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26/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16403

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 novembre 2003, 16403


Numéro 16403 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mai 2003 Audience publique du 26 novembre 2003 Recours formé par Monsieur .., … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16403 du rôle, déposée le 7 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur .., né le … (Kosovo), demeurant actuel...

Numéro 16403 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mai 2003 Audience publique du 26 novembre 2003 Recours formé par Monsieur .., … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16403 du rôle, déposée le 7 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur .., né le … (Kosovo), demeurant actuellement à L- …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision implicite de rejet du ministre de la Justice suite au silence par lui observé face à son recours gracieux contre une décision du même ministre du 29 novembre 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision initiale en cause;

Vu la déclaration du 3 novembre 2003 suivant laquelle Maître Valérie DUPONG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, s’est constitué au nom de Monsieur .. en remplacement de Maître Sarah TURK;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Georges WEILAND, en remplacement de Maître Sarah TURK, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 novembre 2003.

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Le 24 septembre 2002, Monsieur .., préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur .. fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur .. fut entendu en date du 27 novembre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur .. par décision du 29 novembre 2002, notifiée par courrier recommandé du 3 décembre suivant, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 2 janvier 2003 n’ayant jusqu’à ce moment pas encore fait l’objet d’une décision, Monsieur .. a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision implicite de rejet résultant du silence observé par le ministre de la Justice face au dit recours gracieux par requête déposée le 7 mai 2003.

Le ministre de la Justice rejeta le recours gracieux du 2 janvier 2003 par décision confirmative du 13 mai 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, appartenant à la communauté albanaise du Kosovo et originaire de la ville de Mitrovica, fait valoir qu’il se serait « trouvé entre deux feux, celui des Albanais et des Serbes », étant donné que les Albanais lui reprocheraient d’avoir, en tant que propriétaire d’une station de lavage, accepté de laver avant le déclenchement de la guerre du Kosovo les voitures de la police serbe et d’avoir refusé de collaborer avec eux pour passer des armes. Il soutient que le fait de ne pas avoir porté plainte auprès de la KFOR devrait rester sans incidence sur sa demande d’asile, de même que la possibilité de fuite interne avancée par le ministre, alors qu’il n’aurait pas pu s’installer ailleurs pour des raisons d’ordre familial et professionnel.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 27 novembre 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le demandeur fait état de sa crainte de voir commettre des actes de violence à son encontre par des Albanais du Kosovo et estime que la crainte afférente pourrait être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié politique au vu de la situation instable et non sécurisée au Kosovo.

Force est dès lors de constater que le demandeur se prévaut d’actes de persécution émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains groupements de la population, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s).

Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, si le demandeur a fait état de pressions et de menaces de la part d’Albanais, il n’a soumis aucun indice concret de l’incapacité, encore à l’heure actuelle, des autorités compétentes de lui fournir une protection adéquate, voire allégué une démarche concrète en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place. Il en résulte que le demandeur n’a pas dûment établi l’incapacité des autorités en place de lui assurer une protection adéquate.

S’y ajoute que les craintes exprimées par le demandeur se cristallisent essentiellement autour d’un endroit précis et qu’il reste en défaut d’établir qu’il ne peut trouver refuge, à l’heure actuelle, dans une autre partie de son pays d’origine, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité sans restriction territoriale (cf. trib. adm. 12 mars 2003, n° 16010, non encore publié).

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 novembre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16403
Date de la décision : 26/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-26;16403 ?

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