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30/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16829C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 00 décembre 2003, 16829C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16829 C Inscrit le 5 août 2003 —————————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 18 DECEMBRE 2003 Recours formé par le ministre de la Justice contre … en matière d’autorisation de séjour (jugement entrepris du 16 juillet 2003  Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 5 août 2003, en vertu d’un mandat ex

près du ministre de la Justice du 30 juillet 2003, par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter, au nom du ministre de la Justice, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 16 jui...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16829 C Inscrit le 5 août 2003 —————————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 18 DECEMBRE 2003 Recours formé par le ministre de la Justice contre … en matière d’autorisation de séjour (jugement entrepris du 16 juillet 2003  Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 5 août 2003, en vertu d’un mandat exprès du ministre de la Justice du 30 juillet 2003, par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter, au nom du ministre de la Justice, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 16 juillet 2003 en matière d’autorisation de séjour, à la requête du sieur …, né le … à Santa Catarina/Cap Vert, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, contre une décision du ministre de la Justice ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 octobre 2003 par Maître João Nuno Pereira, avocat à la Cour, pour l’intimé … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour le 10 octobre 2003 par le délégué du Gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport ainsi que Maître João Nuno Pereira et Madame la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs observations orales.

Par requête, inscrite sous le numéro 15707 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2002 par Maître Joao Nuno Pereira, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …, manœuvre, né le … à Santa Catarina (Cap Vert), de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, a demandé l’annulation d’un arrêté du ministre de la Justice du 31 juillet 2002, par lequel ledit ministre lui a refusé l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement en date du 16 juillet 2003, a reçu le recours en annulation en la forme, au fond, l’a déclaré justifié et a annulé l’arrêté du ministre de la Justice du 31 juillet 2002 portant refus d’entrée et de séjour au pays dans le chef de … .

Fort d’un mandat du ministre de la Justice daté du 30 juillet 2003, le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 5 août 2003.

L’appelant reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause alors que l’intimé aurait sollicité en date du 10 avril 1995 une carte d’identité d’étranger sous une fausse identité ainsi que sous une fausse nationalité, en faisant usage d’un passeport portugais falsifié.

Après l’expiration de la carte d’identité d’étranger, soit le 2 juin 2000, l’intimé n’aurait plus sollicité le renouvellement de sa carte d’identité.

Au vu d’un rapport du service de police judiciaire du 3 juin 2002 documentant que l’intimé et sa concubine ont fait usage de documents d’identité portugais falsifiés, le ministre aurait pris en date du 31 juillet 2002 un arrêté de refus d’entrée et de séjour.

Maître Joao Nuno Pereira a déposé un mémoire en réponse en date du 3 octobre 2003 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris après avoir fait valoir que contrairement aux allégations du ministre de la Justice, il résulterait du rapport du service de la police judiciaire du 3 juin 2003 que l’intimé, en date des 21 octobre 1999 et 7 novembre 2001, aurait sollicité sous ses noms et prénoms véritables une carte d’étranger, respectivement un renouvellement de cette carte.

La partie appelante a encore déposé un mémoire en réplique en date du 10 octobre 2003 dans lequel elle fait valoir que la partie intimée tenterait de minimiser les faits d'espèce en les qualifiant de «comportement mineur et au demeurant unique de l'intimé de 1995» alors qu’il y aurait lieu d'insister sur la circonstance que le requérant a fait usage d'un passeport falsifié ainsi que d'une fausse identité de façon continue depuis 1995, de sorte que ce comportement ne saurait en aucun cas être qualifié de « mineur et unique ».

Par arrêté du 31 juillet 2002, le ministre de la Justice refusa à … l’entrée et le séjour au Luxembourg aux motifs qu’il aurait fait usage de pièces d’identité et de voyage falsifiées, qu’il serait en défaut de posséder des moyens d’existence personnels et qu’il constituerait par son comportement personnel un danger pour l’ordre public.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2002, … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de cet arrêté ministériel.

C’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le ministre de la Justice, appelé à apprécier dans le cadre de sa propre sphère de compétence le comportement global d’un étranger, peut valablement se référer à des faits 2 susceptibles de se trouver à la base d’une instruction pénale, ceci au titre d’éléments permettant d’apprécier son comportement global, étant donné qu’une telle décision ne porte pas sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale, même si elle se fonde sur des faits qui sont susceptibles d’être poursuivis pénalement.

En partant de cette considération, le tribunal administratif a tiré la conséquence juridique appropriée en décidant que lorsqu’un étranger a fait usage de pièces d’identité et de voyage falsifiées et si des faits suffisamment graves sont établis à suffisance de droit, le ministre de la Justice peut valablement considérer, dans le cadre et conformément aux conditions posées par la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, que l’étranger en question est susceptible de constituer un risque pour la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics de sorte que le moyen tiré de l’incompétence du ministre de la Justice n’est pas fondé.

