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03/12/2003 | LUXEMBOURG | N°17132

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 décembre 2003, 17132


Tribunal administratif N° 17132 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2003 Audience publique du 3 décembre 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17132 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur

…, né le … à Treichville (Abidjan/Côte d’Ivoire), demeurant actuellement à …, tendant à la réformation...

Tribunal administratif N° 17132 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2003 Audience publique du 3 décembre 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17132 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Treichville (Abidjan/Côte d’Ivoire), demeurant actuellement à …, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 3 octobre 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal en nom et pour compte du demandeur le 21 novembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Nadine SCHEUREN en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … introduisit le 7 août 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 2 octobre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa, par lettre du 3 octobre 2003, que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Par requête déposée le 3 novembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 3 octobre 2003.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’un recours au fond ne serait pas prévu en la matière.

Il ressort des éléments du dossier, notamment de la décision ministérielle du 3 octobre 2003, que le ministre de la Justice s’est basé sur l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996, précitée.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le tribunal est partant incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée. - En effet, si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour en connaître (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

Le recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève en premier lieu un moyen d’annulation tiré de ce que la décision querellée ne serait pas suffisamment motivée en fait et en droit, au motif que son libellé serait flou et imprécis.

Ledit moyen d’annulation, basé sur la violation de l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes n’est cependant pas fondé, étant donné que même à admettre que le reproche formulé soit justifié, il ne s’en dégagerait pas une cause d’annulation de la décision ministérielle litigieuse, l’omission des obligations d’indiquer les motifs dans le corps même de la décision que l’autorité administrative a prise entraînant uniquement que les délais impartis pour l’introduction des recours ne commencent pas à courir. - Il convient d’ajouter qu’il se dégage du libellé de la décision ministérielle que le ministre a énoncé une motivation circonstanciée tant en droit qu’en fait, étant donné qu’il a précisément pris position par rapport aux causes de persécution mises en avant par le demandeur lors de son audition en date du 2 octobre 2003.

Ensuite, le demandeur estime que la décision ministérielle querellée serait basée sur une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de droit et de fait. Il reproche ainsi au ministre de la Justice d’avoir retenu qu’il n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, alors que tel aurait été le cas, dans la mesure où les faits invoqués tomberaient dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Dans cet ordre d’idées, il expose être originaire de la Côte d’Ivoire et être de religion musulmane, que sa mère et sa sœur seraient décédées et que leurs décès seraient à situer dans le contexte d’affrontements interethniques ou religieux. Il ajoute encore que la situation générale existant dans ce pays serait toujours instable et que les musulmans seraient persécutés.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Des considérations d’ordre matériel et économique, tels l’impossibilité d’occuper son ancien logement et la crainte de difficultés financières, ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié (trib. adm. 20 juin 2001, n° 12679 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 83).

En outre, une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 100 et autres références y citées ; trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 98 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 2 octobre 2003 et de la requête introductive d’instance, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. - En effet, il appert à l’examen du compte rendu de son audition, que le demandeur a exclusivement exprimé avoir connu des problèmes économiques (« Je suis venu au Luxembourg pour demander l’asile parce que je n’ai pas de papiers, je demande d’avoir quelque chose parce que c’est la souffrance en Côte d’Ivoire. Je voudrais me mettre un peu à l’aise, parce que c’était la souffrance, c’est-à-dire je n’ai pas de revenu fixe, même parfois on me payait rien pour ramasser pleins de bagages »), ainsi qu’un sentiment général d’insécurité, sans cependant apporter le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève ou de préciser en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève (« Lorsque ma mère est décédée j’ai entendu que c’est à cause de la sorcellerie qu’elle est morte. (…) ma tante m’a souvent maltraité lorsque j’étais chez elle en vacances, alors j’ai entendu que ma mère est morte suite à la sorcellerie j’ai tout de suite pensé que c’était elle »). Enfin, le simple fait d’affirmer son appartenance à la communauté musulmane et le prétendu meurtre de sa sœur lors d’un affrontement, faits qu’il a plus particulièrement mis en avant dans le cadre du recours contentieux, se révèlent eux aussi manifestement insuffisants pour constituer l’invocation d’une crainte de persécution personnelle au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, et lu à l’audience publique du 3 décembre 2003, par le président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Ravarani 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17132
Date de la décision : 03/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-03;17132 ?

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