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10/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16796

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 novembre 2003, 16796


Tribunal administratif N° 16796 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juillet 2003 Audience publique du 10 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du Ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16796 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juillet 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-â

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Tribunal administratif N° 16796 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juillet 2003 Audience publique du 10 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du Ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16796 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juillet 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 15 avril 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, en date du 30 juin 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 novembre 2003.

Le 20 novembre 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 15 janvier 2003, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 15 avril 2003, envoyée par courrier recommandé le 22 avril 2003, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande était refusée comme non fondée au motif qu’il ne pourrait pas faire état d’un risque actuel de persécution pour des motifs tenant à sa race, à ses opinions politiques, à sa religion, à sa nationalité ou à son appartenance à un groupe social.

Le 23 mai 2003, Monsieur … fît introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Par décision du 30 juin 2003, envoyée par courrier recommandé le même jour, le ministre de la Justice confirma sa décision du 15 avril 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, Monsieur …, de nationalité yougoslave et de religion musulmane, fait valoir qu’il aurait fuit son pays d’origine parce que il serait sujet à des actes de représailles de la part de personnes qui lui reprocheraient notamment d’avoir continué à travailler durant le conflit du Kosovo au lieu de combattre au sein de l’U.C.K. Il expose que cette attitude risquerait d’être interprétée par les Albanais du Kosovo comme étant constitutive d’une forme de complicité de sa part exprimée à l’égard de la politique menée par les Serbes à l’époque du conflit armé du Kosovo. Par ailleurs, il affirme qu’il aurait été licencié parce qu’il n’aurait pas fait partie de l’U.C.K. pendant la guerre, que le petit kiosque qu’il aurait ouvert après son licenciement aurait été démoli par des inconnus et que malgré les plaintes déposées auprès de l’UNMIK, rien ne se serait passé. En fin de compte, il ajoute que la situation au Kosovo resterait à l’heure actuelle trop perturbée pour parler d’une réelle pacification des relations entre les différentes communautés.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne les persécutions de la part d’inconnus, respectivement de la part de la population albanaise, s’agissant de persécutions commises par des tiers et non par les autorités étatiques, il y a lieu de relever qu’elles ne sauraient en tout état de cause être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables de lui assurer une protection adéquate. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer sa protection. Les faits dont il fait état ne revêtent pas le caractère de gravité suffisante afin de pouvoir valoir comme crainte caractérisée de persécution au sens de la Convention de Genève mais s’analysent plutôt en un sentiment général d’insécurité.

De tout ce qui précède, il résulte que le recours laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de le rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 10 novembre 2003 :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16796
Date de la décision : 10/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-10;16796 ?

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