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26/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16285,16330,16331

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 novembre 2003, 16285,16330,16331


Tribunal administratif N° 16285,16330 et 16331 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 15 et 24 avril 2003 Audience publique du 26 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Intérieur en matières d’accès au dossier administratif et de discipline

JUGEMENT

I.

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16285 du rôle, et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 avril 2003 par Maître Claude GEIBEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi

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Tribunal administratif N° 16285,16330 et 16331 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 15 et 24 avril 2003 Audience publique du 26 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Intérieur en matières d’accès au dossier administratif et de discipline

JUGEMENT

I.

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16285 du rôle, et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 avril 2003 par Maître Claude GEIBEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, commissaire de police, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision implicite de rejet du ministre de l’Intérieur visant la communication d’une décision dudit ministre du 29 novembre 2002 ayant prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la rétrogradation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2003 ;

II.

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16330 du rôle, et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 avril 2003 par Maître Claude GEIBEN, au nom de Monsieur …, préqualifié, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 2003 portant refus de notification de ladite décision ministérielle du 29 novembre 2002 ;

III.

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16331 du rôle, et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 avril 2003 par Maître Claude GEIBEN, au nom de Monsieur …, préqualifié, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 26 février 2003 portant refus de notification de ladite décision ministérielle du 29 novembre 2002 ;

II. & III.

Vu les mémoires en réponse du délégué du gouvernement déposés au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2003 ;

I., II. & III.

Vu le courrier de Maître Alex BODRY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposé au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2003, portant information qu’il a mandat d’occuper pour le demandeur en remplacement de Maître Claude GEIBEN ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Alex BODRY et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

En date du 29 novembre 2002, sur avis du conseil de discipline de la force publique du 15 novembre 2002, le ministre de l’Intérieur prononça à l’encontre de Monsieur … la peine disciplinaire de la rétrogradation, « aucune promotion ne pouvant intervenir pendant une année ».

Ladite décision fut transmise au directeur de la circonscription régionale de la police à Grevenmacher pour notification à l’intéressé conformément à l’article 32, alinéa 2, a) de la loi du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force Publique.

Il ressort d’un courrier du 16 janvier 2003 de Monsieur P. S., premier commissaire divisionnaire, à l’adresse du directeur général de la police grand-ducale que le demandeur « n’avait nullement l’intention d’accepter les documents en question [arrêté disciplinaire du 29 novembre 2002] et encore moins d’en accuser la réception. D’après lui, tout courrier serait dorénavant à adresser directement à son avocat et conseil, Maître C. G. (…). Le 8 janvier vers 11.00 heures, l’inspecteur-chef … s’est présenté en mon bureau pour me confirmer exactement ce qu’il m’avait déjà signalé au téléphone 2 jours plus tôt ».

Suivant courrier du 8 janvier 2003 à l’adresse du ministre de l’Intérieur et de la direction de la police grand-ducale, Maître C. G., mandataire à l’époque de Monsieur …, protesta contre la sanction disciplinaire du 29 novembre 2002 et sollicita la notification d’une « quelconque sanction » qui aurait été prise à l’encontre de son mandant.

Par courrier du 6 février 2003, expédié le 10 février 2003, le ministre de l’Intérieur répondit ce qui suit :

« Maître, En réponse à votre courrier du 8 janvier 2003, réf. no CG/dh ayant trait à la procédure disciplinaire engagée à l’encontre du fonctionnaire de police …, j’ai l’honneur de vous informer que votre mandant a encouru la peine disciplinaire de la rétrogradation prononcée par arrêté ministériel du 29 décembre 2002 (sic), basée sur un avis du Conseil de discipline de la Force Publique du 15 novembre 2002.

Le Directeur de la Circonscription Régionale de Grevenmacher, qui est le supérieur disciplinaire de l’inspecteur-chef …, a été chargé de la notification de l’arrêté ministériel au concerné, en exécution de l’article 32.2a) de la loi modifiée du 16 avril 1979 concernant la discipline dans la Force Publique. Cependant, l’inspecteur-chef … a refusé le 8 janvier 2003 d’en accuser la réception, refus acté dans un rapport du Directeur de la Circonscription Régionale de Grevenmacher le 16 janvier 2003.(…). » Suivant courrier du 11 février 2003, le mandataire de Monsieur … réitéra sa demande en communication de l’arrêté ministériel du 29 novembre 2002.

Suivant courrier du 26 février 2003, expédié le 4 mars 2003, le ministre de la l’Intérieur répondit comme suit :

« Maître, En réponse à votre courrier du 11 février 2003, je me dois de vous rendre attentif aux dispositions de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978, suivant lesquelles les règles de la procédure administrative non contentieuse s’appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n’organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré.

