La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16420

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 novembre 2003, 16420


Numéro 16420 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mai 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16420 du rôle, déposée le 12 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, assisté de Maître Pascale

HANSEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au ...

Numéro 16420 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mai 2003 Audience publique du 12 novembre 2003 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16420 du rôle, déposée le 12 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, assisté de Maître Pascale HANSEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, née le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 mars 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie à l’audience publique du 13 octobre 2003.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 13 février 2003, Madame …, préqualifiée, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame … fut entendue également en date du 5 mars 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame … par décision du 17 mars 2003, notifiée en date du 19 mars 2003, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’elle n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par Madame … à travers un courrier de son mandataire du 11 avril 2003 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 25 avril 2003, elle a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle initiale de rejet du 17 mars 2003 par requête déposée en date du 12 mai 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse reproche au ministre une appréciation inexacte de la situation actuelle au Monténégro ainsi que de sa situation personnelle. Elle expose qu’elle serait membre de la communauté bochniaque du Monténégro et mariée à un Albanais originaire du Kosovo, que tant sa propre famille que celle de son époux se seraient dès l’origine opposé à leur relation et que plus particulièrement son oncle les aurait même frappé et menacé son époux de mort après les avoir surpris ensemble, de même que sa propre famille l’aurait battue après avoir eu la nouvelle de leur relation. Elle ajoute que la famille de son mari n’aurait pas non plus accepté qu’après un certain temps leur présence au Kosovo après leur déménagement et qu’ils seraient retournés au Monténégro faute de chance de survivre financièrement au Kosovo, mais que ses parents auraient refusé tout contact jusqu’au moment où elle aurait perdu son enfant. Elle relève qu’après avoir bénéficié d’un logement gratuit jusqu’en décembre 2002, ils auraient été privés de logement et auraient décidé de fuir, que son mari aurait été arrêté par la police lors de cette tentative de fuite, alors qu’elle serait retournée au Kosovo mais aurait été mise à la porte par la famille de son mari qui lui aurait imputé la responsabilité de l’emprisonnement de ce dernier, et qu’elle aurait finalement décidé de s’enfuir au regard du fait qu’en raison des origines ethniques différentes elle-même et son mari ne seraient acceptés ni par leurs familles respectives, ni par les autorités.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, v° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition en date du 5 mars 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les éléments de persécution invoqués par la demanderesse sont exclusivement d’ordre familial, puisqu’elle se prévaut du défaut d’acceptation et de mauvais traitements de la part de sa propre famille et de celle de son mari, lesquels ne peuvent, indépendamment de leur caractère dramatique, pas être considérés comme persécution au sens de la Convention de Genève. Elle ne fait par contre pas état d’autres actes ayant émané de tierces personnes ou des autorités publiques.

Il résulte des développements qui précèdent que la demanderesse reste en défaut d’établir un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Nonobstant le fait que la demanderesse n’était pas représentée à l’audience à laquelle l’affaire avait été fixée pour les débats oraux, l’affaire est néanmoins jugée contradictoirement à son égard, la procédure étant essentiellement écrite devant les juridictions administratives.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 novembre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16420
Date de la décision : 12/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-12;16420 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award