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01/12/2003 | LUXEMBOURG | N°16482

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 décembre 2003, 16482


Tribunal administratif N° 16482 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 mai 2003 Audience publique du 1er décembre 2003

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … en matière de permis de séjour et de nomination d’un commissaire spécial

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le n° 16482 du rôle, déposée le 30 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de Monsieur …, né le … à Shkoder (Albanie), de nationalité albanaise, ainsi que de son épouse, Madam...

Tribunal administratif N° 16482 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 mai 2003 Audience publique du 1er décembre 2003

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … en matière de permis de séjour et de nomination d’un commissaire spécial

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le n° 16482 du rôle, déposée le 30 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Shkoder (Albanie), de nationalité albanaise, ainsi que de son épouse, Madame …, née le … à Vlora (Albanie), de nationalité albanaise, les deux demeurant actuellement à L-…, tendant à la nomination d’un commissaire spécial ayant pour mission de prendre « en lieu et place du ministre de la Justice et du ministre du Travail et de l’Emploi, les décisions qui s’imposent en vertu du jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 4 février 2002, coulé en force de chose jugée, et accorder aux requérants une autorisation de séjour ainsi qu’une autorisation de travailler auprès de tout employeur établi sur le territoire luxembourgeois qui est disposé à les engager et plus particulièrement, en ce qui concerne Madame …-…, auprès de la société anonyme … S.A., (…) qui en avait fait la demande » ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Guy THOMAS en ses plaidoiries.

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Statuant dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation 1) d’une décision du 20 juillet 2001 prise conjointement par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi portant refus d’accorder une autorisation de séjour aux époux …-…, 2) d’une décision du ministre de la Justice du 1er octobre 2001 leur refusant l’entrée et le séjour au Luxembourg et 3) de « la décision de refoulement respectivement d’éloignement vers l’Albanie ayant eu lieu le 5 octobre 2001 sur décision du ministre de la Justice et constatée par simple procès-verbal no 6/1131/01 BIR du Service de Police Judiciaire, Section Police des Etrangers et des Jeux, du Grand-Duché de Luxembourg du 08.10.2001 », le tribunal administratif, par jugement du 4 février 2002 (n° 14209 du rôle), annula les décisions 2 prévisées du ministre de la Justice et du ministre du Travail et de l'Emploi des 20 juillet et 1er octobre 2001 ayant refusé aux époux …-… l'entrée et le séjour au pays, ainsi que la décision respectivement de refoulement et d'éloignement de Monsieur … du 4 octobre 2001 et renvoya le dossier devant le ministre de la Justice.

Pour arriver à cette conclusion, le tribunal a retenu en substance une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyen qui a été commun aux divers volets du recours qu’il a été amené à examiner, en ce que « d’une part, les déclarations des demandeurs et les pièces produites en cause se rapportent à des craintes de subir des mauvais traitements qui sont d’une gravité certaine et, d’autre part, les craintes alléguées sont suffisamment avérées, notamment eu égard à l’absence d’éléments de preuve contraire fournis par l’administration, de sorte qu’il convient d’admettre que l’accomplissement de la mesure d’éloignement des demandeurs risque de les exposer à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention » et qu’en application dudit article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, il incombait aux autorités luxembourgeoises de prémunir les demandeurs contre une situation irrémédiable de danger objectif de mauvais traitements en cas de retour dans leur pays d’origine et que cette obligation ne souffrait pas de possibilités dérogatoires découlant du droit national, notamment de l'article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Par requête déposée en date du 30 mai 2003, les époux …-… exposent que malgré différentes relances et mises en demeure adressées aux autorités ministérielles, les deux ministres concernés n’auraient pas donné de suite à leurs demandes en délivrance d’un permis de séjour et d’un permis de travail après le prononcé dudit jugement, non appelé, et ils requièrent la nomination d’un commissaire spécial ayant pour mission de prendre une décision en lieu et place desdits ministres.

L’affaire n’a pas été instruite par l’Etat.

