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26/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16846

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 novembre 2003, 16846


Tribunal administratif N° 16846 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2003 Audience publique du 26 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16846 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 août 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … de nationalité portugaise, actuellement détenu au C

entre pénitentiaire à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une déc...

Tribunal administratif N° 16846 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2003 Audience publique du 26 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16846 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 août 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … de nationalité portugaise, actuellement détenu au Centre pénitentiaire à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 19 mai 2003, lui notifiée le 28 mai 2003, par laquelle l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg lui ont été refusés et lui enjoignant de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 août 2003 ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 novembre 2003.

Le 19 mai 2003, le ministre de la Justice prit à l’égard de Monsieur … une décision de refus d’entrée et de séjour au Grand-Duché de Luxembourg. La décision est libellée de la façon suivante :

« Vu l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu le rapport n° 55095/2003 du 15 janvier 2003 établi par la police grand-ducale ;

Attendu que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

Attendu que l’intéressé est susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics ;

Arrête :

Art. 1er.- L’entrée et le séjour sont refusés au nommé …, né à …, de nationalité portugaise, actuellement détenu.

L’intéressé devra quitter le pays dès notification du présent arrêté, et en cas de détention, immédiatement après la mise en liberté ».

La décision fut notifiée en date du 28 mai 2003 à Monsieur…, se trouvant détenu au Centre pénitentiaire à Schrassig.

Le 7 août 2003, Monsieur… a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 19 mai 2003.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En premier lieu Monsieur… fait valoir que la décision du 19 mai 2003 ne serait pas suffisamment motivée.

Même à admettre que la décision litigieuse n’a pas été suffisamment motivée au moment où elle a été prise, cette éventuelle insuffisance de motivation a été comblée utilement en cours de la procédure contentieuse par les pièces versées au dossier, de sorte que le moyen soulevé ayant trait à un défaut de motivation est à écarter, étant donné que le demandeur, au plus tard au vu dossier soumis au tribunal, n’a pas pu se méprendre sur le contenu de la décision lui notifiée.

En second lieu, le demandeur fait valoir qu’il habiterait depuis plus de quinze ans au Luxembourg et qu’il y aurait toujours disposé d’une autorisation de séjour, ainsi que d’une carte d’identité d’étranger. Il prétend qu’en prenant la décision litigieuse, le ministre de la Justice lui aurait retiré une décision créatrice de droits, de sorte que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes aurait dû être appliqué.

Il ajoute qu’avant de prendre la décision litigieuse, le ministre aurait dû prendre l’avis de la commission consultative, étant donné que son cas serait identique à une affaire jugée par le tribunal administratif le 15 avril 1998 ayant retenu que l’obligation de prendre cet avis existerait dans le cas d’un étranger, tombant sous le coup d’une décision d’expulsion, qui séjournerait sur le territoire luxembourgeois en attente de la délivrance d’une carte d’identité. Il demande au tribunal de réformer, sinon d’annuler la décision litigieuse pour non-respect de ces deux formalités.

Force est au tribunal de constater que les affirmations du demandeur quant à son séjour prolongé au pays et quant à la validité de ses papiers ne sont ni étayées par des pièces versées au dossier, ni ont-elles été réaffirmées ou explicitées au cours de l’audience à laquelle l’affaire a été retenue pour plaidoiries, étant donné que Maître STOFFEL ne s’est pas présentée à l’audience.

Il y a dès lors lieu de retenir, au vu des pièces versées au dossier par le délégué du Gouvernement, que Monsieur… fut titulaire d’une carte de séjour valable du 4 juin 1997 au 4 juin 2002. Il en résulte qu’au moment de la prise de la décision litigieuse du 19 mai 2003, Monsieur… n’était plus en possession d’une carte de séjour valable, celle-ci ayant perdu sa validité le 5 juin 2002. La décision litigieuse du 19 mai 2003 ne peut dès lors pas être qualifiée d’une décision de retrait, mais s’analyse en une simple décision de refus d’entrée et de séjour au Luxembourg.

Etant donné que le ministre de la Justice n’est s’est donc pas proposé de « révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant crée ou reconnu des droits à une partie », l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’est pas applicable et le moyen soulevé à ce titre est partant à rejeter.

