La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2003 | LUXEMBOURG | N°17169

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 novembre 2003, 17169


Numéro 17169 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2003 Audience publique du 24 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à disposition du gouvernement

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17169 du rôle, déposée le 14 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … ,...

Numéro 17169 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2003 Audience publique du 24 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à disposition du gouvernement

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17169 du rôle, déposée le 14 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité togolaise, ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Justice du 12 novembre 2003 prononçant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 novembre 2003.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 30 mai 2003, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Etant donné que les recherches du service de police judiciaire avaient révélé que Monsieur … était titulaire d’une carte de séjour temporaire valable du 28 mai 2002 au 27 mai 2003 délivrée par la Préfecture de la Rochelle, le ministre de la Justice s’adressa au ministère de l’Intérieur français en vue de solliciter la prise en charge de Monsieur … par l’Etat français afin de traiter sa demande d’asile, le tout sur base de l’article 5 § 4 de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés Européennes, ci-après désignée par « la Convention de Dublin ».

Par courrier du 17 juillet 2003, le ministre de l’Intérieur français marqua son accord pour cette prise en charge.

Par lettre du 21 juillet 2003, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce qu’en vertu des dispositions de l’article 5 § 2 de la Convention de Dublin la France serait responsable du traitement de sa demande d’asile, de sorte que le Grand-Duché de Luxembourg ne serait pas compétent pour examiner sa demande et qu’il ne pourrait pas réserver d’autres suites à son dossier.

En date du 12 novembre 2003, le ministre de la Justice émit à l’encontre de Monsieur … un arrêté de refus d’entrée et de séjour fondé sur le défaut de moyens d’existence personnels dans son chef, son séjour irrégulier au pays et sur sa susceptibilité de compromettre la sécurité et l’ordre publics. Le même jour, il prit un arrêté, notifié le même jour, ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois. Ce dernier arrêté est fondé sur les motifs suivants :

« Vu le rapport n° 6/1081/03/HA du 30 mai 2002 établi par le Service de Police Judiciaire, section Police des Etrangers et des Jeux ;

Considérant que l’intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

-qu’il n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile en date du 30 mai 2003 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu de l’article 5 § 4 de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 a été adressée aux autorités françaises en date du 5 juin 2003 ;

- que les autorités françaises ont accepté cette reprise en charge en date du 18 juillet 2003 ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible, alors que les autorités françaises nécessitent un délai minimum de 3 jours pour organiser le transfert ».

En date encore du 12 novembre 2003, le ministre de la Justice émit également un laissez-passer au nom de Monsieur … en vue de son transfert en France et informa le ministère de l’Intérieur français de ce que le transfert de Monsieur … était prévu pour le mardi 18 novembre 2003 à 9:30 heures au poste frontière de Zoufftgen.

Par requête déposée le 14 novembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de l’arrêté ministériel de placement du 12 novembre 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est en principe compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 12 novembre 2003, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Etant donné néanmoins que le transfert en France du demandeur a eu lieu en date du 18 novembre 2003, le recours est devenu sans objet dans la mesure où le demandeur sollicite la réformation de l’arrêté ministériel déféré par le prononcé de sa mise en liberté. Le tribunal reste cependant utilement saisi des moyens de légalité soumis par le demandeur.

Le demandeur conteste l’existence dans son chef d’un danger de soustraction à son rapatriement en renvoyant au fait qu’il se serait volontairement présenté au ministère de la Justice suite à chaque convocation lui adressée. Il estime qu’un tel danger ne résulterait ni de l’arrêté déféré, ni du dossier administratif, d’autant plus qu’il aurait été logé avec l’assentiment du ministère de la Justice au camping officiel à Echternach.

Au vœu de l’article 15 (1) de la loi prévisée du 28 mars 1972, une mesure de placement ne peut être prononcée que lorsque l’exécution d’une mesure de refoulement est impossible en raison des circonstances de fait.

Or, en l’espèce il ressort des éléments en cause que le ministère de l’Intérieur français avait accepté, par courrier du 17 juillet 2003, la prise en charge du demandeur par l’Etat français afin de traiter sa demande d’asile, tout en sollicitant seulement de la part du ministère de la Justice luxembourgeois le respect d’un préavis minimal de 48 heures en vue de l’exécution matérielle du transfert du demandeur. D’un autre côté, le demandeur affirme, sans être contredit à cet égard par le délégué du Gouvernement, qu’il s’était présenté chaque mois depuis l’introduction de sa demande d’asile au ministère de la Justice afin d’obtenir la prorogation de son attestation de demandeur d’asile.

Eu égard à ces circonstances et plus particulièrement au laps de temps écoulé entre l’accord de prise en charge de la part des autorités françaises compétentes et l’exécution matérielle du transfert, il y a lieu de conclure qu’une impossibilité de procéder à l’exécution du transfert du demandeur en raison des circonstances de fait laisse d’être utilement établie au jour de la prise de la décision litigieuse en date du 12 novembre 2003, alors que d’après les indications mêmes du représentant étatique l’organisation matérielle d’un transfert vers la France ne prend en règle générale que quelques jours. Il s’ensuit que les conditions posées par l’article 15 (1) prévisé ne se trouvent pas réunies en l’espèce et que le recours est fondé.

L’arrêté ministériel critiqué du 12 novembre 2003 encourt par voie de conséquence l’annulation dans le cadre du recours en réformation introduit.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation introduit, annule l’arrêté entrepris du ministre de la Justice du 12 novembre 2003, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 novembre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17169
Date de la décision : 24/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-24;17169 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award