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24/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16453

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 novembre 2003, 16453


Numéro 16453 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mai 2003 Audience publique du 24 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16453 du rôle, déposée le 22 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Valérie DUPONG, avocat à la Cour, assistée de Maît

re Georges WEILAND, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Lux...

Numéro 16453 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mai 2003 Audience publique du 24 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16453 du rôle, déposée le 22 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Valérie DUPONG, avocat à la Cour, assistée de Maître Georges WEILAND, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 mars 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 25 avril 2003 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Georges WEILAND et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 octobre 2003.

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Le 2 janvier 2003, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 22 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 17 mars 2003, notifiée par courrier recommandé du 21 mars suivant, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 10 avril 2003 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 25 avril 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 17 mars 2003 et confirmative du 25 avril 2003 par requête déposée le 22 mai 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que plus de 700 Algériens seraient tombés sous les coups des islamistes du GIA, groupement qui se caractériserait par son intransigeance et la violence de ses opérations et qui serait l’auteur d’attentats particulièrement sanglants contre des ressortissants étrangers, auxquels il aurait même ordonné de quitter l’Algérie, et des citoyens algériens. Il renvoie à plusieurs évènements concrets pour conclure que l’activité continue du GIA rendrait la situation actuelle en Algérie très inquiétante tant sur le plan politique que sécuritaire, étant donné que le GIA redéploierait sa stratégie en déplaçant le champ de sa lutte terroriste vers la politique et risquerait ainsi de déstabiliser encore davantage la situation du pays. Il fait valoir que certains incidents récents relatés par la presse internationale démontreraient que le GIA continuerait à commettre des atrocités et à intimider la population locale dans certaines régions d’Algérie et rejetterait la politique de réconciliation nationale prônée par le gouvernement. Il relève encore que le pouvoir en place pour sa part procéderait à des recrutements musclés pour les forces de l’ordre qui se livreraient à des arrestations arbitraires, des tortures et des liquidations et que les appelés feraient souvent l’objet de menaces de mort de la part du GIA.

Quant à sa situation personnelle, le demandeur fait valoir qu’il aurait reçu une lettre de menace de la part du GIA en raison de son enrôlement imminent dans l’armée algérienne et que sa vie serait en conséquence en danger, étant donné que le GIA dresserait souvent des barrages routiers dans sa région d’origine pour exécuter les personnes ayant accompli leur service militaire ou s’apprêtant à intégrer l’armée et qu’ils rechercheraient même ces mêmes personnes à leur domicile pour les exécuter. Il ajoute que ses parents auraient été menacés de mort et sa sœur enlevée. Il expose que les membres du GIA se déplaceraient en toute liberté dans sa région d’origine malgré la proximité des forces de l’ordre, de manière qu’on pourrait même soulever la question si celles-ci ne coopèrent pas avec le GIA. Le demandeur déduit de ces éléments qu’il ferait valoir une crainte justifiée de persécution, qu’un retour en sécurité vers l’Algérie serait impossible et qu’il devrait partant être considéré comme réfugié dans la mesure où il aurait fui un conflit armé généralisé et où son Etat d’origine ne pourrait ou ne voudrait pas le protéger correctement, alors même que le risque de persécution par lui invoqué émanerait non pas d’agents de l’Etat mais de milices et de rebelles.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2003, v° Recours en réformation, n° 11).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 22 janvier 2003 telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les actes concrets de persécution invoqués par le demandeur émanent de membres d’un groupement islamiste extrémiste, donc de personnes étrangères aux autorités publiques, de même qu’ils s’analysent dans cette mesure en une persécution émanant non pas de l’Etat, mais d’un groupe de la population et ne sauraient dès lors être reconnus comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéfice pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève. En outre, l’existence d’une persécution de la part de l’Etat ne saurait être admise dès la commission d’un acte de persécution de la part d’une personne quelle soit ou non au service des autorités publiques, mais seulement dans l’hypothèse où les autorités spécifiquement compétentes pour la poursuite et la répression des actes de persécution commis soit encouragent ou tolèrent ces actes, soit sont incapables d’entreprendre des démarches d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion contre la commission de tels actes de la part de telles personnes.

Dans les deux hypothèses, il faut en plus que le demander d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en exergue par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est qu’un réfugié ?, p. 113, n° 73 et suivants).

Si le demandeur tend en l’espèce certes à décrire une situation d’insécurité et de conflit généralisé dans son pays d’origine, il n’a soumis aucun indice concret de l’incapacité, encore à l’heure actuelle, des autorités compétentes de lui fournir une protection adéquate, voire allégué une démarche concrète en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place. Il en résulte que le demandeur n’a pas dûment établi l’incapacité des autorités en place de lui assurer une protection adéquate.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 novembre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16453
Date de la décision : 24/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-24;16453 ?

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