Quant au moyen soulevé ayant trait à l’absence de l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers, il y a lieu de vérifier dans quelles situations cet avis doit obligatoirement être pris. A ce titre l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers précise :

« Art. 1er. L’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers sera, sauf urgence, obligatoirement pris avant toute décision portant 1° refus de renouvellement de la carte d’identité d’étranger 2° retrait de la carte d’identité ;

3° expulsion du titulaire d’une carte d’identité valable ;

4° révocation de l’autorisation temporaire de séjour ;

5° éloignement d’un réfugié reconnu au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ou d’un apatride au sens de la Convention de New York du 28 septembre 1954 se trouvant régulièrement au pays ».

Etant donné qu’il est constant en cause que la décision litigieuse s’analyse en une décision de refus d’entrée et de séjour, elle n’est pas visée par une des cinq hypothèses énumérées de façon limitative par l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972, de sorte que la prise d’un avis de ladite commission n’était pas obligatoire et que le moyen afférent est dès lors à écarter.

Quant au fond, le demandeur soulève en premier lieu que la décision litigieuse ne pourrait retenir un défaut de moyens personnels dans son chef, étant donné qu’il habiterait encore chez sa mère, laquelle continuerait à le soutenir financièrement jusqu’à l’obtention d’un emploi rémunéré. De même son père et la nouvelle compagne de son père se seraient engagés à le supporter financièrement.

Quant au deuxième motif, à savoir que l’intéressé constituerait par son comportement personnel un danger pour l’ordre et la sécurité publics, il fait valoir que cet état des choses ne serait aucunement prouvé, étant donné qu’il serait seulement majeur depuis peu et qu’il aurait jusqu’alors toujours payé pour les infractions qu’il a commises.

Il ajoute qu’il serait encore jeune, qu’il aurait compris la leçon que les tribunaux luxembourgeois lui ont donnée et qu’il aurait pris la décision ferme et définitive d’améliorer sa situation.

Le texte réglementaire applicable à l’affaire soumise au tribunal est l’article 9 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, dont les dispositions pertinentes ont la teneur suivante :

« La carte de séjour ne peut être refusée ou retirée aux ressortissants énumérés à l’article 1er et une mesure d’éloignement du pays ne peut être prise à leur encontre que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, sans préjudice de la disposition de l’article 4, alinéa 3. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures.

(…) Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet » Etant donné que l’article en question énumère de façon limitative les motifs permettant au ministre de refuser une carte de séjour à un ressortissant communautaire, à savoir des motifs tenant à l’ordre public, la sécurité publique et la santé publique, la prise en compte des moyens d’existence personnels n’étant admise que dans le cadre d’un premier renouvellement d’un titre de séjour, le ministre n’a pas pu fonder sa décision sur l’absence de moyens d’existence personnels.

Il y a dès lors lieu d’analyser si le ministre a pu refuser l’autorisation de séjour à Monsieur… en invoquant la réserve d’ordre public.

Il y a lieu de rappeler que le principe de libre circulation qui constitue l’un des fondements du traité CE a été assorti d’une réserve (article 39, § 3 (ex-article 48, § 3) du traité CE) : le droit pour les Etats de refuser à un ressortissant communautaire l’accès ou le séjour sur son territoire pour des raisons touchant à l’ordre public.

La directive 64/221/CEE du 25 février 1964 du Conseil pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique impose aux Etats membres un certain nombre de conditions de fond et de forme en matière de police des étrangers à l’observation desquelles veille la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE).

L’article 3 de la directive 64/221/CEE du Conseil précise en son paragraphe 1 que les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet et dans son paragraphe 2 que la seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures. Ces dispositions ont été transposées en droit national par le règlement grand-

ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales et plus précisément par son article 4 cité ci-avant.

La CJCE a été amené à élaborer en matière d’ordre public une œuvre considérable, dont l’examen ne peut être dissocié de celui de la directive 64/221/CEE du 25 février 1964.

