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19/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16690

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 novembre 2003, 16690


Tribunal administratif N° 16690 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2003 Audience publique du 19 novembre 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16690 du rôle et déposée le 7 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d

e Monsieur …, né le …, demeurant à L- …, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décisio...

Tribunal administratif N° 16690 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2003 Audience publique du 19 novembre 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16690 du rôle et déposée le 7 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, demeurant à L- …, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre des Transports du 8 avril 2003 par laquelle « la validité du permis de conduire du sieur … [a été limitée] aux seuls trajets professionnels et (…) la période de stage [prorogée] pour une durée de 24 mois » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2003 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sandra FADI, en remplacement de Maître Michel KARP, et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … est titulaire d’un permis de conduire de la catégorie B depuis le 1er juillet 1992.

Le 9 septembre 2002, le procureur général d’Etat informa le ministre des Transports qu’il était d’avis « qu’il y a lieu de limiter la validité du permis de conduire [de Monsieur …] aux trajets professionnels ».

Le 10 janvier 2003, après avoir entendu Monsieur … en ses explications et moyens de défense, la commission spéciale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après dénommée la « commission spéciale », proposa à l’unanimité de « limiter la validité du permis de conduire à une durée de 24 mois et de limiter son usage aux trajets domicile-lieu de travail ainsi qu’à ceux effectués dans l’intérêt prouvé de son employeur ».

Cet avis est basé sur les considérants suivants « (…) Considérant que par arrêté ministériel du 23 décembre 1994 la période de stage de l’intéressé a été renouvelée pour une durée de 24 mois, suite à diverses infractions aux dispositions du Code de la Route, dont notamment un dépassement de la limitation de la vitesse et un cas de défaut d’assurance ;

Considérant que le casier judiciaire renseigne que l’intéressé a fait l’objet de deux condamnations, notamment pour défaut de circuler en marche normale près du bord droit de la chaussée, pour défaut de maintenir une distance suffisante du bord de la chaussée, pour défaut de se comporter raisonnablement et prudemment et pour délit de fuite en date du 5 mars 1995 ainsi que pour un excès de vitesse sur une autoroute (207 km/h au lieu de 120 km/h) et pour défaut de se comporter raisonnablement et prudemment en date du 18 mai 2001 ;

Considérant que ces condamnations ont entraîné deux interdictions de conduire de 24 mois au total dont 6 mois avec exception pour les trajets professionnels ainsi que ceux accomplis dans l’intérêt prouvé de son employeur ;

Considérant que la dernière interdiction de conduire est venue à échéance le 22 décembre 2002 ;

Considérant que le rapport d’enquête de la police grand-ducale d’Esch/Alzette du 22 août 2002 renseigne que l’intéressé ne s’est pas présenté au bureau de la police grand-ducale en vue de finaliser le rapport d’enquête précité ;

Considérant que les faits reprochés à l’intéressé permettent d’admettre qu’il est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule ;

Considérant que le besoin professionnel du permis de conduire est de nature à justifier une modulation de la décision administrative à intervenir ».

Par arrêté ministériel du 8 avril 2003, le ministre des Transports décida de restreindre la validité du permis de conduire de Monsieur … en ce sens que « la durée de validité du permis de conduire des catégories A sous 2), 3), B et F (…) est limitée à vingt-quatre mois », avec une possibilité de prorogation par la suite et que sa validité est limitée aux « trajets domicile - lieu de travail et retour ainsi qu’à ceux effectués dans l’intérêt prouvé de son employeur ». L'arrêté en question se réfère aux avis du procureur général d’Etat et de la commission spéciale et il retient que l’intéressé « a à plusieurs reprises enfreint les règles de la circulation routière ».

Par requête déposée le 7 juillet 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de l’arrêté ministériel prévisé du 8 avril 2003.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Le délégué du gouvernement relevant à juste titre qu’aucun texte de loi ne prévoit un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Concernant le recours en annulation, le délégué estime qu’il serait irrecevable au motif que le demandeur manquerait de soulever un quelconque moyen d’annulation et se bornerait à contester l’opportunité et la proportionnalité de la décision, c’est-à-dire des moyens dépassant la mission du juge statuant dans le cadre limité d’un recours en annulation.

En l’espèce, il se dégage du libellé, certes succinct, de la requête introductive d’instance que le demandeur estime que le ministre compétent aurait commis une erreur d’appréciation des circonstances de fait, au motif qu’il serait faux de conclure, sur base des éléments d’appréciation donnés, qu’il n’offrirait pas les garanties nécessaires à la sécurité routière.

Ce moyen s’insérant dans le cadre de la mission de contrôle du juge de la légalité, auquel il incombe de contrôler et de sanctionner la violation des règles généralement appelées "les principes généraux du droit" parmi lesquelles figure celui de la proportionnalité de la mesure prise au regard d'une situation de fait (cf. Cour adm. 2 juillet 1998, n° 10636C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 2), il y a lieu d’écarter le moyen d’irrecevabilité soulevé pour manquer de fondement.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et le délai de la loi, il est recevable.

Au fond, en ce qui concerne le seul moyen d’annulation soulevé basé sur le manque de proportionnalité et d’une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait, il convient de relever que l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques prévoit que le ministre des Transports ou son délégué peut retirer le permis de conduire, notamment lorsque le conducteur d’un véhicule « (…) 2) n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabilité ou de maladresse, suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière » ou s’il « 3) est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule ».

Il convient encore de rappeler que le but assigné à un retrait administratif du permis de conduire est de protéger, pour l'avenir, la sécurité des usagers de la route contre des personnes représentant un danger potentiel à leur égard et non celui de sanctionner les personnes concernées pour des faits commis dans le passé et que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base des décisions administratives qui lui sont soumises et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (cf. trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 10, et autres références y citées).

Ceci étant, en l’espèce, force est de constater qu’il se dégage des pièces du dossier que le demandeur a commis différentes infractions aux règles de la circulation routière, notamment en conduisant à une vitesse dangereuse (207 km/h au lieu de 120 km/h), en ne circulant pas en marche normale près du bord droit de la chaussée et en ne maintenant pas une distance suffisante dudit bord, qu’encore et surtout, il a commis un délit de fuite et a été impliqué en pas moins de 7 accidents de la circulation entre 1992 et 1999, à savoir le 10 août 1992 en heurtant un véhicule en stationnement, le 14 octobre 1992 en sortant d’un parking, le 5 février 1993 en heurtant un véhicule en stationnement, le 6 juin 1993 en heurtant un véhicule circulant en sens inverse, le 5 mars 1995 en heurtant un poteau d’éclairage public, le 28 décembre 1995, date à laquelle il a été heurté par un autre véhicule, lorsqu’il était en panne sur l’autoroute et enfin, le 18 juin 1999.

Or, au regard de l’ensemble des faits établis en l’espèce, tous suffisamment récents pour être susceptibles de renseigner au moment de la prise de la décision sur l’attitude et l’habilité de l’intéressé, l’arrêté ministériel se justifie et le ministre a pu estimer, au stade où il a été appelé à statuer, sans transgresser les limites de son pouvoir d’appréciation, que les infractions au code de la route, d’une gravité certaine, ensemble sa maladresse se dégageant du dossier administratif, justifient la mesure litigieuse.

Il suit des considérations qui précèdent que l’appréciation du ministre dans sa décision de retrait du permis de conduire n’encourt pas de reproche devant conduire à l’annulation de cette décision. Le recours en annulation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande tendant à la réformation de la décision litigieuse ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 19 novembre 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16690
Date de la décision : 19/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-19;16690 ?

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