Le demandeur a encore conclu à un excès de pouvoir qui aurait été commis par le ministre de la Justice en prenant l’arrêté litigieux, sans toutefois tenter d’expliquer en quoi le ministre aurait commis un tel excès de pouvoir, mettant ainsi le juge administratif dans l’impossibilité de saisir la portée d’un moyen simplement énoncé sans aucune argumentation ni en droit ni en fait se trouvant à sa base, de sorte que le tribunal a décidé à bon droit qu’il est dans l’impossibilité de prendre position par rapport à un tel moyen vague et abstrait et qu’il doit être rejeté, étant donné pour le surplus que le tribunal n’a pas constaté, au vu du maigre dossier contenant une seule pièce, à savoir l’arrêté litigieux, qui lui a été soumis, qu’un excès de pouvoir ait pu avoir été commis par le ministre de la Justice.

C’est à juste titre que les premiers juges ont dégagé parmi toute une série de moyens à l’appui du recours déposé qu’il y a d’abord lieu d’analyser les moyens qui ont trait à la violation de certaines dispositions figurant dans le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, pour vérifier le respect des règles applicables au cours de la phase administrative préalable à la prise de la décision et la régularité externe de celle-ci, avant d’analyser le cas échéant les moyens ayant trait à la régularité interne, ainsi qu’à la justification de la décision au fond.

Dans cet ordre d’idées, le tribunal a d’abord analysé le moyen tiré de la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 ensemble avec les moyens tirés d’une violation du principe général du droit du respect des droits de la défense et d’une violation du principe général du droit au respect du principe du contradictoire, en ce que le demandeur estime que le ministre de la Justice lui aurait à tort révoqué le droit de séjour au Luxembourg dont il aurait joui, sans qu’il n’en soit informé à l’avance par une communication qui aurait dû lui être faite par lettre recommandée que le ministre de la Justice aurait dû lui envoyer en lui exposant son intention de prendre la décision litigieuse et en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’auraient amené à agir.

Les premiers juges ont décidé dans ce contexte que le requérant aurait été dans l’impossibilité de faire connaître sa position audit ministre et qu’il n’aurait pas pu intervenir au cours de l’élaboration de la décision en question.

3 Il découle néanmoins des pièces nouvelles auxquelles la Cour peut actuellement avoir recours qu’aucune autorisation de séjour n’a été délivrée à une personne dénommée …, de nationalité cap-verdienne, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’analyser dans quelles conditions un retrait d’une telle autorisation a pu intervenir.

Il y a partant lieu à réformation du jugement du 16 juillet 2003.

L’article 597 du nouveau code de procédure civile, applicable devant la Cour administrative à défaut de règle particulière dans la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dispose que la juridiction d’appel pourra statuer en même temps sur le fond lorsqu’un jugement est infirmé et la matière est disposée à recevoir une solution définitive.

Le ministre de la Justice a pris en date du 31 juillet 2002 un arrêté refusant à …, de nationalité cap-verdienne, l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg pour les motifs suivants :

usage de pièces d’identité et de voyages falsifiées défaut de moyens d’existence personnels constitue par son comportement personnel un danger pour l’ordre public.

D’après l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : - qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis ; - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics ; - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

L'arrêté du 31 juin 2002 a indiqué sa base légale ainsi que les motifs à la base de la décision, qui ont par ailleurs valablement été complétés en instance d’appel par le fait que l'intimé a, depuis le 10 avril 1995, fait usage d'un passeport portugais falsifié au nom de X et qu'il avait frauduleusement obtenu une carte d'identité d'étranger en tant que soi-disant ressortissant communautaire.

La Cour rejoint à ce sujet les développements du délégué de Gouvernement qui estime que le fait de faire usage d'un document d'identité falsifié ainsi que d'une fausse identité constitue un comportement personnel traduisant un danger pour l'ordre public.

Il suit de ces considérations, et sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens développés par le demandeur dans sa requête introductive d’instance, que la décision litigieuse est basée sur des motifs légaux.

L’acte d’appel est partant fondé et l’arrêté du ministre de la Justice du 31 juillet 2003 est à confirmer.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges 4 la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 5 août 2003, le dit fondé, dit que c’est à tort que le tribunal administratif a annulé l’arrêté du ministre de la Justice pour défaut de respect de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, évoquant, dit que l’arrêté ministériel du 31 juillet 2003 est intervenu en conformité de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, partant déclare la requête en annulation déposée en date du 9 décembre 2003 non fondée, fait masse des frais et les impose pour moitié à … et pour l’autre moitié à l’Etat.

Ainsi délibéré et jugé par Georges Kill, président Jean-Mathias Goerens, premier conseiller Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur et lu par le président Georges Kill en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

le greffier en chef le président 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16829C
Date de la décision : 30/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-12-00;16829c ?

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