Dans son arrêt Bouchereau du 27 octobre 1977 (Aff. 30/77) elle a précisé, par référence à son arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974 (Aff. 41/74), qu’en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des travailleurs, la notion d’ordre public doit être entendue strictement, étant acquis qu’elle est susceptible de varier d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre, de sorte qu’il convient de reconnaître aux autorités nationales compétentes une marge d’appréciation dans les limites imposées par le traité et les dispositions prises pour son application.

Ainsi des « restrictions ne sauraient être apportées aux droits des ressortissants des Etats membres d’entrer sur le territoire d’un autre Etat membre, d’y séjourner et de s’y déplacer que si leur présence ou leur comportement personnel constitue une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public. » (arrêt RUTILI, CJCE, 28 octobre 1975, aff. 36/75) A préciser que le pouvoir étatique en matière de police des étrangers à l’égard d’étrangers délinquants est en plus limité par la règle selon laquelle la « seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver » des décisions de refus d’entrée et de séjour et des décisions d’éloignement.

Il y a donc lieu d’examiner si le comportement personnel de Monsieur… constitue une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public luxembourgeois.

A ce titre, le ministre fait référence aux antécédents judiciaires du demandeur, antécédents qui ont été précisés en cours de procédure contentieuse.

En effet il résulte des pièces versées au dossier, que Monsieur…, âgé de 22 ans, a été condamné par le tribunal correctionnel de Luxembourg le :

 23 avril 2001 à 3 mois de prison et à une amende de 22000 luf pour usage illicite d’un stupéfiant, etc commis en date du 14 avril 2000 ;

 21 février 2002 à 6 mois de prison et à une amende de 600 € pour vol à l’aide d’effraction et d’escalade, commis le 18 juin 2002 ;

 le 6 juin 2002 à 6 mois de prison, à une interdiction de conduire de 63 mois et à une amende de 800 € pour :

- vol, usage illicite d’un stupéfiant, détention d’un stupéfiant pour l’usage personnel, non titulaire d’un permis de conduire valable, commis le 10 juin 2000, - avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,35 mg par litre d’air expiré, en l’espèce 0,42 mg/L, inobservation d’un signal lumineux rouge, défaut de se comporter raisonnablement et prudemment, délit de fuite, non titulaire d’un permis de conduire valable, vol d’usage, commis le 20 juillet 2000 ;

 le 6 juin 2002 à 18 mois de prison, à une interdiction de conduire de 36 mois et à une amende de 1000 € pour :

- recel, non titulaire d’un permis de conduire valable, commis entre le 9 novembre 2001 et 20 décembre 2001, - vol à l’aide d’effraction et d’escalade, commis entre le 19 décembre 2001 et 20 décembre 2001, - délit de fuite, défaut de se comporter raisonnablement et prudemment, commis le 30 novembre 2001, - vol à l’aide d’effraction, commis le 2 décembre 2001, fraude à pompiste, commis le 9 décembre 2001.

Les faits ayant fait l’objet de ces condamnations se sont donc étalés sur une période d’avril 2000 à décembre 2001.

Pour le surplus il résulte d’un rapport dressé le 15 janvier 2003 par la police grand-ducale, région de Luxembourg, du centre d’intervention « Gare » que lors d’un contrôle d’identité, Monsieur… a essayé sur le chemin menant au centre d’intervention de se débarrasser d’un sac contenant 12,6 grammes de marihuana. Il en ressort en outre que « Bei… handelt es sich um einen der zahlreichen portugiesischen Staatsbürger, welche ohne Wohnsitz sind, keiner Arbeit nachgehen, im Bahnhofviertel- bzw. im Centre Aldringer Luxemburg in der Drogenszene umhergeistern, und ihren Lebensunterhalt als kleiner Dealer, Vermittler oder mit anderen kleinen Gaunereien bestreiten.

… wurde auf die fremdenpolizeilichen Bestimmungen aufmerksam gemacht, er konnte jedoch keinerlei Entschuldingsgrund vorbringen, sondern zuckte lediglich mit den Schultern. Er sagte in französischer Sprache, dass er zur Zeit auf der Strasse leben würde und kein Geld besitzt. Was jedoch nicht der Wahrheit entspricht, da derselbe gut gekleidet und gepflegt aussieht.

