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12/11/2003 | LUXEMBOURG | N°17041

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 novembre 2003, 17041


Numéro 17041 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 octobre 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17041 du rôle, déposée le 13 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, insc

rit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de n...

Numéro 17041 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 octobre 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17041 du rôle, déposée le 13 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité albanaise, placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 28 juillet 2003, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 10 septembre 2003 prise sur recours gracieux, les deux déclarant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2003;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 novembre 2003.

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Par arrêté du ministre de la Justice du 7 juillet 2003, notifié le même jour, Monsieur …, préqualifié, fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois.

Suivant courrier manuscrit du 15 juillet 2003, il introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 25 juillet 2003, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 28 juillet 2003, notifiée le jour suivant, que sa demande d’asile avait été rejetée comme étant manifestement infondée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, alors que ses problèmes relèveraient du domaine de la criminalité de droit commun sans arrière-fond politique.

La mesure de placement à l’égard de Monsieur … fut prolongée respectivement pour la durée d’un mois par arrêtés du ministre de la Justice des 6 août et 3 septembre 2003.

Le recours gracieux formé par son mandataire suivant courrier du 29 août 2003 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 10 septembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des deux décisions précitées des 28 juillet et 10 septembre 2003 par requête déposée en date du 13 octobre 2003.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, disposant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de son article 9, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de manière que le tribunal est compétent pour connaître du recours, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que son grand-père aurait tué une personne suite à des insultes et que la famille de la victime aurait manifesté l’intention de se venger conformément à l’obligation afférente découlant de la loi coutumière du « Kanun », profondément ancrée dans la société albanaise, prévoyant le droit de revanche sur la famille de l’auteur du meurtre et plus particulièrement sur sa personne, étant donné que son père aurait déjà pris la fuite afin d’échapper à un tel sort. Il déduit de ces éléments qu’il appartiendrait à un groupe social particulièrement vulnérable exposé à la revanche de la famille de la victime. Il fait valoir que les autorités publiques non seulement n’auraient pas réussi à éradiquer l’application du « Kanun » ni dans le passé, ni à l’heure actuelle, mais que le nombre élevé de meurtres en Albanie démontrerait qu’elles seraient en outre incapables de fournir une protection adéquate contre la perpétration de tels actes de vengeance, de manière que sa situation concrète devrait être considérée comme rentrant dans les prévisions de la Convention de Genève et que sa demande d’asile aurait à tort été déclarée manifestement infondée.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York … ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motifs de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 93 et autres références y citées ;

trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

En l’espèce, le demandeur se prévaut exclusivement du meurtre d’une personne commis par son grand-père et des conséquences en découlant en vertu d’une ancienne loi coutumière pour lui-même en sa qualité de membre de la famille du meurtrier. Le risque afférent se rattache partant exclusivement à son appartenance familiale et non pas à son appartenance à une race, une religion, une nationalité, à une tendance politique ou à un groupe social, étant remarqué que l’appartenance à une famille ne saurait être assimilée à l’appartenance à un groupe social au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 novembre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17041
Date de la décision : 12/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-12;17041 ?

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