitation jardinière aura cessé. Toute affectation de la construction à des fins autres que jardinières est interdite. » Que le 9 février 2002 Monsieur … s’est derechef adressé au ministre de l’Environnement en ces termes :

«Monsieur le Ministre, Par décision du 27 septembre 2000 (Réf. 52263-8 GW/yd-copie jointe en annexe) vous m’avez autorisé à ériger sur ma propriété sise à Diekirch au lieu-dit … un abri de jardin.

Etant donné que l’abri en question est situé en pente, j’ai aménagé deux pièces superposées, dont la pièce inférieure est enfouie partiellement dans le sol. La pièce supérieure constitue l’abri de jardin proprement dit.

Vu que je suis depuis de nombreuses années un apiculteur actif, j’ai aménagé dans cette pièce inférieure un local destiné uniquement à l’apiculture.

Je vous prie par conséquence de bien vouloir m’autoriser à maintenir dans l’abri de jardin sus-mentionné un local destiné exclusivement à l’apiculture avec les installations nécessaires à l’exercice de cette activité. Veuillez agréer,… » Qu’en date du 14 mars 2002 le préposé forestier du triage de Diekirch retint qu’au regard du non-respect de la condition numéro 5 de l’autorisation ministérielle prérelatée du 27 septembre 2000 « je ne m’habilite pas à donner une suite favorable au dossier » ;

Que le chef de l’arrondissement Centre de la Conservation de la Nature de l’Administration des Eaux et Forêts émit à son tour un avis défavorable en date du 27 janvier 2003, eu égard au fait que selon lui les conditions 2, 5 et 6 de l’autorisation ministérielle précitée du 27 septembre 2000 ne seraient pas respectées ;

Que par décision du 24 février 2003, le ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire de l’Etat audit ministère, déclara ne pas être disposé à amender son autorisation du 27 septembre 2000 dans le sens voulu au motif qu’ « il résulte de l’avis de l’administration des Eaux et Forêts qu’un certain nombre de conditions relevées dans cette autorisation n’ont pas été respectées.

Je vous enjoins dès lors à vous y conformer dans un délai de deux mois en enlevant les constructions illégales (soubassement, bâtiment sanitaire, etc.).

La présente décision est susceptible d’un recours en réformation devant le tribunal administratif, recours qui doit être intenté dans les trois mois de la notification par requête signée d’un avocat. » Que par courrier de son mandataire du 8 avril 2003, Monsieur … fit introduire un recours gracieux contre l’arrêté ministériel prévisé du 24 février 2003 en insistant sur sa qualité d’apiculteur depuis longue date et la destination de la partie inférieure de l’abri à la conservation et au dépôt des objets et installations d’apiculture ;

Que suivant décision du 5 mai 2003, le secrétaire d’Etat au ministère de l’Environnement exprima le maintien de son refus antérieur au motif qu’aucun élément nouveau ne plaiderait en faveur d’une décision autre que celle prise le 24 février 2003 ;

Considérant que la requête déposée en date du 31 juillet 2003, Monsieur … fit introduire un recours contre les deux décisions ministérielles de refus des 24 février et 5 mai 2003 précitées en en sollicitant principalement la réformation et subsidiairement l’annulation ;

Considérant que l’Etat se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et délai ;

Considérant qu’à travers son article 38, la loi modifiée du 11 août 1982 précitée prévoit un recours de pleine juridiction à l’encontre d’une décision prise par le ministre compétent en vertu de ladite loi ;

Que le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours ayant été introduit suivant les formes et délai prévues par la loi, il est recevable à l’encontre des deux décisions ministérielles déférées ;

Considérant qu’au fond la partie demanderesse fait valoir que l’abri par elle érigé ne serait pas destiné à l’habitation, mais que la partie supérieure serait utilisée comme abri de jardin et la partie inférieure en tant que local d’apiculture ;

Que la construction pour laquelle la modification de l’autorisation du 27 septembre 2000 serait demandée s’intégrerait parfaitement dans le paysage, alors que le propriétaire n’aurait utilisé que des matériaux naturels ;

Que dès lors, d’un côté, la destination de l’abri et la construction afférente seraient conformes aux dispositions de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée, tandis que, de l’autre, l’abri ne porterait pas préjudice à la beauté du paysage et ne constituerait aucun danger pour l’environnement et les ressources naturelles ;

