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27/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16591

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 novembre 2003, 16591


Tribunal administratif N° 16591 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2003 Audience publique du 27 novembre 2003

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Recours formé par M. … et son épouse, Mme … contre une décision de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 en matière d’aides au logement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 19 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de M. … et de son épouse, Mme …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformat...

Tribunal administratif N° 16591 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2003 Audience publique du 27 novembre 2003

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Recours formé par M. … et son épouse, Mme … contre une décision de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 en matière d’aides au logement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 19 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. … et de son épouse, Mme …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du 20 mars 2003 prise par la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 concernant les aides au logement, approuvée par le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, par laquelle le remboursement d’une subvention d’intérêt relativement à leur logement leur a été demandé ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif au nom des demandeurs le 6 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître François MOYSE, ainsi que M. le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 20 mars 2003, Monsieur et Madame …-… se sont vus notifier une décision de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 concernant les aides au logement, ci-après dénommée la « commission », approuvée par le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, les informant de ce qui suit :

« Par la présente, la commission, instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 concernant les aides au logement et composée de MM. R. A., J-P. B., G. G.

2 et J. K., tient à vous informer que dans la séance du 20 mars 2003, elle a annulé, pour des raisons de forme, sa décision du 1er octobre 2001 et celle du 27 août 2002 dans la présente espèce.

La commission a encore décidé ce qui suit.

Elle est au regret de vous informer qu’elle doit rejeter votre aide en intérêts à partir du 1er avril 1999, étant donné que vous êtes propriétaires d’un deuxième logement.

En effet, les articles 11 et 14 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement disposent notamment que les primes et subvention d’intérêt ne sont accordées qu’aux ménages qui ne sont ni propriétaires ni usufruitiers d’un autre logement que celui faisant l’objet de l’habitation commune.

De ce fait, la subvention d’intérêt se réduit de la manière suivante :

Période Aides reçues par mois Aides dues par mois A rembourser Subvention d’intérêt 04/99-05/99 3.00% 8501.-

0.00% 0.- 2 x 8501.-

17002.-

06/99-12/99 3.00% 8503.-

0.00% 0.- 7 x 8503.-

59521.-

01/00-03/00 3.00% 8501.-

0.00% 0.- 3 x 8501.-

25503.-

04/00-04/00 3.00% 8499.-

0.00% 0.- 1 x 8499.-

8499.-

A rembourser : 110.525.-

soit en euros :

Période Aides reçues par mois Aides dues par mois A rembourser Subvention d’intérêt 04/99-05/99 3.00% 210,7343.-

0.00% 0.- 2 x 210,7343.-

421,47.-

06/99-12/99 3.00% 210,7839.-

0.00% 0.- 7 x 210,7839.-

1475,49.-

01/00-03/00 3.00% 210,7343.-

0.00% 0.- 3 x 210,7343.-

632,20.-

04/00-04/00 3.00% 210,6847.-

0.00% 0.- 1 x 210,6847.-

210,68.-

A rembourser : 2739,84.-

La présente décision a été prise à l’unanimité des voix.

La commission vous invite dès lors de bien vouloir rembourser le montant de 2.739,84 euros sur le compte numéro (…) ouvert au nom de la Trésorie de l’Etat – Aides au Logement auprès de la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat à Luxembourg. (…) ».

Le 19 juin 2003, les époux …-… ont introduit un recours tendant la réformation sinon à l’annulation de la prédite décision du 20 mars 2003.

Aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

3 A l’appui de leur recours, les demandeurs soulèvent en premier lieu l’exception d’illégalité du règlement grand-ducal du 7 mars 2003 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 fixant les mesures d’exécution relatives aux primes et subventions d’intérêt en faveur du logement prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, sur lequel baserait la décision litigieuse, en ce que contrairement à l’article 2 (1) de la loi modifiée du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat, selon lequel « (…) aucun projet de règlement pris pour l’exécution des lois et des traités [n’est](…) soumis au Grand-Duc qu’après que le Conseil d’Etat a été entendu en son avis », le règlement grand-ducal précité du 7 mars 2003 n’aurait pas été soumis à l’avis préalable du Conseil d’Etat. Admettant que l’urgence puisse justifier une dispense de l’avis du Conseil d’Etat, les demandeurs soutiennent qu’il ne serait pas suffisant de faire état de l’urgence, mais que cet état devrait être établi et qu’en l’espèce, il ne se dégagerait ni des éléments du dossier ni du susdit règlement en quoi aurait consisté cette urgence.

