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12/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16691

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 novembre 2003, 16691


Tribunal administratif N° 16691 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19691 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 juillet 2003 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulat

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Tribunal administratif N° 16691 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19691 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 juillet 2003 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décison du ministre de la Justice du 8 avril 2003, portant refus de renouvellement de son autorisation de port d’armes relative à deux pistolets de la marque « FN » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie à l’audience publique du 3 novembre 2003.

Par une décision du 27 mai 2002, le ministre de la Justice refusa de faire droit à une demande en renouvellement d’une autorisation de port d’armes introduite le 1er avril 2002 par Monsieur Jos STOFFEL.

Ladite décision a la teneur suivante :

« Monsieur, J’ai l’honneur de me référer à votre demande du 1er avril 2002 par laquelle vous avez sollicité le renouvellement de votre autorisation de port d’armes relative à deux pistolets de la marque « FN ».

A l’appui de votre demande, vous invoquez comme motif vos activités d’agent d’assurances et d’associé-gérant d’une agence commerciale et immobilière.

Il résulte plus amplement du rapport de la Police de Merl-Belair du 22 avril 2002 que vous transportez des documents d’assurance-vie, des chèques, des contrats immobiliers ainsi que des primes d’assurances payées au comptant, dont le montant s’élève souvent à 10.000.-

€, sur le trajet le plus court entre les notaires, les banques et l’assurance.

Toutefois, des transports de fonds effectués dans le cadre d’un commerce ne constituent pas un motif qui, en lui seul, est susceptible de justifier l’octroi d’une autorisation de port d’armes en dehors de circonstances particulières, telles que le caractère dangereux du trajet ou des attaques ou cambriolages récents, circonstances que vous n’avez cependant pas invoquées.

Dans ces conditions, la délivrance d’une autorisation de port d’armes serait une mesure disproportionnée par rapport aux faits que vous invoquez à l’appui de votre demande.

En effet, beaucoup de commerçants connaissent une situation semblable à la vôtre et un armement de toutes ces personnes est inconcevable en raison des risques liés à des coups de feu tirés sur la voie publique en cas d’incident, ceci d’autant plus que, suivant votre dossier administratif, vous ne disposez d’aucune pratique en matière de tir.

S’y ajoute que ces transports de fonds et de documents pourraient être confiés à une entreprise spécialement agréée à cette fin sur base de la loi du 6 juin 1990 relative aux activités privées de gardiennage et de surveillance, ou que d’autres mesures de sécurité plus appropriées que le port d’une arme pourraient être prises, telles que le fractionnement des sommes à transporter, ou encore l’usage d’autres modes de paiement.

Finalement, je tiens à vous informer qu’aux termes de la loi du 6 juin 1990 précitée, le transport de fonds effectué pour le compte de tiers, ce qui est le cas en l’espèce, ne peut se faire que sous le couvert d’un agrément spécial à délivrer par le Ministre de la Justice, agrément dont vous ne disposez pas.

Par conséquent, comme vous n’avez pas fait état d’autres motifs spéciaux justifiant éventuellement l’octroi d’une autorisation de port d’arme, l’autorisation sollicitée est refusée en application de l’article 16 alinéa 1er de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions.

En exécution de cette décision, je vous prie de vous dessaisir des armes et des munitions en votre possession, soit en les remettant provisoirement à un commissariat de Police, soit en les cédant directement et à titre définitif à une personne autorisée ou à autoriser par le Ministère de la Justice, tel qu’un armurier.

Je tiens encore à vous informer que la présente décision de refus peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le tribunal administratif, à introduire dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision par une requête signée par un avocat à la Cour.

Je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de ma considération distinguée ».

Par requête déposée en date du 27 août 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la décision ministérielle de refus de renouvellement du 27 mai 2002.

Par un jugement du 6 janvier 2003 (n° du rôle 15301), le tribunal administratif a déclaré le recours ainsi introduit non fondé. Monsieur … n’a pas introduit d’appel contre ce jugement.

Suite à ce refus de renouvellement, Monsieur …, à travers un courrier du 2 avril 2003 adressé au ministère de la Justice, sollicita l’octroi d’une autorisation de port d’armes relative à ses deux pistolets de la marque « FN ». Il demanda au ministre de la Justice de réexaminer le dossier, étant donné qu’il n’aurait encore jamais fait l’objet d’un quelconque rapport ou procès-verbal de police, et qu’il serait très responsable et capable de manier une arme.

Par une décision du 8 avril 2003, notifiée le 9 avril 2003, le ministre de la Justice refusa de faire droit à cette demande en les termes suivants : «J’ai l’honneur de me référer à votre courrier du 2 avril 2003 concernant les armes de votre mandant, M. …, demeurant à … .

Au vu du jugement du Tribunal administratif du 6 janvier 2003, rejetant le recours de votre mandant dirigé contre la décision ministérielle du 27 mai 2002 portant refus du renouvellement de son permis de port d’armes, jugement actuellement coulé en force de chose jugée faute d’appel, votre courrier précité du 2 avril 2003 est à considérer, implicitement mais nécessairement, comme une nouvelle demande en obtention d’un permis de port d’armes.

Or, faute d’éléments pertinents ou d’autres motifs spéciaux justifiant éventuellement l’octroi d’une autorisation de port d’arme, cette nouvelle demande est refusée en application de l’article 16, alinéa 1er de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions.

