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12/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16560

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 novembre 2003, 16560


Tribunal administratif N° 16560 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juin 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16560 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2003 par Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la soc

iété anonyme … S.A., .., établie et ayant son siége social à L-…, tendant à l’annulati...

Tribunal administratif N° 16560 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juin 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16560 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2003 par Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., .., établie et ayant son siége social à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 5 mai 2003 conditionnant la délivrance de l’autorisation d’établissement par elle sollicitée notamment par la production, à défaut de contrat d’emploi, d’un contrat de mandat concernant l’administrateur-délégué de la société ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal en date du 4 septembre 2003 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision déférée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Christian-Charles LAUER et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 3 novembre 2003.

Considérant que suite à la demande en autorisation de la société anonyme …, préqualifiée, visant la profession de gestionnaire d’un organisme de formation professionnelle continue et sur avis négatif de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports exprimé par l’organe du directeur à la formation professionnelle, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, désigné ci-après par « le ministre », a en date du 19 juin 2001 retenu que Monsieur …, administratreur-délégué de la société anonyme …, remplissait la condition légale de qualification professionnelle requise pour l’activité concernée et, avant de pouvoir réserver une suite à la demande d’autorisation, demandé la production de pièces complémentaires sur base des dispositions de l’article 5 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisans, de commerçants, d’industriels, ainsi qu’à certaines professions libérales, désignée ci-après par « la loi d’établissement » ;

Que sur prise de position du mandataire de la société anonyme …, le ministre s’est encore adressé à lui suivant courrier du 25 février 2002 pour solliciter la production du contrat d’emploi de Monsieur … conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi d’établissement, tout en faisant valoir qu’il y avait lieu de joindre une copie de la décision dûment enregistrée de l’organe directeur compétent de la société attribuant la fonction de l’administrateur-délégué avec co-signature obligatoire à la personne précitée ;

Que sur recours contentieux du 16 mai 2002 inscrit sous le numéro 14911 du rôle introduit par la société anonyme …, le tribunal, par jugement, non appelé, du 18 décembre 2002, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation tout en déclarant le recours en annulation justifié pour annuler la décision ministérielle déférée dans la mesure de l’exigence de la production d’un contrat d’emploi en bonne et due forme y contenue, tout en renvoyant l’affaire devant le ministre en prosécution de cause ;

Que par décision du 5 mai 2003, adressée au mandataire de la société anonyme …, le ministre s’est à nouveau exprimé comme suit :

« Maître, Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entretemps l’objet d’une nouvelle instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

La commission a été d’avis qu’avant de pouvoir délivrer l’autorisation afférente, Monsieur … voudra me faire parvenir, à défaut de contrat d’emploi, une copie de son contrat de mandat, conformément notamment aux dispositions de l’article 5 de la loi du 28 décembre 1988 qui ont pour but de garantir une gestion quotidienne des affaires effectives de la part du dirigeant social.

Par ailleurs, étant donné que la qualification professionnelle repose uniquement sur le sieur précité, il y a lieu de produire une copie de la décision dûment enregistrée de l’organe directeur compétent de la société attribuant la fonction d’administrateur délégué avec cosignature obligatoire à la personne précitée.

A toutes fins utiles, je vous signale qu’en l’état actuel des statuts (article 9) d’autres personnes dont la qualification professionnelle n’a pas été prouvée peuvent s’occuper à leur tour de la gestion.

Comme je fais miennes ces considérations, je ne peux réserver une suite favorable en l’état actuel du dossier.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif.

Veuillez agréer, Maître, l’assurance de ma considération distinguée. » Considérant que par requête déposée en date du 16 juin 2003, la société anonyme … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation dirigé contre la décision ministérielle pré-relatée du 5 mai 2003 et limité à la seule question de l’exigence de la production d’un contrat de mandat y contenue ;

Qu’à l’audience le mandataire de la demanderesse de confirmer expressément cette limitation de l’objet du recours ;

Considérant que l’Etat se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et délai.

Considérant qu’encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision ;

Considérant que l’article 2, alinéa 6 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, telle que modifiée par la loi du 4 novembre 1997, prévoyant expressément un recours en annulation en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire ;

Considérant que le recours en annulation, introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, est recevable ;

Considérant qu’au fond la partie demanderesse conclut à l’annulation de la condition posée de la production d’un contrat de mandat, laquelle se heurterait aux dispositions de l’article 1985 du Code civil suivant lesquelles le mandat peut être donné verbalement tout en s’avérant être non pertinente en l’espèce dans la mesure où la qualité d’administrateur-délégué de Monsieur … aurait été retenue dans le cadre même de l’acte notarié de constitution de la société demanderesse ;

