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19/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16406

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 novembre 2003, 16406


Tribunal administratif N° 16406 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mai 2003 Audience publique du 19 novembre 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16406 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mai 2003 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M.

…, né le … à Shengjergi (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l...

Tribunal administratif N° 16406 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mai 2003 Audience publique du 19 novembre 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16406 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mai 2003 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Shengjergi (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 8 avril 2003 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sandra FADI, en remplacement de Maître Michel KARP et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

En date du 23 janvier 2003, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 21 février 2003, M. … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 8 avril 2003, notifiée par lettre recommandée le 14 avril 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Vous exposez avoir travaillé comme inspecteur de la police criminelle de 1990 à 1997. Vous n’auriez pas été membre d’un parti politique. Vous indiquez avoir eu des problèmes en raison de votre travail de policier. Vous auriez été maltraité et menacé par des gens que vous auriez arrêté dans le cadre de votre fonction.

La police n’aurait pas été à même de vous protéger à l’époque. Vous auriez aussi été menacé par des fonctionnaires du parti démocratique liés au Ministre de l’Intérieur.

Vous auriez été victime d’un empoisonnement par voie de transfusion sanguine. Une infirmière proche d’un trafiquant tué par votre unité vous aurait administré du sang contaminé avec de l’hépatite B. Vous n’auriez plus longtemps à vivre.

Vous invoquez encore être de religion catholique et vos problèmes pourraient selon votre avis y être liés.

Force est cependant de constater que vous avez quitté l’Albanie il y a déjà 3 ans pour vous réfugier au Kosovo chez votre cousin. A la fin de l’année 2002 vous êtes allé au Monténégro chez votre oncle. Cela fait donc presque 3 ans et demi que vous n’étiez plus en Albanie. Vos problèmes ne sont par conséquent plus d’actualité, étant donné que la situation politique s’est stabilisée et calmée en Albanie.

Vous auriez surtout eu des problèmes avec des personnes proches du parti démocratique. Le parti démocratique n’est cependant plus au pouvoir depuis juin 1997.

Il est peu probable que vous auriez été empoisonné intentionnellement par une infirmière dans un hôpital alors que vous faisiez partie de la police. Votre infection pourrait tout aussi bien avoir une autre origine.

Il ne ressort pas de vos déclarations que vous auriez eu des problèmes lors de vos séjours au Kosovo ou au Monténégro. La durée de votre séjour au Kosovo et au Monténégro démontre que vous n’y étiez pas en danger et que votre famille a parfaitement pu vous loger.

En outre, vos problèmes sont surtout liés à la criminalité de droit commun sans arrière fond politique.

Finalement, la situation de la minorité catholique en Albanie n’est pas mauvaise. La chute du régime communiste a emmené la liberté religieuse qui est respectée en Albanie de nos jours.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le 8 mai 2003, Monsieur … a introduit un recours en annulation sinon en réformation contre la décision ministérielle de refus du 8 avril 2003.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. – Il s’ensuit que le recours principal en annulation est irrecevable.

Le recours en réformation introduit en ordre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il aurait eu des « problèmes » en raison de son activité professionnelle d’inspecteur de police de 1990 à 1997, qu’il aurait été menacé et maltraité par des criminels qu’il aurait été amené à poursuivre, qu’une infirmière « proche d’un trafiquant » l’aurait empoisonné et que la police n’aurait pas pu le protéger efficacement.

Il fait encore état de persécutions émanant de membres du parti démocrate et que sa religion catholique pourrait être la cause de ses problèmes.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Il insiste plus particulièrement sur le fait que tout en faisant état d’une autre identité, M. … aurait déjà demandé l’asile politique en Belgique et qu’ainsi sa crédibilité serait sérieusement à mettre en doute.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de relever que la crédibilité du demandeur est sérieusement ébranlée par le fait qu’il a non seulement omis de signaler le fait qu’il a déjà, préalablement à sa venue au Luxembourg, sollicité l’asile en Belgique, mais, encore et surtout, parce qu’il l’a fait sous un faux nom et en déclarant être originaire de l’Etat de Serbie et Monténégro, état des choses qu’il n’a pas contesté et qu’il n’a ni expliqué de façon convaincante ni même tenté d’expliquer.

Or, à la lumière de cet élément et compte tenu du défaut d’un quelconque élément de preuve tangible relativement à des persécutions concrètes que le demandeur a subies ou des risques réels afférents, le récit du demandeur n’est pas de nature à dégager l’existence d’un risque réel de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, déclare le recours en annulation irrecevable, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 19 novembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16406
Date de la décision : 19/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-19;16406 ?

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