Qu’il existerait dans les alentours plusieurs constructions délabrées, lesquelles, contrairement à celle édifiée par le demandeur, seraient inesthétiques et ne s’intégreraient point au paysage ;

Considérant que le délégué du Gouvernement fait valoir que les constructions en zone verte seraient soumises, à travers la loi modifiée du 11 août 1982, à un double test en ce que tout d’abord les activités y exercées devraient rentrer parmi celles admises par l’article 2, alinéa 2 de ladite loi ;

Que l’octroi d’une autorisation de construire ministérielle serait partant conditionnée en premier lieu par la fonction que la construction projetée aurait vocation à remplir ;

Que ce ne serait qu’en second lieu et alors même que la construction aurait satisfait au premier test spécifique, que son autorisabilité dépendrait encore du test général de ne pas porter atteinte au paysage et de ne pas constituer un danger pour la conservation du milieu naturel ;

Qu’au niveau de la destination le représentant étatique de faire valoir que la construction pour laquelle l’autorisation est sollicitée ne serait pas, de par sa nature, limitée à une exploitation apicole ou à un abri de jardin, mais qu’en raison d’une douche et d’un local sanitaire, de même que compte tenu de la largeur du chemin d’accès, elle répondrait plutôt à une vocation d’habitation humaine, même si celle-ci ne serait que passagère ;

Qu’en l’espèce il se poserait encore la question de savoir si la construction litigieuse peut être considérée comme construction existante, étant donné que la construction en place ne répondrait pas en tous points à l’autorisation ministérielle initiale du 27 septembre 2000 ;

Qu’en raison de la pratique du fait accompli opérée par le demandeur, celui-ci ne saurait tirer profit des dispositions légales en matière de transformation de constructions existantes, de sorte que l’on se situerait dans le cadre d’une nouvelle autorisation ministérielle, étant donné qu’admettre le contraire reviendrait à violer tant l’esprit que la finalité de la loi ;

Considérant qu’au fond il convient préliminairement de délimiter l’assiette de la demande d’autorisation de Monsieur … du 9 février 2002 à la base des décisions ministérielles déférées, dont elle conditionne directement la portée ;

Considérant qu’à travers sa demande du 9 février 2002 prérelatée Monsieur … a prié l’autorité de décision compétente de bien vouloir l’ « autoriser à maintenir dans l’abri de jardin susmentionné un local destiné exclusivement à l’apiculture avec des installations nécessaires à l’exercice de cette activité » ;

Considérant qu’il se dégage du libellé même de la demande, ensemble les constatations de fait que le tribunal a pu faire lors de la visite des lieux du 28 novembre 2003, que la demande, telle que formulée, porte sur le local situé au sous-sol de l’abri de jardin autorisé à travers la décision ministérielle précitée du 28 septembre 2000 et comporte parmi les installations nécessaires visées à la demande également les raccordements à l’électricité, à la distribution d’eau ainsi qu’à la canalisation entre-temps effectués concernant ledit sous-sol ;

Qu’il appert que le tribunal n’est actuellement pas saisi des autres volets construits sur place couverts ni par l’autorisation du 27 septembre 2000, ni par la demande du 9 février 2002, à savoir notamment le cabanon avec WC, y compris sa connexion à la conduite d’eau et à la canalisation, construit à côté de l’abri de jardin, les connexions à l’électricité et à la conduite d’eau ainsi qu’à la canalisation au-delà de ce qui concerne le local du sous-sol, ainsi que l’adoption de dimensions plus étendues pour l’abri du jardin que celles effectivement autorisées ;

Considérant que l’assiette de la demande d’autorisation, conditionnant celle des décisions ministérielles de refus déférées, étant délimitée, il convient d’analyser si en l’espèce l’autorité ministérielle a été amenée à statuer par apport à une construction existante au sens de l’article 7 de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée ;

Considérant que l’article 7 dispose en son alinéa 3 que « les constructions existantes dans la zone verte ne peuvent être modifiées extérieurement, agrandies ou reconstruites qu’avec l’autorisation du ministre » ;