Que le délégué du Gouvernement d’étayer l’argumentaire à la base de la décision déférée en faisant valoir qu’à partir de la finalité de l’article 5 de la loi d’établissement tendant à garantir l’effectivité et la permanence de l’activité envisagée, l’administrateur -

délégué d’une société anonyme, à défaut de contrat d’emploi, devrait produire un contrat de mandat ou de prestation de services, le but étant d’établir que le dirigeant gère personnellement et de manière effective la société détentrice d’une autorisation d’établissement ;

Que par ailleurs le représentant étatique de souligner qu’il ne découlerait pas des statuts actuellement produits en cause qu’un pouvoir de co-signature obligatoire ait été jusque lors conféré à Monsieur … ;

Considérant qu’il est constant que les conditions de qualification et d’honorabilité professionnelles ne posent aucune difficulté en l’espèce dans le chef de l’administrateur-

délégué de la demanderesse, Monsieur … ;

Considérant que l’article 5 de la loi d’établissement porte que « l’autorisation d’établissement est strictement personnelle.

Nul ne peut exercer une des activités ou professions visées par la présente loi sous le couvert d’une autre personne ou servir de personne interposée dans le but d’éluder les dispositions de la présente loi.

L’engagement par une société d’un gérant qualifié doit être prouvé par la production d’un contrat de louage de service en due forme, définissant les droits et obligations du gérant, son horaire de travail, ainsi que sa rémunération qui doit être au moins égale au salaire social minimum d’un employé qualifié » ;

Considérant qu’il est constant pour avoir été déjà constaté de façon non contestée à travers le jugement précité du 18 décembre 2002 que Monsieur … est mandataire, sans avoir la qualité de salarié de la société anonyme … dont il assume la gestion journalière en tant qu’administrateur-délégué ;

Considérant qu’à partir du constat que le terme générique de gérant employé par l’article 5, alinéa 3, de la loi d’établissement englobe également la situation d’un administrateur-délégué d’une société anonyme, mandataire non-salarié, le tribunal a été amené à travers le jugement du 18 décembre 2002 à annuler la décision ministérielle alors déférée dans la mesure de l’exigence de la production d’un contrat d’emploi en bonne et due forme, cette exigence s’analysant en une condition impossible, partant nulle ;

Considérant que suivant les dispositions de l’article 1985 du Code civil « le mandat peut être donné ou par acte public, ou par écrit sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement . … L’acceptation du mandat peut n’être que tacite, et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire » ;

Considérant qu’il résulte de la résolution du conseil d’administration réuni le 12 janvier 1998 à la suite de la constitution de la société anonyme …, que Monsieur …, prénommé, a été désigné administrateur-délégué ;

Que l’acte notarié en question a fait partie du dossier de la demanderesse dès avant la prise de la décision ministérielle actuellement déférée ;

Considérant que dans la mesure où la loi admet la mise en place du mandataire même par voie non écrite et que les modalités d’exécution du mandat peuvent être tacites et ne résulter que de l’exécution opérée de fait par le mandataire, ainsi qu’il résulte de l’article 1985, alinéa 2 du Code civil, la constitution de Monsieur … en tant qu’administrateur-délégué à travers un acte notarié suffit de façon éminente aux prescriptions légales, de sorte que la condition posée à travers la décision ministérielle déférée consistant dans l’exigence de la production complémentaire d’un contrat de mandat n’a pas de raison d’être d’un point de vue légal ;

Que la décision déférée encourt dès lors l’annulation dans la mesure de l’exigence ainsi posée ;

Considérant qu’encore que l’annulation ainsi intervenue dans les limites de l’objet du recours ne confère qu’une satisfaction restreinte à la demanderesse, étant donné notamment que l’autre exigence portée à travers la décision ministérielle déférée concernant la co-signature obligatoire manque à être vérifiée d’après les données fournies au dossier, elle ne manque cependant pas d’intérêt dans le chef de la société anonyme … laquelle n’aurait jamais eu une chance d’être admise à l’autorisation sollicitée tant que la condition de la production d’un contrat de mandat aurait subsisté ;

Considérant que l’annulation ainsi intervenue ne porte pas préjudice à l’exigence légale soutenue à juste titre par le représentant étatique en ce que des conditions sont susceptibles d’être posées à l’encontre de la personne physique assurant la gestion journalière de la société anonyme dont il s’agit, en dehors de l’exigence inadaptée en l’espèce de la production d’un contrat de mandat, pourvu qu’elles soient posées en conformité avec le cadre légal existant ;

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit justifié dans les limites de son objet ;

partant annule la décision ministérielle déférée dans la mesure de l’exigence de la production complémentaire d’un contrat de mandat y contenue ;

renvoie l’affaire devant le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en prosécution de cause ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 novembre 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16560
Date de la décision : 12/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-12;16560 ?

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