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08/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16694

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 décembre 2003, 16694


Tribunal administratif N° 16694 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2003 Audience publique du 8 décembre 2003

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Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16694 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2003 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, insc

rit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro) et de son...

Tribunal administratif N° 16694 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2003 Audience publique du 8 décembre 2003

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Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16694 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2003 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro) et de son épouse, Madame …, née le… , agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs…, … , … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 30 décembre 2002 par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour, ainsi que d’une décision confirmative du 21 mai 2003 intervenue suite à l’introduction d’un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 août 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2003 par Maître Olivier LANG au nom des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier LANG, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 novembre 2003.

Après s’être vus refuser l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 au Grand-Duché de Luxembourg, les époux … et …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs, introduisirent auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse une demande en obtention d’une autorisation de séjour dans le cadre de la campagne dite de régularisation de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Par décision datant du 30 décembre 2002 et co-signée par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi, cette demande fut refusée dans les termes suivants :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 13 juillet 2001 auprès du Service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger se supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des directives applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie D que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et je suis atteint(e) d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne me permettant pas de retourner, endéans un an, dans mon pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel je suis autorisé(e) à séjourner ».

Vous êtes invitée à quitter le Luxembourg, ensemble avec les membres de votre famille repris sous rubrique, endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois. » Par courrier de leur mandataire datant du 24 février 2003 les consorts … ont fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 30 décembre 2002. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 21 mai 2003, ils ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 30 décembre 2002 et 21 mai 2003 par requête déposée en date du 7 juillet 2003.

Dans la mesure où ni la loi prévisée du 28 mars 1972, ni aucune autre disposition légale, n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, les demandeurs font préciser qu’ils ont sollicité la régularisation suivant la catégorie D énoncée dans la brochure dite de régularisation aux termes de laquelle peuvent prétendre à la régularisation des personnes résidant au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins, et étant atteintes d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne leur permettant pas de retourner, endéans un an, dans leur pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel ils sont autorisés à séjourner. Ils reprochent au ministre d’avoir omis de prendre en considération à leur juste valeur les raisons humanitaires par eux énoncées tenant au fait que Madame … souffre d’un état de santé pathologique post opératoire et que cette pathologie tumorale nécessiterait un suivi pluridisciplinaire pendant les années à venir, de sorte qu’en raison de l’ampleur de la pathologie qu’elle présente, un rapatriement dans leur pays d’origine serait incompatible avec son état de santé.

Le délégué du Gouvernement rétorque que suivant la conclusion du médecin de contrôle du 18 avril 2003, Madame… ne serait pas atteinte d’une maladie d’une gravité exceptionnelle nécessitant la poursuite d’un traitement au Grand-Duché. Il rappelle en outre que l’intervention chirurgicale à laquelle Madame… a dû se soumettre a eu lieu le 25 mars 2000 et que cette maladie exceptionnelle ne l’a pas empêché de mettre au monde un enfant le 18 janvier 2002.

Dans le cadre du recours en annulation lui soumis, le tribunal est appelé à apprécier si les faits sur lesquels s’appuient les décisions litigieuses sont établis à l’exclusion de tout doute, de sorte qu’il y a lieu de vérifier en l’espèce si le ministre a valablement pu retenir que les demandeurs sont restés en défaut d’établir, à l’appui de leur demande, l’existence d’une maladie d’une gravité exceptionnelle dans le chef de Madame… rendant impossible un retour de la famille dans son pays d’origine.

En effet, contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs, c’est à la personne qui se prévaut des dispositions de la catégorie D de la brochure dite de régularisation, qu’il incombe d’établir les faits par elle invoqués à l’appui de ses prétentions.

