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19/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16561

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 novembre 2003, 16561


Tribunal administratif N° 16561 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juin 2003 Audience publique du 19 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16561 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2003 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, et de son épouse, Madame …, née le …, agissant

tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur fils mineur …, tous de nationalit...

Tribunal administratif N° 16561 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juin 2003 Audience publique du 19 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16561 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2003 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, et de son épouse, Madame …, née le …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur fils mineur …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 1er avril 2003 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sandra FADI, en remplacement de Maître Michel KARP, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 novembre 2003.

Le 20 mars 2003, Monsieur … et son épouse Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de leur fils mineur …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour les époux …-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 31 mars 2003, les époux …-… furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 1er avril 2003, leur notifiée par courrier recommandé expédié le 7 avril 2003, le ministre de la Justice informa les époux …-… de ce que leur demande avait été refusée aux motifs que les craintes de persécution par eux alléguées relèveraient de l’expression d’un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que ni les Albanais, ni les Serbes ne sauraient constituer des agents de persécution au sens de cette Convention et que finalement le Kosovo, pour des Albanais, ne saurait être considéré comme un territoire où des risques de persécution seraient à craindre.

Par requête déposée en date du 16 juin 2003, les époux …-… ont fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle de refus prévisée du 22 mai 2003.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (cf. trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 2, et autres références citées, page 517).

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées.

Il s’ensuit que le recours subsidiaire en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le recours en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

Quant au fond, les demandeurs font exposer qu’ils sont originaires du Kosovo et ils critiquent la décision déférée en faisant valoir qu’elle serait non justifiée, mal-fondée, qu’elle violerait la loi et qu’elle constituerait une erreur manifeste d’appréciation aux motifs suivants : 1) la situation à Mitrovica ne serait pas encore stabilisée et serait toujours dangereuse pour les Albanais. Le retour de Monsieur … à son ancien domicile serait impossible pour raisons de sécurité au nord de Mitrovica où ne résideraient plus que des Serbes qui y auraient chassé les Albanais. Il n’y aurait plus aucun Albanais qui habiterait au nord. 2) A Mitrovica, Monsieur … n’aurait pas de travail et pas de logement, de sorte que leurs moyens d’existence seraient pratiquement nuls. Il ressortirait d’un article du journal Washington Post du 22 juin 2002 que le problème dans le nord de Mitrovica où règnent les Serbes n’aurait pas été résolu par les forces des Nations Unies.

3) Du fait qu’il aurait travaillé avec un Serbe, Monsieur … aurait été frappé et aurait reçu des menaces de mort, même de la part d’Albanais, de sorte qu’en cas de retour avec sa famille ils risqueraient être frappés à mort.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Force est de constater que la Convention de Genève envisage le pays d’origine des demandeurs d’asile dans son ensemble, de sorte que les demandeurs, faisant état exclusivement de craintes de persécution par rapport à la seule partie nord de la ville de Mitrovica, sans autrement étayer les raisons qui les empêcheraient de s’installer dans une autre partie du Kosovo, restent en défaut d’établir, voire d’alléguer une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice a valablement pu refuser de faire droit à leur demande d’asile.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 novembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16561
Date de la décision : 19/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-19;16561 ?

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