Dans ce contexte, le mandataire des demandeurs relève que dans le cadre d’une procédure contentieuse antérieure, dirigée contre des décisions prises par la commission à l’encontre de ses mandants – retirées par la suite et remplacées par la décision actuellement soumise au contrôle du tribunal administratif -, il aurait fait état d’un problème de répartition des compétences constitutionnelles, au motif que la loi précitée du 25 février 1979 prévoirait, dans son article 14, la possibilité du Grand-Duc de prendre un règlement pour déterminer les modalités d’exécution dudit article, mais que le règlement grand-ducal qui a été pris dans ce contexte, au lieu de régler lui même les modalités d’exécution des subventions d’intérêt, concernant plus particulièrement la détermination de la composition et du fonctionnement de la commission appelée à traiter des demandes, aurait confié cette mission au ministre ayant le Logement dans ses ressorts, contestation qui aurait amené les autorités administratives, « pour échapper à la nullité de la décision pour des raisons procédurales », à remédier au problème par la prise du règlement grand ducal précité du 7 mars 2003. Or, si l’initiative aurait été bonne, le mandataire des demandeurs critique cependant l’omission de la prise de l’avis du Conseil d’Etat, les problèmes relativement à la validité des règlements ministériels étant apparents depuis l’arrêt FABER pris par la Cour Constitutionnelle le 6 mars 1998, de sorte qu’il estime que l’autorité compétente n’aurait pas pu attendre cinq années pour réagir et invoquer utilement un état d’urgence pour faire avancer les choses.

Concernant ce premier moyen d’annulation, le délégué du gouvernement a pris position dans les termes suivants : « Suite aux remarques formulées par l’avocat dans un autre recours, en l’occurrence le recours n° 15642, la commission compétente a estimé utile d’annuler les décisions du 1er octobre 2001 et du 27 août 2002 concernant les époux … – ….

Dans ledit recours, la partie requérante a contesté la légalité du règlement ministériel du 21 février 2001 fixant la composition et le fonctionnement de la commission chargée d’instruire les demandes d’aides au logement. Jusque-là, le département du logement était toujours d’avis – comme il résulte d’ailleurs d’une note-circulaire du ministre aux Relations avec le Parlement du 18 mars 1998 et de la doctrine – que l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 6 mars 1998 (arrêt Faber) n’interdisait notamment pas un règlement grand-ducal attribuant les mesures d’exécution de ses propres dispositions à un règlement ministériel et qu’il n’y avait donc aucune nécessité d’insérer les règles sur le fonctionnement de la commission dans un règlement grand-ducal.

L’urgence a été incontestable après la démission d’un membre de la commission et de la personne chargée de la fonction de secrétaire de la commission. Le secrétaire de la 4 commission n’a pas pu être remplacé au début de l’année. Or, conformément au prédit règlement ministériel du 21 février 2001, toute décision respectivement tout avis de la commission doit aussi être signé par le secrétaire de la commission. En l’absence de secrétaire de la commission et vu le nombre impressionnant de décisions à prendre chaque semaine par la commission, des mesures ont dû être prises d’urgence pour sortir de la situation délicate.

Au lieu de maintenir un règlement ministériel – susceptible de donner encore lieu à d’innombrables discussions sur l’inconstitutionnalité de sa base légale -, il a été jugé indispensable et urgent d’insérer les dispositions sur le fonctionnement de la commission dans le prédit règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983, avec quelques aménagements pour que la commission puisse à nouveau fonctionner d’une manière valable (réduction du nombre des membres ; plus d’obligation pour le secrétaire de signer les décisions et avis), ce qui est dans l’intérêt de tous, et notamment dans l’intérêt de Monsieur …, qui a ainsi pu obtenir une décision nouvelle de la commission dans un délai très court.