En l’espèce, il est constant à partir des explications fournies en cause telles que documentées par différents certificats médicaux versés au dossier, que Madame… a dû se soumettre à une intervention chirurgicale sérieuse en date du 26 mars 2000 et qu’elle a fait par la suite l’objet d’un suivi médical régulier. L’état de santé de Madame… est documenté notamment par un certificat établi par le docteur Georges SANDT renseignant son hospitalisation au Centre hospitalier de Luxembourg du 25 mars au 5 avril 2000 pour exérèse d’un méningiome suprasellaire. Selon un certificat établi le 12 août 2002 par le docteur… , neurologue, des contrôles neurologiques réguliers semblent indispensables en raison des antécédents tumoraux de la patiente et selon un certificat délivré le 24 septembre 2002 par le docteur… , ophtalmologue, des examens ophtalmologiques sont nécessaires tous les six mois. Par ailleurs, des certificats établis les 14 novembre 2002 et 4 février 2003 par le docteur … affirment qu’un suivi radiologique et clinique neurologique régulier est indispensable à moyen terme dans un service spécialisé, de sorte que, pour des raisons médicales, le retour de la patiente en Yougoslavie serait fortement à déconseiller. En cours de procédure contentieuse, la demanderesse a complété son dossier notamment par un certificat médical récent datant du 26 novembre 2003 établi par le docteur … précisant « avoir vu à plusieurs reprises Madame …, qui a été opérée d’un méningiome du jugum sellaire. La patiente garde les céphalées « en casque » accompagnées d’un trouble de la vision. Ce jour ci, elle a dû avoir une injection intra-musculaire de médication anti-douloureuse.

En plus, elle présente un état de dépression nerveuse compliqué par l’insomnie. » S’il est certes vrai que le Gouvernement verse à l’appui des décisions litigieuses un formulaire émis par l’administration du contrôle médical de la sécurité sociale établi en date du 10 décembre 2002 aux termes duquel la personne concernée « ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine », il n’en reste pas moins que le tribunal se trouve confronté à une contradiction entre cette conclusion du médecin-conseil et celle notamment du neurologue … du 14 novembre 2002 ayant consisté à fortement déconseiller le retour de sa patiente en Yougoslavie.

Le tribunal estime dès lors, en l’état actuel du dossier, ensemble les indices établis en cause à travers notamment le certificat médical du docteur … du 26 novembre 2003 relatif à la persistance, à l’heure actuelle d’un état de santé déficitaire en relation avec l’opération ayant eu lieu au mois de mars 2000, de ne pas disposer de tous les éléments d’appréciation nécessaires pour se prononcer quant à la question de savoir si Madame… a présenté une maladie d’une gravité exceptionnelle au point de rendre un retour dans son pays d’origine impossible dans l’année de la prise de la décision litigieuse du 21 mai 2003.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de procéder à une mesure d’instruction supplémentaire.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

avant tout autre progrès en cause, nomme experts :

1. Monsieur Gilles KIEFFER, médecin spécialiste en neurologie, demeurant à L-1527 Luxembourg, 16, rue Maréchal Foch, 2. Monsieur Marcel LEVY, médecin spécialiste en ophtalmologie, demeurant à L-4011 Esch-sur-Alzette, 21, rue de l’Alzette, 3. Monsieur Jacques PREYVAL, médecin spécialiste en médecine légale, demeurant à L-3333 Hellange, 49, rue de Bettembourg avec la mission d’analyser et de se prononcer sur l’état de santé de Madame …, afin de déterminer si elle est atteinte d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne lui permettant pas de retourner dans son pays d’origine dans l’année suivant la décision litigieuse du 21 mai 2003;

dit que l’expert aura communication de l’ensemble du dossier administratif et des pièces transmises au tribunal et qu’il pourra s’entourer de tierces personnes dans le cadre de sa mission ;

dit que les experts sont autorisés à entendre des tierces personnes et notamment les auteurs de certificats et rapports établis en relation avec les faits faisant l’objet de leur mission ;

invite les experts à remettre leur rapport pour le 23 février 2004 au plus tard quitte à solliciter un report de cette date au cas où ils n’arriveraient pas à ce faire dans le délai imparti ;

ordonne au demandeur de consigner la somme de 750 € à titre d’avance sur les frais et honoraires des experts à la caisse des consignations et d’en justifier au tribunal ;

réserve les frais ;

fixe l’affaire au rôle général.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 décembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16694
Date de la décision : 08/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-08;16694 ?

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