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17/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16487

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 novembre 2003, 16487


Tribunal administratif Numéro 16487 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juin 2003 Audience publique du 17 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16487 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg. au nom de Monsieur …, né le …, et de son épouse, Madame …, né

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Tribunal administratif Numéro 16487 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juin 2003 Audience publique du 17 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16487 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg. au nom de Monsieur …, né le …, et de son épouse, Madame …, née le …, tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 décembre 2002, leur notifiée en date du 5 mars 2003, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre datant du 25 avril 2003, intervenue sur recours gracieux et notifiée au mandataire des époux …-… le 5 juin 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 novembre 2003.

Le 11 novembre 2002, les époux … et … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 5 décembre 2002, les époux …-… furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur leurs motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 12 décembre 2002, leur notifiée le 5 mars 2003, le ministre de la Justice informa les époux …-… de ce que leur demande avait été refusée aux motifs que leur récit présenté à l’appui de leur demande, au-delà de présenter certaines invraisemblances, dégageraient l’existence dans leur chef d’un sentiment général d’insécurité non susceptible de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a relevé en outre qu’il ne ressortirait pas de leur dossier qu’ils n’auraient pas pu trouver protection auprès des autorités de leur pays, que par ailleurs un groupe de personnes masqués, non autrement identifié, ne saurait constituer des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et que finalement, le Kosovo, pour des Albanais, ne saurait être considéré comme un territoire dans lequel des risques de persécution seraient à craindre.

Par courrier de leur mandataire datant du 4 avril 2003, les époux …-… firent introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 12 décembre 2002.

Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 25 avril 2003, ils ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 12 décembre 2002 et 25 avril 2003 par requête déposée en date du 2 juin 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs font exposer qu’ils sont originaires du Kosovo, de nationalité yougoslave, de confession musulmane et que leur départ de leur pays d’origine aurait été motivé pour partie par le fait qu’ils auraient fait l’objet de graves actes de représailles de la part de personnes ayant reproché à Monsieur … d’avoir aidé sous des formes diverses certaines personnes particulièrement persécutées du fait de leur appartenance à des groupes minoritaires du Kosovo. Ils reprochent à l’autorité administrative de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait des graves risques de représailles auxquels ils seraient exposés, étant donné que l’action de Monsieur … en faveur des minorités du Kosovo traduirait un comportement qui serait de nature à être interprété par certaines personnes, et notamment les anciens membres de l’UCK, comme l’expression d’une opinion à caractère politique contraire aux intérêts des Albanais. Dans ces conditions ils estiment que c’est à tort que le ministre est arrivé à la conclusion que leur récit traduirait l’expression d’un sentiment général d’insécurité, ceci d’autant plus qu’il leur aurait été impossible d’obtenir une quelconque protection de la part des autorités en place.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures non contentieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er , section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant les persécutions commises par des tiers et non par les autorités étatiques, elles ne sauraient être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’offrir une protection suffisante contre ces actes. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par les demandeurs d’asile.

En l’espèce, les demandeurs font état de leur crainte de persécution de la part de membres de l’ancienne UCK à leur encontre en raison de l’aide que Monsieur … a pu apporter par le passé à des personnes appartenant à des minorités ethniques du Kosovo. Force est cependant de constater que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commissions de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. En effet, une persécution de ce type ne saurait être admise que dans l’hypothèse où les agressions commises par des groupes de la population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. A cet égard, c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement a relevé qu’il n’est pas établi que les autorités au Kosovo seraient dans l’incapacité de protéger les demandeurs, étant donné qu’il ressort notamment du rapport de l’audition du 5 décembre 2002 qu’une enquête a été menée au sujet des agressions commises à l’égard de Madame ….

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer leur protection, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs au frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 novembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16487
Date de la décision : 17/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-17;16487 ?

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