Considérant que si la construction existante aux termes de l’article 7 en question vise celle dûment autorisée au regard de la législation applicable (trib. adm. 8 juillet 1997, n° 9530 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Environnement, n° 117 page 139), cette exigence ne porte que dans la mesure où une autorisation ministérielle était requise pour ses mise en place et affectation (trib. adm. 23 septembre 2002, n° 12826 du rôle, Pas.

adm. 2003, V° Environnement n° 18, page 139) ;

Considérant qu’il appert en fait que le sous-sol pour lequel l’autorisation a été actuellement refusée à travers les décisions déférées se trouve construit de sorte à comporter comme plafond la dalle en béton venue accueillir l’abri du jardin faisant l’objet de l’autorisation précitée du 27 septembre 2000 ;

Qu’il s’ensuit que par rapport à l’abri de jardin tel qu’autorisé le 27 septembre 2000, le sous-sol faisant l’objet de la demande actuellement litigieuse n’est pas à considérer comme transformation d’une construction existante, mais comme construction nouvelle non-autorisée érigée sinon préalablement, du moins concomitamment avec ledit l’abri ;

Considérant que l’érection d’une construction en zone verte sans autorisation ministérielle sur base de la loi modifiée du 11 août 1982 n’empêche pas la délivrance ex post de l’autorisation requise, toutes conditions légales et réglementaires afférentes dûment remplies et abstraction faite des incidences d’ordre pénal et civil engendrées (trib.

adm. 23 septembre 2002 précité, Pas. adm. 2003, V° Environnement, n° 20 page 140) ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2, alinéa 2 de ladite loi modifiée du 11 août 1982 le sous-sol actuellement litigieux n’est autorisable que dans la mesure où il sert « à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d’utilité publique » ;

Considérant que le demandeur met en avant dans sa demande du 9 février 2002 que la pièce inférieure en question est à entrevoir comme « local destiné uniquement à l’apiculture » ;

Considérant que le tribunal a pu s’en rendre compte sur les lieux, ensemble les affirmations non contestées y faites par le demandeur, que ce dernier est apiculteur actif de longue date ayant placé dans les alentours directs, des ruches d’abeilles au nombre indiqué non contesté de 25 ;

Que tout un matériel devant servir à l’apiculture se trouve installé essentiellement au dit sous-sol de l’abri … ;

Considérant que si un local servant à l’apiculture est en principe autorisable en zone verte en vertu des dispositions de l’article 2, alinéa 2 de la loi modifiée du 11 août 1982, le tribunal n’est cependant point en mesure de statuer plus en avant dans le cadre du recours en réformation reçu, étant donné que les parties n’ont pas pu jusque lors prendre utilement position sur la question des dimensions, nature des matériaux à employer (sol, murs, plafond), exigences de température ambiante, infrastructure (eau froide et/ou chaude, chauffage, électricité) ainsi que le degré de nécessité sinon d’opportunité de l’installation de pareils locaux en proximité du lieu d’installation des ruches ;

Que plus particulièrement les parties sont appelées à tenir compte des contraintes d’ordre légal et technique existant en matière d’apiculture, compte tenu notamment de l’affirmation de Monsieur … que le miel par lui dégagé à partir de ses ruches serait pourvu de la marque nationale du miel luxembourgeois ;

Qu’il convient dès lors de fixer un échéancier aux fins de garantir une instruction utile plus en avant du recours compte tenu des développements qui précèdent.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, avant tout autre progrès en cause ;

invite les parties à prendre position plus en avant sur la question des dimensions, nature des matériaux à employer (sol, murs, plafond) exigences de température ambiante, infrastructure (eau froide et/ou chaude, chauffage, électricité) ainsi que le degré de nécessité sinon d’opportunité de l’installation de pareils locaux en proximité du lieu d’installation des ruches, compte tenu des contraintes d’ordre légal et technique existant en matière d’apiculture ;

impartit aux parties un premier délai jusqu’au jeudi 15 janvier 2004, sous peine de forclusion, pour fournir un mémoire complémentaire ;

leur impartit un second délai expirant le jeudi 29 janvier 2004 pour leur permettre une itérative prise de position circonstanciée ;

refixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du lundi 2 février 2004 ;

réserve tous autres droits et moyens des parties, ainsi que les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 décembre 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16804
Date de la décision : 08/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-08;16804 ?

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