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04/12/2003 | LUXEMBOURG | N°17208

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 décembre 2003, 17208


Tribunal administratif Numéro 17208 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2003 Audience publique du 4 décembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du Gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17208 du rôle, déposée le 27 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Cap-Vert), de nationalité cap

-verdienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situa...

Tribunal administratif Numéro 17208 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2003 Audience publique du 4 décembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du Gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17208 du rôle, déposée le 27 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Cap-Vert), de nationalité cap-verdienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 20 novemvre 2003 ordonnant son placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2003 par Maître Jean-Georges GREMLING pour le compte de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique CLEMENT et Monsieur le délégué du Guvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 décembre 2003.

Le 20 novembre 2003, le ministre de la Justice prit à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est libellée comme suit :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport n° 6/45/03 du 6 janvier 2003 établi par la Police grand-ducale, Service de Police judiciaire, section des étrangers ;

1Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 1er août 2002 lui notifié en date du 20 septembre 2002 ;

Considérant que l’intéressé a fait usage d’un passeport falsifié ;

-

qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

-

qu’un éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

Arrêté :

Art. 1er.- Le nommé …, né à … , de nationalité cap-verdienne, dont l’éloignement immédiat n’est pas possible, est placé, dans l’attente de cet éloignement, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification…» Par requête déposée le 27 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision du 20 novembre 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond le demandeur invoque en premier lieu l’absence des conditions pour prononcer une mesure de placement. Il fait valoir qu’il faudrait dans le chef de la personne qui se trouve sous le coup d'une mesure de placement un danger réel qu’elle essaye de se soustraire à une mesure de rapatriement ultérieure sous peine d’entacher la décision d’illégalité. Le demandeur conteste qu’en l’espèce il existerait dans son chef un risque de fuite, étant donné qu’il serait arrivé au Luxembourg en date du 26 novembre 1996, qu’il aurait toujours eu un lieu de résidence officiel et qu’il se serait présenté volontairement à la commune de Mersch pour prolonger son titre de séjour. Il soutient que ce serait à tort que le délégué du Gouvernement affirme qu’il se trouverait en situation irrégulière. Il conteste pareillement qu’il aurait fait usage d’un passeport portugais falsifié.

L’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi du 28 mars 1972 dispose : « Lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 [de la loi du 28 mars 1972] est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois ».

2L’article en question exige la réunion de deux conditions légales sous-jacentes à une décision de placement :

1. une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la loi du 28 mars 1972, 2. l’impossibilité de l’éloignement de l’étranger en raison de circonstances de fait.

L’existence de ces deux conditions légales amène le tribuanl à vérifier si en l’espèce, le ministre de la Justice a pu prendre une décision de placement à l’encontre de Monsieur ….

En l’espèce, il est constant que la décision de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion en application de l’article 9 de la loi du 28 mars 1972.

Il convient partant d’examiner si la décision de placement est basée sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence :

« 1) qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi du 28 mars 1972] ;

4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

En l’espèce, le ministre de la Justice a pris en date du 1er août 2002, une décision de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur …, hypothèse visée sous le numéro 3 de l’article 12 citée ci-avant, de sorte que l’irrégularité du séjour de Monsieur … sur le territoire du Grand-Duché est établie à suffisance de droit.

Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci est censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 sont remplies, et où, par la suite, une décision de placement a été prise à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle mesure de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de placement à partir du moment où il n’existe pas de décision d’expulsion.

En second lieu, le tribunal vérifie si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances de fait permettant de justifier une impossibilité de procéder à un éloignement immédiat de l’intéressé.

3 Il résulte des pièces versées au dossier que le ministre de la Justice a transmis l’arrêté de refus d’entrée et de séjour du 1er août 2002 le même jour au service de police judiciare – service des étrangers - pour notification et avec prière d’organiser le départ du demandeur. Il résulte en plus d’un rapport référencé sous le no. 6/45/03/BIR du même service que « … Vicente a été convoqué le 20 septembre 2002 pour lui notifier l’arrêté du refus d’entrée et de séjour et lui expliquer qu’il devrait quitter le Luxembourg. … Vicente a refusé de retourner volontairement au Cap Vert dans les trois mois à venir. Jusqu’à aujourd’hui, … Vicente n’a toujours pas changé d’avis et pris contact avec notre service pour l’organisation de son retour au Cap Vert. Si le Ministère de la justice reste sur sa décision, il faudrait placer … Vicente au Centre de Séjour Provisoire pour Etrangers en Situation Irrégulière pour organiser son rapatriement avec escorte policière. En annexe copie du refus d’entrée et de séjour et copie PP cap verdien ». Ces faits établissent à suffisance de droit une impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat de Monsieur …, de sorte que les conditions légales à la base d’une décision de placement se trouvent vérifiées en l’espèce.

Etant donné que l’existence d’un risque de fuite dans le chef de la personne faisant l’objet d’une décision de placement n’est pas exigée par l’article 15 de la loi du 28 mars 1972 en tant que condition nécessaire à la prise d’une décision de placement, le moyen y relatif développé par le demandeur manque de pertinence et est à ecarter.

Le demandeur fait encore valoir qu’il ne serait pas établi qu’il constituerait un danger pour la sécurité, la tranquilité ou l’ordre public, prémisse préalable à l’incarcération d’une personne sous le coup d’une mesure de placement.

Quant aux considérations du demandeur avancées ayant trait à l’absence de dangerosité pour l’ordre public dans son chef, force est de constater que la dangerosité dans le chef de la personne faisant l’objet d’une décision de placement n’est pas exigé par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 en tant que condition nécessaire à la prise d’une décision de placement et à son placement dans un établissement approprié, de sorte que le moyen y relatif développé par le demandeur manque également de pertinence et est à écarter.

Monsieur … relate enfin que la décison de placement serait disproportionnée tant au regard de la loi du 28 mars 1972, qu’au regard de sa situation personnelle. Il soutient que le Centre de séjour provisoire serait inapproprié dans la mesure où il serait soumis quasiment au même régime que les détenus de droit commun.

Par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, et modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, a été créée « au Centre pénitentiaire de Luxembourg une section spéciale pour les retenus appelée « Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », où peuvent être placés les retenus, à savoir « tous les étrangers qui subissent une mesure privative de liberté sur base de l’article 15 de la loi [précitée] du 28 mars 1972 (…) ». A l’exception de certaines dérogations prévues par les articles 3 et 4 dudit règlement grand-

ducal du 20 septembre 2002, le régime de détention auquel sont soumis les retenus est celui prévu par le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Il échet de constater que par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi du 28 mars 1972, un 4centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié, conformément à l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972, en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

La constatation faite ci-avant n’est pas énervée par les affirmations du demandeur ayant trait au caractère inapproprié dudit centre, étant donné que le demandeur ne fait état d’aucun élément précis ou d’une circonstance particulière justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 décembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17208
Date de la décision : 04/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-04;17208 ?

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