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27/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16552

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 novembre 2003, 16552


Numéro 16552 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juin 2003 Audience publique du 27 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16552 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2003 pa

r Maître Robert LOOS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxem...

Numéro 16552 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juin 2003 Audience publique du 27 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16552 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2003 par Maître Robert LOOS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, conseil économique, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 17 mars 2003 portant rejet de sa demande en obtention d’une autorisation d’établissement pour la profession d’expert-

comptable respectivement d’accès au stage de trois ans ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 14 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Robert LOOS et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

Le 12 décembre 2002, Monsieur … introduisit auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après dénommé le « ministre », une demande en obtention d’une autorisation en vue de l’exercice de la profession d’expert-

comptable.

Suite à un avis négatif du 10 mars 2003 rendu par la commission instituée par l’article 2, alinéa 1er de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée par la « loi d’établissement », le ministre rendit en date du 17 mars 2003 une décision négative, motivée comme suit :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à notre correspondance concernant votre demande sous rubrique, qui a fait entretemps l’objet d’une nouvelle instruction administrative.

Comme votre diplôme ne sanctionne pas un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières il ne correspond pas aux exigences de l’article 19, (1), c) précité.

Dans ces conditions, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête pour défaut d’accomplissement des conditions de capacité professionnelle requises. » Par requête déposée le 13 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 17 mars 2003.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il est détenteur d’un diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) délivré par l’université de Nancy 2, et plus particulièrement, du certificat d’aptitude à l’administration des entreprises, qui serait reconnu comme étant un diplôme national français de troisième cycle équivalent au niveau « BAC + 5 » et que ladite université lui aurait attesté l’équivalence des conditions d’admission à ce diplôme post-universitaire avec un cycle d’études complet et continu de 4 années. Le demandeur fait ajouter que sur base des dispositions communautaires applicables en la matière, « l’Etat luxembourgeois doit reconnaître l’équivalence certifiée par un autre Etat membre et [de] prendre en considération les qualifications jugées suffisantes dans cet autre Etat membre si elles y sont admises comme étant d’un niveau équivalent à celles qui y sont normalement exigées ». Comme l’université de Nancy 2 lui a reconnu une équivalence à un cycle d’études complet et continu de quatre années, l’Etat luxembourgeois devrait reconnaître son diplôme comme équivalent à un diplôme d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures telles qu’exigées par l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement.

Le délégué du gouvernement expose tout d’abord que la demande de Monsieur … avait déjà fait l’objet de deux décisions ministérielles de refus rendues respectivement en date des 22 décembre 1997 et 30 mars 2000 et que la demande sous examen a fait l’objet en date du 10 mars 2003 d’un avis unanimement négatif de la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement. Le représentant étatique estime ensuite que la situation de Monsieur … devrait être examinée à la lumière des articles 1er, 3, alinéa 1er et 19 (1) c) de la loi d’établissement et que partant le demandeur devrait être titulaire d’un diplôme de fin d’études délivré par un Etat ou par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable, ou encore d’un diplôme d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences commerciales et en sciences financières, accompagné d’un stage de trois ans. Or, comme la formation de Monsieur … ne constituerait ni un diplôme de fin d’études délivré par un établissement supérieur reconnu par l’Etat français et certifiant sa qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable, ni un diplôme d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières, l’autorisation d’établissement sollicitée lui aurait été refusée à juste titre, le diplôme produit ne portant que sur une durée d’études d’une année. Dans ce contexte, il serait irrelevant que l’université de Nancy 2 estimerait que l’ensemble des études et de l’expérience professionnelle de Monsieur … équivaudrait à un cycle complet et continu de quatre années.

En ce qui concerne l’applicabilité des dispositions communautaires, et plus particulièrement de la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, ci-après dénommée la « directive », le représentant étatique relève que Monsieur … ne serait pas à considérer comme travailleur migrant, de sorte qu’il ne saurait bénéficier des dispositions de la directive. Pour le surplus Monsieur … ne remplirait pas non plus les conditions de la directive, étant donné que la formation suivie par le demandeur « ne constitue pas un diplôme ou titre au sens de la directive et ne sanctionne pas un cycle d’études postsecondaires d’une durée minimale de trois ans, effectué dans une université, un établissement d’enseignement supérieur ou un établissement de même niveau de formation, accompagné du stage professionnel complémentaire requis en France en plus du cycle d’études postsecondaires, et ne prépare en outre pas à l’exercice de la profession d’expert-comptable ».