Pour autant que de besoin, il est précisé que le présent refus est fondé sur les mêmes motifs que ceux de la décision ministérielle du 27 mai 2002 ainsi que sur ceux développés au jugement du Tribunal administratif du 6 janvier 2003 précité, tous censés faire partie intégrante de la présente décision.

A toutes fins utiles, il est encore précisé que les arguments que vous invoquez dans votre courrier du 2 avril 2003 ne sont pas pertinents en l’espèce alors qu’aussi bien le présent refus que celui du 27 mai 2002 précité ont été pris en application de l’alinéa 1er de l’article 16 de la loi du 15 mars 1983, et non pas en application de l’alinéa 2 de cet article.

Aussi, l’autorisation de détention que votre mandant s’est vu délivrer en date du 23 août 2002 pour, notamment, les armes ayant figuré sur son permis de port d’armes témoigne-

t-elle du fait que les refus de port d’armes pris en cause ne sont en aucune manière basés sur un écart de comportement ou sur un quelconque antécédent de votre mandant, mais uniquement sur un défaut de motif valable dans son chef. » Par requête déposée en date du 7 juillet 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la décision ministérielle de refus du 8 avril 2003.

Le délégué du Gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit contre la décision querellée.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4 et autres références y citées).

Etant donné que ni la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions, ni aucune autre disposition légale ne prévoit la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour statuer sur la demande principale tendant à la réformation de la décision ministérielle litigieuse.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … estime que ce serait à tort que le ministre de la Justice aurait retenu qu’il serait resté en défaut d’apporter des éléments nouveaux ou d’autres motifs spéciaux. Il fait valoir qu’il ne rentrerait dans aucune des 4 catégories de personnes prévues à l’article 20 de la loi modifiée du 15 mars 1983, de sorte que le ministre de la Justice ne pourrait pas lui refuser le permis de port d’armes. Il ajoute qu’il ne ressortirait pas non plus du dossier que son comportement, son état mental ou ses antécédents ne feraient craindre un mauvais usage de l’arme, tel qu’exigé par l’article 16, alinéa 2 de la loi modifiée du 15 mars 1983. En ce qui concerne la présentation de motifs valables, il relate qu’en sa qualité d’agent d’assurances et associé-gérant d’une agence immobilière, il devrait transporter des sommes importantes, qu’il emprunterait toujours le chemin le plus court, qu’il aurait une expérience en matière de tir, étant donné qu’il est inscrit à un club de tir et qu’il n’entendrait utiliser son arme qu’à des fins de dissuasion.

Le délégué du Gouvernement se réfère notamment à la décision ministérielle de refus du 27 mai 2002 et précise que le ministre de la Justice est juge de l’opportunité d’octroyer ou de refuser un permis de port d’armes et qu’en l’espèce Monsieur … n’aurait pas fait état de motifs valables justifiant dans son chef l’octroi d’un permis.

D’après l’article 16, alinéa 1er de la loi modifiée du 15 mars 1983 « l’autorisation (…) de porter (…) des armes et munitions est délivrée par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables. » Il est constant en cause que la décision ministérielle de refus est fondée sur l’article 16, alinéa 1er de la loi modifiée du 15 mars 1983, de sorte que les moyens d’annulation invoqués se référant aux articles 16, alinéa 2 et 20 de la loi modifiée du 15 mars 1983 sont à rejetter, étant donné qu’ils manquent de pertinence.

En ce qui concerne les motifs valables à invoquer par un demandeur à l’appui de sa demande en vue d’obtenir un permis de port d’armes, il convient de relever que le ministre de la Justice est juge de l’opportunité d’octroyer ou de refuser l’autorisation de port d’armes à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire (trib. adm. 27 mars 1997, n° 9597 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Armes prohibées, n° 1 et autres références y citées) et que, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis, seule une erreur manifeste d’appréciation de l’autorité ayant pris la décision déférée étant à sanctionner en conséquence (trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 10 et autres décisions y citées).

C’est à bon droit que le ministre de la Justice a pu estimer dans le cadre de la fixation de sa politique générale en matière de délivrance de permis de port d’armes, qu’il n’était pas approprié d’autoriser chaque agent commercial transportant des documents ou des recettes à porter une arme à feu, en raison des risques qui sont liés à la multitude d’armes en possession des particuliers tenant notamment aux vols d’armes et aux usages non autorisés.

C’est encore à bon droit que le ministre a estimé qu’il n’y a pas lieu d’autoriser le demandeur à porter une arme, étant donné qu’il n’a pas fait valoir de motifs valables justifiant l’octroi d’un permis de port d’arme dans son chef et qu’il existe d’autres moyens que le port d’une arme pour éviter de faire l’objet d’une attaque ou d’un dérobement d’argent ou de documents, ne serait-ce que, parmi d’autres, le recours à d’autres modes de paiement que celui en liquide ou aux services de firmes spécialisées en matière de transports de fonds.

En se fondant sur ces considérations, le ministre n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par la loi modifiée du 15 mars 1983 et il a donc légalement pu refuser l’octroi de l’autorisation de port d’armes sollicité en retenant que Monsieur … n’a pas invoqué de motifs valables à l’appui de sa demande.

Etant donné que le refus se justifie par ce seul motif, il n’y a pas lieu de prendre position par rapport à l’expérience de tir invoquée par le demandeur.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 novembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16691
Date de la décision : 12/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-12;16691 ?

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