L’article 84 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose comme suit : « Lorsqu’en cas d’annulation ou de réformation, coulée en force de chose jugée, d’une décision administrative qui n’est pas réservée par la Constitution à un organe déterminé, la juridiction ayant annulé ou réformé la décision a renvoyé l’affaire devant l’autorité compétente et que celle-ci omet de prendre une décision en se conformant au jugement ou à l’arrêt, la partie intéressée peut, à l’expiration d’un délai de trois mois à partir du prononcé de l’arrêt ou du jugement, saisir la juridiction qui a renvoyé l’affaire en vue de charger un commissaire spécial de prendre la décision aux lieu et place de l’autorité compétente et aux frais de celle-ci. La juridiction fixe au commissaire spécial un délai dans lequel il doit accomplir sa mission. La désignation du commissaire spécial dessaisit l’autorité compétente ».

Il est constant en cause que suivant le jugement précité du 4 février 2002, le tribunal a annulé différentes décisions relatives à un refus de délivrance d’un permis de séjour dans le chef des deux demandeurs et qu’à la date du dépôt de la requête sous analyse, aucune décision ministérielle n’a été prise en exécution dudit jugement.

3 Il s’ensuit que la requête en nomination d’un commissaire spécial, introduite par ailleurs suivant les formes et délai prévus par la loi, est recevable dans la mesure où elle vise le volet relatif à la délivrance d’un permis de séjour.

Cependant, force est de constater que le susdit jugement du 4 février 2002 est étranger à la matière des permis de travail, les décisions ministérielles dont la légalité a été examinée et qui ont été annulées ne se prononçant pas à ce sujet. Il s’ensuit que la requête en nomination d’un commissaire spécial est irrecevable sous ce rapport.

Quant au fond, il y a lieu de relever que le bien-fondé de la requête en institution d’un commissaire spécial s’analyse au jour où le tribunal est amené à statuer.

S’il est certes vrai que l’autorité ministérielle n’a à ce jour pas encore pris position suite au jugement prévisé du 4 février 2002, il n’en reste pas moins que tel qu’il se dégage des explications fournies par les demandeurs à l’appui de leur demande, Monsieur …, après avoir été refoulé dans son pays d’origine, a pu revenir au Luxembourg et qu’à son arrivée, il a introduit une nouvelle demande d’asile en raison des persécutions, dont il soutient avoir été la victime au cours de son séjour en Albanie.

Or, par l’effet de l’introduction d’une demande d’asile, Monsieur … s’est placé lui-

même, ainsi que son épouse - dont le sort, par l’effet du principe du regroupement familial, suit nécessairement celui de son mari -, dans une nouvelle situation, à savoir celle de demandeur d’asile, laquelle implique un droit de séjour provisoire au pays en attendant l’aboutissement de cette demande.

Sur base de ce constat, il y a lieu de conclure que compte tenu de la situation nouvelle dans laquelle le demandeur s’est placé lui même, ainsi que son épouse, ils sont actuellement autorisés à séjourner au Grand-Duché de Luxembourg et que la demande en institution d’un commissaire spécial en vue de la délivrance d’un permis de séjour ne saurait avoir un quelconque effet concret, le commissaire ne pouvant leur accorder plus de droits qu’il n’en ont d’ores et déjà à ce jour.

Il y a partant lieu de retenir qu’au jour des présentes, le recours sous examen est dénué d’objet.

Il s’ensuit que les parties demanderesses doivent être déboutées de leur demande.

Eu égard à la solution du litige, les demandeurs, qui sont pour le surplus bénéficiaires de l’assistance judiciaire, sont à débouter de leur demande en allocation d’une indemnité de procédure.

Il convient de relever que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoi que valablement informé par une notification par la voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance des demandeurs, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse.

Nonobstant ce fait, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

4 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare la demande en institution d’un commissaire spécial irrecevable en ce qu’elle a trait à un prétendu volet relatif à la délivrance d’un permis de travail, pareil volet n’ayant ni fait l’objet du jugement prévisé du 4 février 2002, ni même des décisions ministérielles annulées par ledit jugement ;

pour le surplus, reçoit la demande en institution d’un commissaire spécial en la forme ;

au fond, la déclare cependant sans objet, partant en déboute ;

laisse les frais à charge des demandeurs.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 1er décembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16482
Date de la décision : 01/12/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-01;16482 ?

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