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26/11/2003 | LUXEMBOURG | N°17099

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 novembre 2003, 17099


Numéro 17099 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 octobre 2003 Audience publique du 26 novembre 2003 Recours formé par les époux .. et .. ..-.. et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17099 du rôle, déposée le 28 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jeannot BIVER, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

Numéro 17099 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 octobre 2003 Audience publique du 26 novembre 2003 Recours formé par les époux .. et .. ..-.. et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17099 du rôle, déposée le 28 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jeannot BIVER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur .., né le …, et de son épouse, Madame .., née le …, agissant tant en leur nom propre qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs .. et .. .., tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 septembre 2003 déclarant leur nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié politique irrecevable;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 novembre 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Jeannot BIVER, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 novembre 2003.

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Le 14 juillet 1999, Monsieur .. et son épouse, Madame .., introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux ..-.. furent entendus séparément en date du 15 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux ..-.. par décision du 20 août 2001, leur notifiée le 14 janvier 2002, de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Par requête déposée le 22 mars 2002, les époux ..-.. firent introduire à l’encontre de cette décision ministérielle du 20 août 2001 un recours contentieux qui fut déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 2 octobre 2002 (n° 14717 du rôle), confirmé par arrêt de la Cour administrative du 9 janvier 2003 (n° 15468C du rôle).

A travers un courrier de leur mandataire du 5 mars 2003, les époux ..-.. présentèrent au ministre de la Justice « une nouvelle demande en réexamen » de leur situation en se fondant sur des éléments par eux qualifiés de nouveaux.

Madame .. fut entendue en date du 5 juin 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa nouvelle demande d’asile, tandis que l’audition correspondante de Monsieur .. eut lieu le 23 septembre 2003.

Le ministre de la Justice informa les époux ..-.. par décision du 26 septembre 2003, leur notifiée par courrier recommandé du 7 octobre 2003, de ce que leur demande avait été déclarée irrecevable, conformément à l’article 15 (1) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, sur base des motifs suivants :

« Vous aviez déposé une première demande en obtention du statut de réfugié le 14 juillet 1999.

Vous aviez invoqué, Monsieur, à la base de votre demande, votre insoumission puisque vous auriez refusé d'aller à la réserve, malgré un appel reçu. Vous aviez aussi invoqué des problèmes dus à votre appartenance au SDA et notamment des mauvais traitements au commissariat. Finalement, vous aviez prétendu que les musulmans n'auraient aucun droit et que votre frère aurait été tué pendant la guerre de Bosnie.

Vous, Madame, vous aviez dit que vous n'aviez pas de travail fixe, et que les problèmes de votre mari avaient rejailli sur vous.

Dans vos auditions au Ministère de la Justice les 5 juin et 23 septembre 2003, vous donnez, à l'appui de votre seconde demande, une version totalement différente des faits.

Vous, Madame, vous dites que de 1993 à 1999, vous auriez travaillé à l'armée bosniaque, dans différents services. Le 23 avril 1999, vous auriez été violée par votre supérieur hiérarchique, un certain ….

Vous auriez aussi été soupçonnée d'espionnage au profit des Croates.

Vous, Monsieur, reconnaissez que vous connaissiez les soupçons d'espionnage qui pesaient sur votre épouse, mais vous dites n'avoir été mis au courant du viol que plus tard, quand vous étiez déjà au Luxembourg. Vous n'auriez pas parlé de la profession de votre épouse dans la première audition à la demande de cette dernière.

D'après l'article 15 de la loi modifiée du 11 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2.) d'un régime de protection temporaire, « le ministre de la Justice considérera comme irrecevable la nouvelle demande d'une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d'après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après une décision négative prises au titre des articles 10 et 11 qui précèdent» Force est cependant de constater que si, effectivement les éléments que vous apportez à la base de votre nouvelle demande sont nouveaux par rapport à ceux invoqués lors des premières auditions, aucun des ces nouveaux éléments n'est postérieur à la prise de décision négative du 20 août 2001, ni à l'arrêt de la Cour Administrative du 9 janvier 2003.