Dans son mémoire en réplique, le demandeur conclut à l’applicabilité de la directive en sa qualité de citoyen européen invoquant dans un Etat membre un diplôme d’enseignement supérieur acquis dans un autre Etat membre que celui dans lequel il entend exercer la profession désirée. Pour le surplus, Monsieur … réexpose qu’il serait détenteur d’un diplôme équivalent à un cycle d’études universitaires continu et complet d’au moins trois années, de sorte que les conditions posées par l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement seraient de toute façon remplies et que la décision ministérielle attaquée devrait partant encourir l’annulation.

L’article 19 (1) c) de la loi d’établissement, tel que modifié par l’article 43 de la loi du 10 juin 1999 portant organisation de la profession d’expert-comptable, énonce que « la qualification professionnelle des experts-comptables indépendants résulte de la possession de l’un des diplômes précisés ci-après et de l’accomplissement d’un stage de trois ans. Il en est de même des experts-comptables dont la qualification professionnelle est nécessaire aux sociétés aux fins d’autorisation d’établissement.

Sont considérés comme diplômes au sens de l’alinéa qui précède :

1. les diplômes de fin d’études délivrés par un Etat ou un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable, et 2. les diplômes d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières.

Les modalités d’accomplissement du stage peuvent être fixées par règlement grand-ducal.

Les présentes dispositions ne préjudicient pas aux exigences particulières des lois fiscales à l’égard des personnes dont l’activité professionnelle consiste à donner des consultations en matière fiscale et à représenter les contribuables auprès des administrations et instances fiscales ».

Afin de prospérer dans sa requête à être admis à exercer au Grand-Duché la profession d’expert-comptable, le demandeur doit partant pouvoir se prévaloir soit d’un diplôme de fin d’études délivré par un Etat ou un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable, soit d’un diplôme d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières.

Or, en l’espèce, le demandeur ne soutient même pas que son diplôme d’études supérieures spécialisées, et plus précisément le certificat d’aptitude à l’administration des entreprises délivré par l’université de Nancy 2, serait constitutif d’un diplôme de fin d’études délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat français et certifiant sa qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-

comptable, mais son argumentation tend en substance à voir reconnaître que son diplôme doit être considéré comme sanctionnant un cycle complet de trois années d’études au moins, au vu de l’attestation délivrée par l’université de Nancy 2 lui certifiant l’équivalence avec un cycle d’études complet et continu de quatre années.

Force est cependant de constater que l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement retient comme critère exclusivement la durée du cycle d’études effectivement suivie par le candidat et qui doit correspondre à trois années au moment de sa délivrance et que ladite loi d’établissement ne comporte aucune disposition transitoire qui permettrait d’assimiler des études accomplies en une année académique, fussent elles post-universitaires, à un cycle complet de trois années.

Il s’ensuit que le certificat d’aptitude à l’administration des entreprises présenté par le demandeur ne répond pas aux exigences de l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement.

Concernant l’applicabilité de la directive au cas d’espèce, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement soutient que le demandeur ne peut pas bénéficier des dispositions de ladite directive étant donné que Monsieur … n’est pas à considérer comme travailleur migrant.

En effet, il ressort clairement du dixième considérant et de l’article 2, premier alinéa de la directive que celle-ci ne s’applique qu’aux ressortissants d’un Etat membre voulant exercer à titre indépendant ou salarié une profession réglementée dans un Etat membre autre que son Etat membre d’origine et qu’elle ne vise pas à modifier les dispositions applicables aux personnes qui exercent une profession sur le territoire d’un Etat membre (voir arrêt C.J.C.E., Kapasakalis, C-225/95 du 2 juillet 1998, point 19).

Pour le surplus, aux termes de l’article 3 de la directive : « Lorsque dans l’Etat membre d’accueil, l’accès à une profession réglementée où son exercice est subordonné à la possession d’un diplôme, l’autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d’un Etat membre, pour défaut de qualification, d’accéder à cette profession ou de l’exercer dans les mêmes conditions que les nationaux : (…)».

Partant ledit article 3 fait une distinction claire entre les ressortissants d’un Etat membre et les nationaux et il tend à éviter toute discrimination entre un ressortissant d’un Etat membre désirant exercer sa profession dans un autre Etat membre et un national de cet Etat membre, en l’espèce un citoyen luxembourgeois et il ne vise pas la situation de l’exercice d’une profession réglementée par un Luxembourgeois au Luxembourg, c’est-à-

dire une situation purement interne. Par conséquent la décision ministérielle de refus est légalement justifiée également eu égard aux dispositions de la prédite directive.

Il s’ensuit que la décision ministérielle de refus est légalement justifiée tant au regard des dispositions de l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement que des dispositions de la directive et le recours est à rejeter pour manquer de fondement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 27 novembre 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16552
Date de la décision : 27/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-27;16552 ?

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