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12/11/2003 | LUXEMBOURG | N°17047

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 novembre 2003, 17047


Tribunal administratif N° 17047 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 octobre 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17047 du rôle et déposée le 14 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ender ULCUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Grazhdanik/Prizren (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de

nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une déc...

Tribunal administratif N° 17047 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 octobre 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17047 du rôle et déposée le 14 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ender ULCUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Grazhdanik/Prizren (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 septembre 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ender ULCUN ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 14 juillet 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut en outre entendu le 18 juillet 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 5 septembre 2003, notifiée par lettre recommandée le 12 septembre 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er section A. 2 de la Convention de Genève. Le ministre a en effet retenu que Monsieur … se limitait à énoncer des faits susceptibles de constituer des délits de droit commun.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 5 septembre 2003.

L’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il serait Albanais du Kosovo, de confession musulmane et qu’il aurait fait l’objet de menaces, d’insultes, ainsi que d’agressions physiques de la part d’un habitant d’un village voisin de celui dans lequel il résidait au Kosovo, avec lequel il aurait eu une dispute au cours de laquelle il aurait « sorti un petit couteau de poche et l’ [aurait] poignardé » tout en s’enfuyant. Il explique encore que cette dispute aurait eu lieu en raison du fait que cet habitant du village voisin aurait appris qu’il aurait voté pour le parti « LDK », alors que son agresseur aurait été membre du parti « PDK ».

Actuellement, il craindrait de retourner dans son pays d’origine, de peur de se faire « poignarder » ou tuer par son agresseur.

Il échet de constater que dans sa requête introductive d’instance, le demandeur a encore fait état de son refus « d’intégrer le service militaire », de la situation de plusieurs membres de sa famille qui auraient été exécutés par « la milice serbe », du fait qu’il aurait été suspecté d’avoir collaboré avec ladite milice, ainsi que du climat social général régnant actuellement au Kosovo. Force est toutefois de constater que ces explications et informations n’avaient pas été soumises au ministre de la Justice avant la prise de la décision litigieuse, et plus particulièrement au cours de son audition précitée du 18 juillet 2003, de sorte que le ministre n’a pas pu prendre en considération ces éléments complémentaires. Dans la mesure toutefois où le juge de l’annulation est amené à apprécier la légalité d’une décision administrative exclusivement en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, il ne lui appartient pas de prendre en considération des éléments dont le ministre ne disposait pas au jour où il a pris la décision attaquée.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement(…) ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort tant du rapport d’audition du 18 juillet 2003 que de la requête introductive d’instance, que le demandeur dit avoir subi des menaces et agressions de la part d’un habitant d’un village voisin de celui dans lequel il aurait habité au Kosovo, en raison de leurs appartenances politiques différentes. Or, force est de constater que de tels agissements relèvent d’une criminalité de droit commun, laquelle, quels que soient la gravité et le caractère condamnable desdits actes, à les supposer établis, ne saurait être qualifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 novembre 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17047
Date de la décision : 12/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-12;17047 ?

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