Il n’était dès lors pas surprenant de constater que le Grand-duc, après avoir apprécié le critère de l’urgence, a considéré qu’il y a bel et bien urgence d’agir. En effet, sinon la commission n’aurait certainement pas pu fonctionner pendant des semaines ou même des mois, ce qui aurait eu des conséquences négatives pour beaucoup de personnes susceptibles d’être bénéficiaires d’aides au logement, respectivement pour celles où des aides au logement ont été arrêtées auparavant pour une raison ou une autre ».

En application de l’article 95 de la Constitution, les cours et tribunaux ne peuvent appliquer les règlements qu’autant qu’ils sont conformes aux lois.

Aux termes de l’article 2 (1) de la loi précitée du 12 juillet 1996 « aucun projet ni aucune proposition de loi ne sont présentés à la Chambre des députés et, sauf le cas d'urgence à apprécier par le Grand-Duc, aucun projet de règlement pris pour l'exécution des lois et des traités ne sont soumis au Grand-Duc qu'après que le Conseil d'Etat a été entendu en son avis ».

Il se dégage par ailleurs de la jurisprudence de la Cour administrative qu’« il appartient aux juridictions administratives de vérifier si, dans le cadre de la procédure d’élaboration d’un règlement grand-ducal, le cas d’urgence actuellement inscrit à l’article 2 (1) de la loi du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat peut être invoqué » (Cour adm. 25 octobre 2001, n° 13349C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Lois et règlements, n° 22).

Or, en l’espèce, il est constant que le règlement grand-ducal précité du 7 mars 2003, actuellement critiqué quant à sa légalité par voie d’exception, n’a pas été soumis à l’avis du Conseil d’Etat.

Il n’est pas non plus contestable qu’en tant que ledit règlement grand-ducal fixe la composition et le fonctionnement de la commission qui a pris la décision litigieuse, il est à considérer comme constituant, entre autres, la base de cette décision, de sorte que la légalité de l’acte réglementaire conditionne nécessairement celle de la décision individuelle soumise au contrôle du tribunal.

Ceci étant, les explications fournies par le délégué du gouvernement relativement à la justification du non recours à l’avis du Conseil d’Etat pour remplacer un règlement 5 ministériel, qui a été pris pratiquement 3 années après la consécration de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle par l’arrêt prévisé du 6 mars 1998, ne saurait, aux yeux du tribunal, suffire pour établir la célérité requise pour justifier la dispense de saisine du Conseil d’Etat.

En effet, le fait de la démission d’un membre de la commission et de la personne chargée de la fonction de secrétaire établit certes une urgence de pourvoir à leur remplacement afin de garantir le bon fonctionnement de la commission, mais cet état des choses reste sans incidence directe quant à la nécessité de remplacer d’urgence le règlement ministériel précité du 21 février 2001 par un règlement grand-ducal. - Dans ce contexte, il est oiseux d’examiner s’il était indispensable de procéder à ce remplacement, autrement dit d’examiner si la légalité dudit règlement ministériel n’était pas affectée par la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle en ce que le règlement ministériel n’empiétait pas sur les prérogatives du pouvoir exécutif pour ne régler que des questions de détail ou techniques, étant donné que dès lors que le pouvoir réglementaire estime nécessaire ou utile d’agir, il doit le faire en conformité des textes légaux.

En outre, le fait que le mandataire des demandeurs a questionné la légalité du règlement ministériel du 21 février 2001, lui même pris pratiquement 3 années après l’arrêt FABER, c’est-à-dire que les autorités compétentes ont dû agir en connaissance de cause, ne saurait pas non plus justifier une urgence de pourvoir à son remplacement moyennant la prise d’un règlement grand-ducal sans la consultation préalable de la Haute corporation.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le tribunal est amené à considérer le règlement grand-ducal sous-tendant la décision querellée comme entaché d’illégalité et, par voie de conséquence, d’annuler la décision de la commission du 20 mars 2003.

La décision litigieuse encourant l’annulation sur base des considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens et arguments développés par les demandeurs, cet examen devenant surabondant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié et, partant, annule la décision du 20 mars 2003 prise par la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 concernant les aides au logement et renvoie le dossier devant ladite commission ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

6 M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 27 novembre 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16591
Date de la décision : 27/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-27;16591 ?

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