Or, les mesures de protection prévues par l’article 32 de la loi du 16 avril 1979 sur la discipline dans la force publique, qui prévoit notamment que le personnel policier est informé de la peine disciplinaire prononcée à son encontre par la remise en mains propres de la décision, constituent une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré, comparée à celle issue du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes et notamment de son article 10, de sorte que ce dernier n’est pas appelé à s’appliquer en la matière de la discipline dans la Force publique.

La Direction de la Circonscription Régionale de Grevenmacher ayant acté le refus de l’inspecteur-chef … d’accuser réception de la décision lui infligeant la peine disciplinaire de la rétrogradation, les dispositions de l’article 32 précité ont été scrupuleusement respectées.(…) » Par trois requêtes déposées en dates des 15 et 24 avril 2003, Monsieur … a fait introduire des recours contentieux tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision implicite de rejet du ministre de l’Intérieur visant la communication de l’arrêté ministériel du 29 novembre 2002 ayant prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la rétrogradation, suite à la prédite demande formulée par l’intermédiaire de son mandataire en date du 8 janvier 2003, et des décisions explicites préindiquées du même ministre des 6 et 26 février 2003.

Les trois recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 16285, 16330 et 16331 étant étroitement liés de par leur objet et les moyens présentés à leur appui étant les mêmes, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.

Encore qu'un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu la possibilité d'exercer un recours en réformation, l'existence d'une telle possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision (cf. trib. adm. 4 décembre 1997, n°10404 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 2 et autres références y citées).

Aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en matière d’accès au dossier administratif, le tribunal n’est pas compétent pour connaître des recours en réformation introduits à titre subsidiaire.

Dans le cadre du recours introduit en date du 15 avril 2003 sous le numéro du rôle 16285, le demandeur soutient en substance que suite au courrier de son mandataire du 8 janvier 2003 à l’adresse du ministre de l’Intérieur, ce dernier aurait pris une décision implicite de refus de communiquer l’arrêté ministériel du 29 novembre 2002.

Il échet cependant de constater que suite audit courrier du 8 janvier 2003, le ministre de l’Intérieur a répondu de manière explicite en date du 6 février 2003 en confirmant que la sanction disciplinaire de la rétrogradation avait été prononcée à l’encontre de Monsieur … suivant arrêté ministériel du 29 décembre (sic) 2002, mais que le demandeur a refusé d’en accuser réception, rejetant de sorte la demande en communication dudit arrêté ministériel. Sur nouvelle demande du mandataire de Monsieur … du 11 février 2003, le ministre de l’Intérieur, par courrier du 26 février 2003, estimant que les mesures de protection prévues par l’article 32 de la loi du 16 avril 1979, précitée, constitueraient des garanties équivalentes pour l’administré comparées à celles issues du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, a de nouveau refusé de façon explicite la communication de l’arrêté ministériel litigieux.

Or, suite à la prise d’une décision explicite, il ne saurait plus être question de décision implicite de rejet, de sorte que le recours introduit sous le numéro du rôle 16285 est à déclarer irrecevable.

Pour le surplus, la lettre du ministre de l’Intérieur du 26 février 2003 est à considérer comme décision purement confirmative de la décision ministérielle du 6 février 2003, de sorte que lesdites décisions sont à considérer comme deux décisions explicites attaquables formant un seul tout, dont il convient d’apprécier la légalité ensemble.

Dans ses mémoires en réponse, le représentant étatique soutient que les recours introduits seraient à déclarer irrecevables en raison de la tardiveté de leur dépôt, étant donné que l’arrêté ministériel du 29 novembre 2002 aurait été valablement notifié au demandeur en date du 8 janvier 2003, de sorte que d’après l’article 30 de la loi du 16 avril 1979, précitée, le recours aurait dû être formé au plus tard dans le délai d’un mois à partir de ladite notification.

Dans ce contexte, c’est cependant à juste titre que le demandeur soutient que l’objet du recours ne vise pas la peine prononcée par le ministre de l’Intérieur dans son arrêté du 29 novembre 2002, recours qui, conformément à l’article 30 de la loi du 16 avril 1979, précitée, est à introduire dans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision, mais le refus de communication dudit arrêté ministériel, c’est-à-dire une question d’accès au dossier administratif. Or, en l’absence de dispositions spécifiques concernant le délai pour agir en matière d’accès au dossier administratif, il y a lieu d’appliquer le délai de droit commun de trois mois, de sorte que les recours introduits en date du 24 avril 2003, sous les numéros du rôle 16330 et 16331, l’ont été dans le délai légal.