Il ressort simplement de votre nouvelle demande que vous avez, l'un comme l'autre, fait des déclarations mensongères lors de vos premières auditions.

En outre, ces éléments, même à les supposer nouveaux, ne comportent pas de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécutions.

Par conséquent votre demande est irrecevable au sens de l'article 15 de loi modifiée du 3 avril 1996 ».

A l’encontre de cette décision ministérielle du 26 septembre 2003, les époux ..-.. ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 28 octobre 2003.

Etant donné que l’article 15 (2) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, dispose qu’une décision ministérielle déclarant irrecevable une nouvelle demande d’asile est susceptible d’un recours en annulation, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir qu’ils n’auraient pas dévoilé les véritables motifs de leur demande d’asile lors de leur première audition du 15 juillet 1999 qui eut lieu le lendemain de leur arrivée après un voyage pénible de plusieurs jours. Ils exposent que Madame .. aurait été violée durant son service militaire au mois d’avril 1999 par un supérieur hiérarchique alors qu’elle était enceinte de six mois, mais qu’elle n’aurait mis Monsieur .. au courant de ce viol qu’à la fin de l’année 2002, de manière qu’elle aurait refusé de révéler la vérité lors de sa première audition. Ils affirment que Madame .. aurait en réalité revêtu au sein de l’armée de la République de Bosnie-Herzégovie la fonction d’opérateur dactylo au secrétariat général de la défense nationale, qu’elle aurait été soupçonnée plus particulièrement dans le cadre de sa dernière affectation au commandement de l’enseignement et de la doctrine d’être un espion à la solde des Croates, vu qu’elle aurait travaillé sous les ordres du brigadier croate … dont le supérieur hiérarchique aurait été Monsieur … , d’origine bosniaque, et que cette cohabitation entre supérieurs d’origines différentes aurait créé des tensions quotidiennes lesquelles se seraient répercutées particulièrement sur Madame … Les demandeurs exposent que Madame .. aurait été violée le 22 avril 1999 au soir par le colonel … , qui l’aurait menacée avec un pistolet braqué sur sa tempe et lui aurait interdit de révéler quoi que ce soit en la menaçant de mort, et qu’elle se serait rendue aux urgences le lendemain par peur pour son bébé, mais que la présence de son mari l’aurait empêché de dévoiler l’existence du viol au médecin. Les demandeurs concluent qu’au vu de tous ces éléments nouveaux et du risque pour leur vie du fait que le colonel … disposerait des moyens nécessaires pour les faire liquider en cas de besoin, le ministre de la Justice aurait dû reconsidérer leur demande d’asile et reconnaître l’existence d’une crainte fondée de persécution dans leur chef.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 15 (1) de la loi susvisée du 3 avril 1996, « le Ministre de la Justice considérera comme irrecevable la nouvelle demande d'une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d'après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après une décision négative prise au titre des articles 10 et 11 qui précèdent ».

Le droit à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction d’une demande d’asile est ainsi conditionné par la soumission d’éléments qui, d’une part, doivent être postérieurs à la décision ministérielle de rejet de la demande initiale et, d’autre part, comporter des indications sérieuses d’une crainte fondée de persécutions.

En l’espèce cependant, les faits nouvellement invoqués par les demandeurs, à savoir les tensions et les soupçons auxquels Madame … aurait été exposée au sein de l’armée et son viol par un supérieur hiérarchique, sont antérieurs tant à la décision ministérielle initiale du 14 janvier 2002 qu’à l’arrêt de la Cour administrative du 9 janvier 2003.

Or, dans la mesure où l’article 15 (1) précité érige en condition d’admissibilité la postériorité des faits nouvellement invoqués à une première décision négative sans prévoir d’exception en faveur de faits antérieurs eu égard à certaines situations particulières, le ministre a valablement pu déclarer la nouvelle demande d’asile des demandeurs irrecevable sur base de l’article 15 (1) précité au motif tiré de l’antériorité des faits nouvellement avancés par rapport aux premières décisions de refus posées en cause.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 novembre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17099
Date de la décision : 26/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-26;17099 ?

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