Ausserdem gab er an die Fremdenkarte seit längerem verloren zu haben ».

L’ensemble de ces faits ainsi relevés par le délégué du Gouvernement, démontrent non seulement que Monsieur… a sur un laps de temps très court commis plusieurs infractions à la législation en vigueur au Luxembourg, mais également que celui-ci, malgré les trois condamnations intervenues à son égard, n’a pas compris « la leçon qui lui a été donnée par les tribunaux luxembourgeois » et qu’il n’a pas « pris la décision ferme et définitive d’améliorer sa situation », étant donné qu’il ressort du rapport de police dressé en janvier 2003 que Monsieur… a persévéré avec ses contacts avec le milieu de la drogue et qu’il n’a avancé aucune explication permettant d’excuser son comportement et d’en déduire qu’il serait prêt à l’avenir de modifier son comportement peu soucieux du respect de la loi.

Il s’en suit que Monsieur… constitue par son comportement personnel une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public luxembourgeois, malgré la référence erronée dans la décision litigieuse à la simple « susceptibilité » de compromettre la sécurité et l’ordre publics, de sorte que le ministre de la Justice a pu légalement invoquer la réserve d’ordre public pour refuser à Monsieur… le séjour au Luxembourg et pour prendre une mesure d’éloignement à son encontre.

Ensuite Monsieur… fait valoir que la décision litigieuse serait disproportionnée, étant donné qu’il aurait vécu quasiment toujours au Luxembourg, que toute sa famille y habiterait, de même que sa fiancée laquelle aurait donné naissance à leur deuxième enfant commun et que de la sorte l’ampleur de l’atteinte à la vie familiale serait beaucoup plus grande que l’éventuel risque d’atteinte qu’il pourrait porter à l’ordre public luxembourgeois. A ce titre il conclut que la décision entreprise constituerait une ingérence illégale, respectivement une violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

L’article 8 de la CEDH a la teneur suivante : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’il est vrai que le tribunal se livre, dans le cas où l’article 8 de la CEDH est invoqué, à un contrôle de proportionnalité entre les buts en vue desquels les mesures critiquées sont prises et le droit des personnes qui en font l’objet au respect de leur vie familiale et que la prise en compte de la vie familiale peut le cas échéant avoir une conséquence sur la détermination du moment à partir duquel sera dépassé la zone de tolérance imposée à l’Etat d’accueil et atteint le seuil de particulière gravité justifiant les mesures critiquées, il n’en reste pas moins qu’il incombe d’abord au demandeur d’établir l’existence de la vie familiale invoquée.

A ce titre, force est de constater qu’au-delà des simples affirmations y relatives du demandeur, il ne résulte pas du dossier soumis au tribunal que Monsieur… serait fiancé ou père de deux enfants. Il y a donc lieu de retenir que Monsieur…, célibataire selon les seules pièces dont dispose le tribunal, n’a pas rapporté la preuve de l’existence d’une vie familiale, faute d’avoir versé une pièce quelconque ou apporté des précisions supplémentaires à ce sujet, mettant le tribunal dans l’impossibilité de statuer utilement par rapport au moyen ainsi soulevé, de sorte qu’il est à écarter.

En dernier lieu, le demandeur fait encore valoir que la décision serait illégale dans la mesure où elle ne lui laisserait aucun délai pour quitter le territoire et pour lui permettre de prendre les dispositions élémentaires.

La décision critiquée précise à ce sujet que « l’intéressé devra quitter le pays dès notification du présent arrêté, et en cas de détention, immédiatement après la mise en liberté ».

Etant donné qu’il est constant en cause que Monsieur… était détenu au Centre pénitentiaire à Schrassig au moment de la notification de la décision et qu’il devra dès lors quitter le territoire immédiatement après sa mise en liberté, la décision lui imparti dès lors bel et bien un délai pour quitter le territoire et pour prendre ses dispositions élémentaires, à savoir un délai aussi long que celui de sa détention.

De tout ce qui précède, il résulte que le recours en annulation est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 novembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16846
Date de la décision : 26/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-26;16846 ?

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