Les recours principaux en annulation ayant pour le surplus été introduits dans les formes de la loi, ils sont recevables.

A l’appui de ses recours, le demandeur sollicite l’annulation des décisions ministérielles critiquées et conclut à l’applicabilité des dispositions de l’article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, aux termes duquel : « Toute partie à une procédure administrative a le droit de se faire assister par un avocat ou, dans les affaires de nature technique d’un conseil technique. (…) En cas de désignation d’un mandataire, l’autorité adresse ses communications à celui-ci. Toutefois, la décision finale est en outre notifiée à la partie elle-même ».

Partant, le ministre de l’Intérieur aurait violé ladite disposition réglementaire en envisageant uniquement une notification de la sanction disciplinaire à son encontre et non pas également à l’adresse de son mandataire, d’autant plus que les dispositions de la loi du 16 avril 1979, précitée, ne lui conféreraient pas des garanties équivalentes à celles inscrites à la réglementation applicable en matière de procédure administrative non contentieuse.

Dans ses mémoires en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’inapplicabilité en l’espèce de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et son règlement d’exécution du 8 juin 1979, précité, étant donné que les mesures de protection inscrites à l’article 32 de la loi du 16 avril 1979, précitée, qui prévoit que le personnel policier est informé de la peine disciplinaire prononcée à son encontre par la remise en mains propres de la décision, constitueraient une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré.

Pour le surplus, les recours introduits seraient de toute façon devenus sans objet, suite au dépôt du dossier administratif, ce qui aurait permis au mandataire de Monsieur … de prendre connaissance de l’arrêté ministériel du 29 novembre 2002.

Or, il y a effectivement lieu de constater que parmi les pièces déposées au greffe du tribunal administratif en date du 6 juin 2003 figure l’arrêté ministériel du 29 novembre 2002 ayant prononcé à l’encontre de Monsieur … la sanction de la rétrogradation, de sorte que Monsieur … de même que son conseil ont pu prendre connaissance du contenu de l’arrêté ministériel litigieux à la suite de ce dépôt.

Ainsi, force est de constater que le demandeur a obtenu satisfaction et que les recours ont perdu leur objet en cours de procédure contentieuse.

Cependant, il échet de retenir que le mandataire de Monsieur … ne s’est pas vu adresser l’arrêté ministériel du 29 novembre 2002, suite à l’attitude récalcitrante du ministre de l’Intérieur, ce qui a privé Monsieur … de son droit de se faire assister utilement par son avocat et que l’article 32 de la loi du 16 avril 1979, précitée, qui prévoit la remise en mains propres de ladite décision finale, respectivement l’envoi de ladite décision par lettre recommandée à l’adresse que le militaire a déclaré à l’administration comme sa résidence, ne présente pas pour l’administré des garanties équivalentes à celles contenues à l’article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, qui prévoit précisément la notification de la décision finale au mandataire, étant précisé que ledit article 10 a pour but une prise de connaissance de la décision finale tant par l’administré que par son mandataire, à défaut de laquelle le délai du recours contentieux ne commence pas à courir.

Partant, eu égard à l’attitude de l’administration qui a conduit au litige, en obligeant notamment le demandeur à introduire des recours contentieux, suite au refus du ministre de l’Intérieur de communiquer l’arrêté du 29 novembre 2002 au mandataire de Monsieur …, refus qui s’est révélé illégal, il serait inéquitable de laisser à la charge du demandeur les frais des instances introduites sous les numéros du rôle 16330 et 16331, de même que l’ensemble des sommes exposés par lui et non comprises dans les dépens, montant que le tribunal évalue à 1.500.- €.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

prononce la jonction des recours inscrits sous les numéros du rôle 16285, 16330 et 16331 ;

se déclare incompétent pour connaître des recours en réformation introduits en ordre subsidiaire ;

déclare le recours introduit sous le numéro du rôle 16285 irrecevable ;

reçoit les recours en annulation inscrits sous les numéros du rôle 16330 et 16331 en la forme ;

au fond, les déclare sans objet et en déboute ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à une indemnité de procédure de 1.500.- € ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais des instances introduites sous les numéros 16330 et 16331 du rôle ;

condamne le demandeur aux frais de l’instance introduite sous le numéro 16285 du rôle.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 26 novembre 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16285,16330,16331
Date de la décision : 26/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-26;16285.16330.16331 ?

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